Doudart de Lagrée et Courbet

Doudart de Lagrée et Courbet deux marins polytechniciens en Extrême-Orient

Dossier : Arts, lettres et sciencesMagazine N°799 Novembre 2024
Par Jacques-André LESNARD

Deux offi­ciers de marine poly­tech­ni­ciens, décé­dés de mala­die en ter­ri­toire chi­nois, l’un encore en pleine ascen­sion, l’autre en pleine gloire mili­taire, illus­trent, dans le der­nier tiers du XIXe siècle, deux aspects de l’action colo­niale fran­çaise en Extrême-Orient, après les pre­mières pierres posées par le poly­tech­ni­cien ami­ral de France Rigault de Genouilly (cf. l’HistoriX du n° 790).

Voyage d’exploration en Indo-Chine : effectué pendant les années 1866, 1867 et 1868... De gauche à droite : Francis Garnier, Louis Delaporte, Lucien Joubert, Clovis Thorel, Louis de Carné et Ernest Doudart de Lagrée.
Voyage d’exploration en Indo-Chine : effec­tué pen­dant les années 1866, 1867 et 1868… De gauche à droite : Fran­cis Gar­nier, Louis Dela­porte, Lucien Jou­bert, Clo­vis Tho­rel, Louis de Car­né et Ernest Dou­dart de Lagrée. Source gallica.bnf.fr / Biblio­thèque natio­nale de France

Doudart de Lagrée

Ernest (Marie, Louis de Gon­zague) Dou­dart de Lagrée naît le 31 mars 1823 en Gré­si­vau­dan, à Saint-Vincent-de-Mer­cuze, à mi-dis­tance entre Gre­noble et Cham­bé­ry, loca­li­té connue alors pour son haut-four­neau dit de la Combe d’Alloix, fonc­tion­nant au char­bon de bois jusqu’en 1860. À noter que, à la suite d’un juge­ment en 1861, notre « Rutis­son », la déno­mi­na­tion des habi­tants du lieu, voit l’état civil de son patro­nyme rec­ti­fié l’année sui­vante pour deve­nir en quatre mots Dou­dart de la Grée (rele­vant l’écriture d’une sei­gneu­rie bre­tonne près de Vannes, ori­gine de ses ancêtres paternels).

Un officier de marine

Élève des jésuites à Cham­bé­ry, puis au lycée Char­le­magne, il entre à Poly­tech­nique dans la pro­mo­tion 1842. Il en est exclu, vic­time d’un « licen­cie­ment col­lec­tif » d’élèves de l’X en 1844, mais il peut recom­men­cer en can­di­dat libre sa deuxième année et opte à la sor­tie pour la Marine. Aspi­rant de 1re classe en 1845 donc, il navigue en Amé­rique latine et en Grèce, s’y pas­sion­nant pour l’archéologie.

Il part pour la Cri­mée en mars 1854, fraî­che­ment pro­mu lieu­te­nant de vais­seau, sur le trois-mâts Fried­land. L’intéressé, res­pon­sable de sa bat­te­rie basse, se dis­tingue lors des com­bats du 17 octobre devant Sébas­to­pol et reçoit la croix de che­va­lier de la Légion d’honneur. Son bateau est endom­ma­gé par un oura­gan en novembre et reste en répa­ra­tion un an à Constan­ti­nople. Il com­mande l’aviso le Rôdeur de 1858 à 1860, mais com­mence à souf­frir d’une « pha­ryn­gite gra­nu­leuse », mal­ai­sé­ment diag­nos­ti­quée par la Facul­té, ce qui lui impose de fré­quentes cures ther­males et le rend pro­gres­si­ve­ment inapte au ser­vice à la mer.

Après quelque temps au sein de la jus­tice mili­taire à Tou­lon, il obtient de par­tir en Cochin­chine, espé­rant qu’un cli­mat tro­pi­cal sera plus favo­rable à sa san­té. En 1861, il s’y rend comme second de la Garonne.

Fin diplomate et passionné du Cambodge

Repré­sen­tant le gou­ver­neur pour le Cam­bodge et le Mékong, Dou­dart de Lagrée réus­sit à tis­ser des liens avec le nou­veau roi du Cam­bodge Noro­dom Ier (roi de 1860 à 1904), au point d’être l’artisan incon­tes­té de l’élaboration d’un trai­té de pro­tec­to­rat signé à Oudong (suprême en sans­crit, ancienne capi­tale et nécro­pole royale) le 11 août 1863, rati­fié par Napo­léon III en avril 1864. Le Cam­bodge s’affranchit de la tutelle enva­his­sante de ses deux voi­sins, Siam (Thaï­lande de nos jours) à l’ouest et nord, comme Annam (Viêt­nam) à l’est et au sud. 

Au-delà de ses qua­li­tés de diplo­mate, il se pas­sionne pour la civi­li­sa­tion khmère, eth­no­logue et épi­gra­phiste autant qu’historien, ce qui par ailleurs le sert dans son action diplo­ma­tique. Il contri­bue par ses qua­li­tés nar­ra­tives à faire connaître les ruines d’Angkor, qu’il explore de manière très scien­ti­fique (relayé en cela par Louis Dela­porte qui consa­cre­ra sa vie à res­sus­ci­ter Ang­kor). Ain­si de la publi­ca­tion post­hume par la Marine, en 1873, du Voyage d’exploration en Indo-Chine, 1866−1867−1868, mis au propre par F. Gar­nier, puis dix ans plus tard des Explo­ra­tions et mis­sions du capi­taine de fré­gate Dou­dart de Lagrée par le capi­taine de vais­seau A. B. de Vil­le­me­reuil, à par­tir de ses manuscrits.

Un explorateur

Éle­vé au grade de capi­taine de fré­gate en décembre 1864, il se voit confier par le contre-ami­ral Pierre Paul de La Gran­dière, alors gou­ver­neur de la Cochin­chine, en juin 1865, une mis­sion d’exploration du Mékong, secon­dé par le lieu­te­nant de vais­seau Fran­cis Gar­nier (1839−1873) et l’enseigne de vais­seau L. Dela­porte. Il remonte le fleuve à par­tir de mi-1866, via le Laos puis le nord du Ton­kin, pour gagner le Yun­nan ; il cherche vai­ne­ment les sources du fleuve et constate l’impossibilité d’en faire une voie de péné­tra­tion flu­viale vers la Chine. Le fleuve Rouge (qui tra­verse Hanoï) se révé­le­ra plus adé­quat pour atteindre le Yun­nan : son contrôle sera une des rai­sons majeures du conflit évo­qué plus loin ci-après.

Exté­nué, il meurt le 12 mars 1868, en terre chi­noise à Tong Tchouen, dix-huit jours avant ses qua­rante-cinq ans. L’expédition ramène son corps à Shan­ghai. Il sera ensuite ache­mi­né à Saï­gon et conjoin­te­ment enter­ré avec F. Gar­nier (mort au com­bat à Hanoï le 21 décembre 1873). Leurs cendres seront rapa­triées en métro­pole en 1983… à bord de l’aviso-escorteur por­tant le nom de Dou­dart de Lagrée (F 728). L’urne conte­nant ses cendres est désor­mais dans l’église où son cœur, embau­mé dès son décès, avait été pré­cé­dem­ment enter­ré. Le pré­sident de la Répu­blique Félix Faure avait inau­gu­ré à Gre­noble, square des Postes, un monu­ment à sa gloire le 4 août 1897, lequel a été trans­la­té dans son vil­lage natal en 1968.

Le livre très com­plet de Ber­na­dette et Ber­nard Cho­ve­lon inti­tu­lé Dou­dart de Lagrée, marin, diplo­mate et explo­ra­teur (PUF 1997) a fait l’objet d’une recen­sion dans la J&R n° 537 rubrique « arts, lettres et sciences ».


Carte de la vallée du Mékong, levée de Cratieh à Paklaie, du 13 juillet 1866 au 22 avril 1867, par l’expédition du Mékong... par Francis Garnier. Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France
Carte de la val­lée du Mékong, levée de Cra­tieh à Pak­laie, du 13 juillet 1866 au 22 avril 1867, par l’expédition du Mékong… par Fran­cis Gar­nier. Source gallica.bnf.fr / Biblio­thèque natio­nale de France

Le Mékong

Défor­ma­tion « taï » de Mae (Nam) Kong (mère de tous les fleuves), ce nom désigne le 10e fleuve du monde par sa lon­gueur (de 4 350 à 4 909 km selon les sources) ; son débit annuel le place au 4e rang mon­dial, mal­gré d’importantes varia­tions sai­son­nières induites par les moussons. 

Nais­sant à 5 224 m d’altitude, le fleuve reste chi­nois sur la moi­tié de son par­cours, bap­ti­sé Lan­cang (« fleuve tur­bu­lent ») car son alti­tude est de 500 m seule­ment lorsqu’il com­mence à che­mi­ner entre Bir­ma­nie et Laos, ser­vant de manière inter­mit­tente mais sou­vent de fron­tière, jusqu’à deve­nir un del­ta dès son entrée en Cochin­chine, d’où l’appellation viet­na­mienne de « fleuve des neuf dra­gons » pour ses neuf estuaires. 

Il des­sert au Laos Luang Pra­bang et la capi­tale Vien­tiane, avec le pont fer­ro-rou­tier le plus en amont, depuis 1994, pour relier Nong Khai en Thaï­lande. À Phnom Penh, capi­tale du Cam­bodge, il est rejoint par le Tonle Sap. Son bas­sin ver­sant est d’environ 810 000 km² pour une popu­la­tion de 65 mil­lions d’habitants.


Portrait d’Amédée Anatole Prosper Courbet par Ernest Appert (1831-1890). Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France
Por­trait d’Amédée Ana­tole Pros­per Cour­bet par Ernest Appert
(1831−1890). Source gallica.bnf.fr / Biblio­thèque natio­nale de France

L’amiral Courbet

Homo­nyme contem­po­rain du célèbre peintre franc-com­tois Gus­tave Cour­bet (1819−1877), Amé­dée (Ana­tole, Pros­per) Cour­bet naît à Abbe­ville, le chef-lieu de l’arrondissement mari­time du dépar­te­ment de la Somme, le 26 juin 1827, der­nier et tar­dif enfant du ménage d’un négo­ciant en vins, notable local très aisé mais décé­dé en 1836. Son frère aîné Alexandre devient son tuteur et veille à sa pour­suite d’études atten­tives, via le lycée Char­le­magne après le bac­ca­lau­réat : Amé­dée entre dans les quinze pre­miers, sur 126 admis, au concours d’entrée de l’X de 1847.

Quelques mois plus tard, il se pas­sionne pour la révo­lu­tion de février 1848, entraî­nant maints cama­rades de pro­mo­tion en sa qua­li­té de ser­gent-major. Il devient l’assistant d’Armand Mar­rast, direc­teur du jour­nal Le Natio­nal, un temps maire de Paris. Il délaisse ses études pour entrer au secré­ta­riat du gou­ver­ne­ment pro­vi­soire. Tou­te­fois il se lasse très vite des mani­gances et com­pro­mis des hommes poli­tiques, « girouettes » ou « poli­chi­nelles » selon ses écrits ulté­rieurs. Il s’en écarte et jure de ne plus les appro­cher. Il rat­trape le retard accu­mu­lé dans ses études à par­tir du second semestre 1848 et opte, après de l’examen de sor­tie, pour la Marine, en 2e rang sur les six places offertes.

Un officier de marine polyvalent

Nom­mé à Tou­lon d’abord sur le très vieil Océan de 118 canons, il est muté à sa demande en novembre sur une cor­vette à voiles, La Capri­cieuse, pour un très long embar­que­ment, quatre ans et demi, comme aspi­rant puis enseigne, autour du globe : cap Horn, Poly­né­sie, Paci­fique occi­den­tal (cam­pagne de recherche des restes de Lapé­rouse), rivages asia­tiques, océan Indien. Il pour­chasse en Médi­ter­ra­née les pirates levan­tins sur L’Olivier pen­dant la guerre de Cri­mée, ce qui lui vaut, en 1856, la croix de che­va­lier de la Légion d’honneur et le grade de lieu­te­nant de vais­seau. Il embarque sur le Suf­fren (1858, bateau-école) et le Mon­te­bel­lo deux ans plus tard. Ins­truc­teur à l’école de canon­nage, A. Cour­bet s’acharne à déve­lop­per la pré­ci­sion des méthodes de tir et amé­lio­rer le fonc­tion­ne­ment des armes.

En 1861, ses apti­tudes topo­gra­phiques le font dési­gner pour effec­tuer un lever hydro­gra­phique détaillé de la rade de Biar­ritz, car Napo­léon III rêvait d’y implan­ter un grand port en eaux pro­fondes. A. Cour­bet est pro­mu capi­taine de fré­gate en 1866 et devient chef d’état-major de la divi­sion cui­ras­sée de la Manche. En 1870, il com­mande aux Antilles l’aviso-mixte Talis­man pen­dant la guerre fran­co-prus­sienne. À son retour, il est char­gé de rédi­ger un cours de tac­tique navale, puis est pro­mu capi­taine de vais­seau en août 1873, ce qui le place en « espoir » pour les plus hautes fonc­tions de la Marine. Il com­mande l’école des tor­pilles implan­tée à l’île d’Oléron et se pas­sionne pour cette arme nou­velle. Il devient en 1877 chef d’état-major de l’importante escadre de la Médi­ter­ra­née (com­por­tant qua­torze bâti­ments de ligne, croi­seurs et cui­ras­sés), ce qui lui per­met de pra­ti­quer la conduite d’une flotte.

Gouverneur de la Nouvelle-Calédonie

L’amiral Jean-Ber­nard Jau­ré­gui­ber­ry, ministre de la Marine et des Colo­nies, le convoque à l’été 1879 pour lui pro­po­ser de deve­nir gou­ver­neur de la Nou­velle-Calé­do­nie, ce qu’il refuse plu­sieurs mois avant d’accepter. Com­man­deur de la Légion d’honneur en 1879, il arrive à Nou­méa le 8 août 1880, avec les étoiles de contre-ami­ral le mois sui­vant, pour un man­dat de vingt-cinq mois. Il déploie une belle acti­vi­té admi­nis­tra­tive, aux len­de­mains d’apaisement de la dure répres­sion de la révolte du chef Ataï, s’intéressant au déve­lop­pe­ment de l’agriculture et com­bat­tant la spé­cu­la­tion fon­cière. De retour en métro­pole, il se voit confier le com­man­de­ment à Cher­bourg d’une « divi­sion navale d’essais », avec sa marque sur le garde-côtes Le Bélier et il entre à la « com­mis­sion des travaux ».

Chef de guerre en Extrême-Orient

L’émoi dans l’opinion fran­çaise induit par le mas­sacre de mili­taires fran­çais à Hanoï, avec le décès du capi­taine de vais­seau H. Rivière le 19 mai 1883, par des « Pavillons noirs » (irré­gu­liers, auxi­liaires des Chi­nois hors de Chine), entraîne le 31 mai la nomi­na­tion de Cour­bet à la tête de la divi­sion navale du Ton­kin. Il met sa marque sur le Bayard et atteint Saï­gon le 13 juillet. Le mois sui­vant, il rem­porte une belle vic­toire à Thuan An, le corps de débar­que­ment étant com­man­dé par le capi­taine de vais­seau Émile Par­rayon (X1854), son « capi­taine de pavillon » com­man­dant le Bayard. (Ce der­nier ter­mi­ne­ra au som­met de sa car­rière vice-ami­ral, ins­pec­teur géné­ral de la Marine et pré­sident de la Com­mis­sion des phares).

A. Cour­bet bloque ensuite Hué, capi­tale de l’empire d’Annam, puis s’empare de sa cita­delle. Le 26 octobre, il devient coman­dant inter­ar­mées et le 16 décembre obtient un suc­cès reten­tis­sant à Son­tay, une tren­taine de kilo­mètres en aval d’Hanoï, ce qui entraîne sa pro­mo­tion comme vice-ami­ral le 1er mars 1884 ain­si que l’attribution de la plaque de grand offi­cier de la Légion d’honneur. Les batailles vic­to­rieuses au Ton­kin de Bac-Ninh et Fou-Tchéou se suc­cèdent au prin­temps, ain­si que Kee­lung à For­mose et Peng­hu dans les îles Pes­ca­dores, ren­for­çant sa renom­mée jus­ti­fiée comme chef mili­taire pré­cis, clair­voyant, efficace.

La guerre avec la Chine

Après l’embuscade de la colonne Dugenne à Bac-Le près de Lang Son, le 2 août 1884, éclate offi­ciel­le­ment le conflit avec la Chine : Cour­bet devient le com­man­dant d’une escadre d’Extrême-Orient, regrou­pant les deux divi­sions navales du Ton­kin et d’Extrême-Orient, soit trois croi­seurs, trois canon­nières et deux tor­pilleurs. Entre le 23 et le 26 août il remonte l’embouchure de la rivière Min (fleuve du Fujian, pro­vince chi­noise mari­time méri­dio­nale) où il com­bat et vainc la flotte enne­mie non cui­ras­sée dans sa base, puis tous les forts rive­rains, cela avec un mini­mum de tirs ; la médaille mili­taire lui est décer­née le 10 septembre.

Il doit ensuite blo­quer For­mose (l’île actuelle de Taï­wan, grande comme quatre fois la Corse) à défaut de s’en empa­rer, mal­gré des moyens alloués bien insuf­fi­sants. Après un pre­mier échec, il réus­sit à débar­quer en mars 1885 et reçoit le concours du capi­taine du génie Joseph Joffre (X1869, ben­ja­min de sa pro­mo­tion) qui déploie aus­si­tôt ses talents pour la défense de l’île : A. Cour­bet sera le pre­mier à sol­li­ci­ter la Légion d’honneur pour cet offi­cier de grand ave­nir. Avec son escadre il livre des com­bats plus au nord le long de la côte chi­noise à Shi-Pu le 14 février 1885, à Ze-Hai le 1er mars, avant de reve­nir aux Pes­ca­dores et de mouiller à Makung près de Peng­hu. La san­té de Cour­bet, minée par les suites mal sur­mon­tées du cho­lé­ra depuis deux ans, s’aggrave subi­te­ment en mai et il décède le soir du 11 juin, à bord du Bayard.

Un souvenir durable

Le bateau ramène le cer­cueil en France. Les hon­neurs mili­taires lui sont ren­dus aux Inva­lides ; un hom­mage est pro­non­cé à la Chambre des dépu­tés et au Sénat par le pré­sident du Conseil H. Bris­son et le ministre de la Marine, l’amiral Charles-Eugène Gali­ber. Il est ensuite enter­ré à Abbe­ville. La socié­té de secours en mer de la baie de Somme reçoit « ses espèces et valeurs mobi­lières », selon le tes­ta­ment de ce céli­ba­taire endur­ci. Un croi­seur en construc­tion reçoit immé­dia­te­ment son nom et est envoyé, aus­si­tôt fini, au Ton­kin. Pré­sen­te­ment, une fré­gate légère fur­tive de la Marine natio­nale s’appelle Cour­bet.

Le témoi­gnage de Pierre Loti (alors le L. V. Julien Viaud sur L’Atalante, une cor­vette cui­ras­sée lors de cette cam­pagne de 1884–1885) est édi­fiant : « Il se mon­trait avare de ce sang fran­çais. Ses batailles étaient com­bi­nées, tra­vaillées d’avance avec une si rare pré­ci­sion, que le résul­tat, sou­vent fou­droyant, s’obtenait tou­jours en per­dant très peu, très peu des nôtres ; et ensuite, après l’action qu’il avait dure­ment menée avec son abso­lu­tisme sans réplique, il rede­ve­nait tout de suite un autre homme, très doux, s’en allant faire la tour­née des ambu­lances avec un sou­rire triste ; il vou­lait voir tous les bles­sés, même les plus humbles, leur ser­rer la main ; eux mou­raient plus contents, tout récon­for­tés par sa visite. » De nom­breuses rues en France conservent avec le nom de l’amiral le sou­ve­nir de ce mili­taire exemplaire.

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