Du grand groupe à la start-up : itinéraire de deux alumni de l’Executive Master
Joseph Martin-Ginolhac et Youssef Laarouchi sont deux alumni de l’Executive Master de Polytechnique E21 et E20 qui viennent de grandes structures entrepreneuriales. À l’issue de leur formation, ils ont fait le choix de travailler dans des start-up, forts des mises à jour sur des sujets industriels, des approches innovantes de projets et de la confiance qu’ils ont acquises pendant l’Executive Master.
Peux-tu décrire ton parcours professionnel (avant l’Executive Master) et les raisons pour lesquelles tu as décidé de candidater à l’Executive Master de l’X ?
Joseph Martin-Ginolhac (E21) : Avant de rejoindre l’Executive Master, j’ai fait toute ma carrière au sein d’Air France, à la direction industrielle. J’ai eu la chance d’occuper différents postes au sein des trois métiers de la direction industrielle que sont l’avion, les équipements et les moteurs. C’est l’avantage d’un grand groupe, il offre des occasions variées et on peut explorer des domaines connexes à l’ingénierie, comme la logistique, les achats ou le commercial. En ce qui me concerne, le point commun de tous mes postes était l’aspect technique. J’ai toujours eu une appétence pour la technique et c’est ce qui m’a décidé à rejoindre l’Executive Master plutôt qu’un Executive MBA classique généralement offert par les écoles de commerce. J’avais le sentiment de m’être spécialisé en maintenance aéronautique et j’aspirais à gommer cette expertise.
Lorsque j’ai entendu parler de l’Executive Master, j’ai aimé cette approche scientifique et cette idée de faire le lien entre des domaines de recherche et le monde industriel. Le fait que les intervenants soient des chercheurs reconnus dans leur domaine donne de la crédibilité et de l’épaisseur à la formation. La crise de la Covid, qui a bousculé le secteur de l’aérien, a été le déclencheur qui m’a poussé à postuler.
« J’avais envie de regarder d’autres perspectives qui valoriseraient mon background technique. »
Youssef Laarouchi (E20) : Lors de ma candidature à l’Executive Master, j’étais responsable de la cybersécurité chez EDF R & D. Je représentais EDF R & D au sein du Hub Cyber de Systematic, au sein du comité opérationnel de CyberCNI, une chaire commune avec l’Institut Mines-Télécom, et j’étais également coresponsable du laboratoire SEIDO, un laboratoire commun à EDF R & D et à Télécom Paris.
J’ai précédemment travaillé comme ingénieur de recherche et chef de projet chez Renault, où j’ai participé à la définition et à l’évaluation de projets portant sur la sécurité des nouveaux véhicules. Je suis également titulaire d’une HDR (habilitation à diriger les recherches) obtenue en 2020 et d’un doctorat obtenu en 2009 à l’Université de Toulouse, financé par Airbus France et le LAAS-CNRS. J’ai reçu mon diplôme d’ingénieur en télécommunications de l’Enseirb (École nationale supérieure d’électronique, informatique, télécommunications, mathématique et mécanique de Bordeaux), avec un master de recherche de l’université de Bordeaux en 2006.
L’expérience de l’Executive Master est arrivée à un moment important de ma carrière où je me cherchais. J’avais envie de regarder d’autres perspectives qui valoriseraient mon background technique, avec un parcours « challengeant » et enrichissant. Les premiers échanges avec les équipes pédagogiques, puis avec les anciennes promotions de l’Executive Master, m’ont permis de me conforter dans l’idée que cette formation était la bonne.
Raconte-nous ta transition d’un grand groupe à une start-up.
JMG : Lorsque j’ai quitté Air France et démarré l’Executive Master, je voulais prendre le temps de faire un tour d’horizon, avant de décider où aller. Je ne souhaitais pas nécessairement repartir dans l’aéronautique. J’avais à cœur de choisir un poste qui aurait une dimension environnementale. Après dix-huit ans dans un grand groupe comme Air France, j’avais également envie d’essayer autre chose, d’aller vers des structures plus petites, que j’imaginais plus dynamiques et moins rigides. C’est comme ça que j’ai trouvé Flying Whales, dont l’objectif est de créer un dirigeable de transport de charges lourdes allant jusqu’à 60 t nécessitant pas ou peu d’infrastructures au sol et avec une empreinte environnementale minimale. Seule une start-up pouvait avoir le grain de folie pour se lancer dans un tel projet.
Ce qui est intéressant chez Flying Whales, c’est qu’il y a justement un mix de culture entre un passé de start-up et un nécessaire passage à l’échelle industrielle, avec de plus en plus d’employés qui viennent justement de ces groupes comme Airbus, Safran, Dassault… Cela peut générer des tensions et nécessiter de la pédagogie, mais c’est aussi extrêmement dynamique et il faut savoir prendre du recul pour bien orienter les choix et les décisions. Finalement, après avoir été très négatif au sujet des grands groupes, maintenant je vois aussi leurs aspects positifs, que l’on peut avoir tendance à oublier lorsque l’on en fait partie.
« Seule une start-up pouvait avoir le grain de folie pour se lancer dans un tel projet. »
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YL : Durant ma carrière, j’ai toujours occupé des postes dans de grands groupes (Airbus, Renault, puis EDF). Les domaines industriels étaient certes bien différents, mais la cybersécurité est une compétence transverse que toutes les industries convoitent, comme le montre l’actualité. À travers mon expérience dans ces grands groupes, j’ai bien apprécié les moyens qui étaient mis à disposition pour lancer des actions de recherche ou de partenariat. Cependant, j’étais souvent confronté à des cycles de décision assez longs, qui faisaient que l’on pouvait ne pas saisir des possibilités.
Ces occasions perdues ont créé une frustration grandissante, nourrie par la grande vitesse avec laquelle le monde de la cybersécurité évolue. J’ai donc été persuadé qu’il était compliqué d’avoir la réactivité nécessaire imposée par le monde de la cyber, tout en respectant de longs processus bien ancrés dans les grands groupes. J’ai ainsi intégré depuis quelques mois Hackuity en tant que head of innovation. Hackuity est une scale-up en cybersécurité qui s’intéresse à la gestion de vulnérabilités.
Actuellement, les entreprises font face à des milliers d’attaques quotidiennes et la myriade d’outils existants pour détecter les vulnérabilités fait qu’il est très difficile pour ces entreprises de prioriser leurs actions de remédiation. Dans ce contexte, mon rôle consiste à piloter les activités d’innovation qui joueront un rôle important pour se distinguer de la concurrence. À titre d’exemple, nous nous intéressons aux approches par la théorie des graphes, pour corréler des relations entre les vulnérabilités, ou encore à l’utilisation de l’IA pour traiter ces grands volumes de données.
Quel rôle a joué l’Executive Master dans ta transition ?
JMG : L’Executive Master m’a permis de me remettre au goût du jour sur plusieurs technologies et de mieux appréhender la mise en œuvre de l’innovation dans l’industrie. Avec son tour d’horizon des principales technologies, il m’a permis de comprendre que mon appétence pour l’aéronautique, en plus d’être mon background, prédominait sur mon envie de changer de domaine. Par ailleurs il ouvre les portes du réseau polytechnicien, ce que j’avais largement sous-estimé et qui m’a permis d’entrer en contact avec plusieurs personnes pour échanger et construire mon projet professionnel. Il est certain que, sans ma formation à l’Executive Master, ma transition vers un projet en dehors de mon périmètre d’expertise aurait été plus compliquée et sans doute plus longue.
YL : L’équation précédente était compliquée à résoudre : agilité en cybersécurité et décisions rapides dans un grand groupe. L’Executive Master m’a permis d’avoir quelques éléments de réponse. D’abord l’approche des Teams Projects (concevoir des projets hétérogènes porteurs de valeurs justifiées) a constitué une nouvelle manière de traiter les innovations. C’est un concept qui s’approche plus des start-up, avec des défis poussés par les professeurs et les intervenants, nous forçant à acquérir un réflexe de création de valeur et d’autoévaluation. Cet exercice m’a séduit d’autant plus qu’il a donné naissance à une création de start-up avec quelques membres de l’équipe. Cette start-up était présente au CES (Consumer Electronics Show) de Las Vegas.
“On apprécie de sortir de sa zone de confort.”
Un second élément de réponse est lié aux profils des camarades de promotion, dont plusieurs ont eu une activité d’autoentrepreneur dans leurs expériences professionnelles. Leur état d’esprit était passionnant et inspirant, et les échanges que j’ai eus avec eux m’ont permis de voir qu’il est possible de traiter les innovations autrement que ce que j’ai pu avoir dans ma carrière.
Un troisième élément important est le volet psychologique quant à notre zone de confort. L’Executive Master est une expérience qui nous bouscule, nous oblige à sortir de notre zone de confort et nous montre qu’il est possible de voir le monde autrement, avec des résultats souvent meilleurs. Une conséquence presque directe de cela : on prend goût à ce bousculement, on l’apprécie même ; et on se voit directement décider de prendre des risques dans sa carrière, de chercher à relever de nouveaux défis.
Comment te projettes-tu sur les cinq ans à venir ?
JMG : Il est dur de dire où je serai dans cinq ans, cela peut aussi bien être au sein de Flying Whales, à lancer les premières opérations commerciales de notre dirigeable le LCA60T, ou ailleurs pour mener des projets stimulants et innovants. Dans tous les cas j’ai la conviction qu’il y a toujours des occasions à créer ou à saisir. Sans être naïf quant aux difficultés qu’il peut y avoir, l’avenir devrait nous montrer ce que l’on peut y apporter et nous indiquer la place qui a du sens pour chacun de nous. L’Executive Master m’a aidé à développer cette confiance dans l’avenir, en montrant les opportunités qui existent et le dynamisme autour des innovations, quelles qu’elles soient.
YL : J’ai également appris avec l’Executive Master que notre parcours est à notre main et qu’il ne faut pas hésiter à se mettre des défis dans notre quotidien pour atteindre nos objectifs. En ce qui me concerne, j’ai une longue expérience en recherche et innovation, en tant que passionné de la recherche universitaire et des avancées technologiques. Cette passion, j’arrive à la nourrir au quotidien actuellement, et j’aimerais adopter une approche visant à valoriser rapidement les innovations de nos chercheurs dans des produits qui soient accessibles aux utilisateurs finaux. Cela peut prendre plusieurs formes : programmes technologiques, partenariats stratégiques, investissements ciblés, tout dépend des occasions qui se présenteront dans l’avenir.