Parcours d'Executive Master de l'École polytechnique de grands groupes vers des start-up

Du grand groupe à la start-up : itinéraire de deux alumni de l’Executive Master

Dossier : Nouvelles du platâlMagazine N°793 Mars 2024
Par Cécile CHAMARET (D12)

Joseph Mar­tin-Ginol­hac et Yous­sef Laa­rou­chi sont deux alum­ni de l’Executive Mas­ter de Poly­tech­nique E21 et E20 qui viennent de grandes struc­tures entre­pre­neu­riales. À l’issue de leur for­ma­tion, ils ont fait le choix de tra­vailler dans des start-up, forts des mises à jour sur des sujets indus­triels, des approches inno­vantes de pro­jets et de la confiance qu’ils ont acquises pen­dant l’Executive Master.

Joseph Martin-Ginolhac, alumni de l'Executive Master de Polytechnique entré dans la start-up Flying Whales
Joseph Mar­tin-Ginol­hac

Peux-tu décrire ton parcours professionnel (avant l’Executive Master) et les raisons pour lesquelles tu as décidé de candidater à l’Executive Master de l’X ?

Joseph Mar­tin-Ginol­hac (E21) : Avant de rejoindre l’Executive Mas­ter, j’ai fait toute ma car­rière au sein d’Air France, à la direc­tion indus­trielle. J’ai eu la chance d’occuper dif­fé­rents postes au sein des trois métiers de la direc­tion indus­trielle que sont l’avion, les équi­pe­ments et les moteurs. C’est l’avantage d’un grand groupe, il offre des occa­sions variées et on peut explo­rer des domaines connexes à l’ingénierie, comme la logis­tique, les achats ou le com­mer­cial. En ce qui me concerne, le point com­mun de tous mes postes était l’aspect tech­nique. J’ai tou­jours eu une appé­tence pour la tech­nique et c’est ce qui m’a déci­dé à rejoindre l’Executive Mas­ter plu­tôt qu’un Exe­cu­tive MBA clas­sique géné­ra­le­ment offert par les écoles de com­merce. J’avais le sen­ti­ment de m’être spé­cia­li­sé en main­te­nance aéro­nau­tique et j’aspirais à gom­mer cette expertise.

Lorsque j’ai enten­du par­ler de l’Executive Mas­ter, j’ai aimé cette approche scien­ti­fique et cette idée de faire le lien entre des domaines de recherche et le monde indus­triel. Le fait que les inter­ve­nants soient des cher­cheurs recon­nus dans leur domaine donne de la cré­di­bi­li­té et de l’épaisseur à la for­ma­tion. La crise de la Covid, qui a bous­cu­lé le sec­teur de l’aérien, a été le déclen­cheur qui m’a pous­sé à postuler.

« J’avais envie de regarder d’autres perspectives qui valoriseraient mon background technique. »

Yous­sef Laa­rou­chi (E20) : Lors de ma can­di­da­ture à l’Executive Mas­ter, j’étais res­pon­sable de la cyber­sé­cu­ri­té chez EDF R & D. Je repré­sen­tais EDF R & D au sein du Hub Cyber de Sys­te­ma­tic, au sein du comi­té opé­ra­tion­nel de CyberC­NI, une chaire com­mune avec l’Institut Mines-Télé­com, et j’étais éga­le­ment cores­pon­sable du labo­ra­toire SEIDO, un labo­ra­toire com­mun à EDF R & D et à Télé­com Paris.

J’ai pré­cé­dem­ment tra­vaillé comme ingé­nieur de recherche et chef de pro­jet chez Renault, où j’ai par­ti­ci­pé à la défi­ni­tion et à l’évaluation de pro­jets por­tant sur la sécu­ri­té des nou­veaux véhi­cules. Je suis éga­le­ment titu­laire d’une HDR (habi­li­ta­tion à diri­ger les recherches) obte­nue en 2020 et d’un doc­to­rat obte­nu en 2009 à l’Université de Tou­louse, finan­cé par Air­bus France et le LAAS-CNRS. J’ai reçu mon diplôme d’ingénieur en télé­com­mu­ni­ca­tions de l’Enseirb (École natio­nale supé­rieure d’électronique, infor­ma­tique, télécom­muni­cations, mathé­ma­tique et méca­nique de Bor­deaux), avec un mas­ter de recherche de l’université de Bor­deaux en 2006.

L’expérience de l’Executive Mas­ter est arri­vée à un moment impor­tant de ma car­rière où je me cher­chais. J’avais envie de regar­der d’autres pers­pec­tives qui valo­ri­se­raient mon back­ground tech­nique, avec un par­cours « chal­len­geant » et enri­chis­sant. Les pre­miers échanges avec les équipes péda­go­giques, puis avec les anciennes pro­mo­tions de l’Executive Mas­ter, m’ont per­mis de me confor­ter dans l’idée que cette for­ma­tion était la bonne.

Youssef Laarouchi ancien de l'Executive Master de Polytechnique a rejoint uen start-up dans la cybersécurité
Yous­sef Laa­rou­chi (E20)

Raconte-nous ta transition d’un grand groupe à une start-up.

JMG : Lorsque j’ai quit­té Air France et démar­ré l’Executive Mas­ter, je vou­lais prendre le temps de faire un tour d’horizon, avant de déci­der où aller. Je ne sou­hai­tais pas néces­sai­re­ment repar­tir dans l’aéronautique. J’avais à cœur de choi­sir un poste qui aurait une dimen­sion envi­ron­ne­men­tale. Après dix-huit ans dans un grand groupe comme Air France, j’avais éga­le­ment envie d’essayer autre chose, d’aller vers des struc­tures plus petites, que j’imaginais plus dyna­miques et moins rigides. C’est comme ça que j’ai trou­vé Flying Whales, dont l’objectif est de créer un diri­geable de trans­port de charges lourdes allant jusqu’à 60 t néces­si­tant pas ou peu d’infrastructures au sol et avec une empreinte environ­nementale mini­male. Seule une start-up pou­vait avoir le grain de folie pour se lan­cer dans un tel projet.

Ce qui est inté­res­sant chez Flying Whales, c’est qu’il y a jus­te­ment un mix de culture entre un pas­sé de start-up et un néces­saire pas­sage à l’échelle indus­trielle, avec de plus en plus d’employés qui viennent jus­te­ment de ces groupes comme Air­bus, Safran, Das­sault… Cela peut géné­rer des ten­sions et néces­si­ter de la péda­go­gie, mais c’est aus­si extrê­me­ment dyna­mique et il faut savoir prendre du recul pour bien orien­ter les choix et les déci­sions. Fina­le­ment, après avoir été très néga­tif au sujet des grands groupes, main­te­nant je vois aus­si leurs aspects posi­tifs, que l’on peut avoir ten­dance à oublier lorsque l’on en fait partie.

« Seule une start-up pouvait avoir le grain de folie pour se lancer dans un tel projet. »


Lire aus­si : FLYING WHALES : le diri­geable qui réin­vente la mobi­li­té aérienne


YL : Durant ma car­rière, j’ai tou­jours occu­pé des postes dans de grands groupes (Air­bus, Renault, puis EDF). Les domaines indus­triels étaient certes bien dif­fé­rents, mais la cyber­sé­cu­ri­té est une com­pé­tence trans­verse que toutes les indus­tries convoitent, comme le montre l’actualité. À tra­vers mon expé­rience dans ces grands groupes, j’ai bien appré­cié les moyens qui étaient mis à dis­po­si­tion pour lan­cer des actions de recherche ou de par­te­na­riat. Cepen­dant, j’étais sou­vent confron­té à des cycles de déci­sion assez longs, qui fai­saient que l’on pou­vait ne pas sai­sir des possibilités.

Ces occa­sions per­dues ont créé une frus­tra­tion gran­dis­sante, nour­rie par la grande vitesse avec laquelle le monde de la cyber­sé­cu­ri­té évo­lue. J’ai donc été per­sua­dé qu’il était com­pli­qué d’avoir la réac­ti­vi­té néces­saire impo­sée par le monde de la cyber, tout en res­pec­tant de longs pro­ces­sus bien ancrés dans les grands groupes. J’ai ain­si inté­gré depuis quelques mois Hackui­ty en tant que head of inno­va­tion. Hackui­ty est une scale-up en cyber­sé­cu­ri­té qui s’intéresse à la ges­tion de vulnérabilités.

Actuel­le­ment, les entre­prises font face à des mil­liers d’attaques quo­ti­diennes et la myriade d’outils exis­tants pour détec­ter les vul­né­ra­bi­li­tés fait qu’il est très dif­fi­cile pour ces entre­prises de prio­ri­ser leurs actions de remé­dia­tion. Dans ce contexte, mon rôle consiste à pilo­ter les acti­vi­tés d’innovation qui joue­ront un rôle impor­tant pour se dis­tin­guer de la concur­rence. À titre d’exemple, nous nous inté­res­sons aux approches par la théo­rie des graphes, pour cor­ré­ler des rela­tions entre les vul­né­ra­bi­li­tés, ou encore à l’utilisation de l’IA pour trai­ter ces grands volumes de données.

Quel rôle a joué l’Executive Master dans ta transition ?

JMG : L’Executive Mas­ter m’a per­mis de me remettre au goût du jour sur plu­sieurs tech­no­lo­gies et de mieux appré­hen­der la mise en œuvre de l’innovation dans l’industrie. Avec son tour d’horizon des prin­ci­pales tech­no­lo­gies, il m’a per­mis de com­prendre que mon appé­tence pour l’aéronautique, en plus d’être mon back­ground, pré­do­mi­nait sur mon envie de chan­ger de domaine. Par ailleurs il ouvre les portes du réseau poly­tech­ni­cien, ce que j’avais lar­ge­ment sous-esti­mé et qui m’a per­mis d’entrer en contact avec plu­sieurs per­sonnes pour échan­ger et construire mon pro­jet pro­fes­sion­nel. Il est cer­tain que, sans ma for­ma­tion à l’Executive Mas­ter, ma tran­si­tion vers un pro­jet en dehors de mon péri­mètre d’expertise aurait été plus com­pli­quée et sans doute plus longue.

YL : L’équation pré­cé­dente était com­pli­quée à résoudre : agi­li­té en cyber­sé­cu­ri­té et déci­sions rapides dans un grand groupe. L’Executive Mas­ter m’a per­mis d’avoir quelques élé­ments de réponse. D’abord l’approche des Teams Pro­jects (conce­voir des pro­jets hété­ro­gènes por­teurs de valeurs jus­ti­fiées) a consti­tué une nou­velle manière de trai­ter les inno­va­tions. C’est un concept qui s’approche plus des start-up, avec des défis pous­sés par les pro­fes­seurs et les inter­ve­nants, nous for­çant à acqué­rir un réflexe de créa­tion de valeur et d’autoévaluation. Cet exer­cice m’a séduit d’autant plus qu’il a don­né nais­sance à une créa­tion de start-up avec quelques membres de l’équipe. Cette start-up était pré­sente au CES (Consu­mer Elec­tro­nics Show) de Las Vegas.

“On apprécie de sortir de sa zone de confort.”

Un second élé­ment de réponse est lié aux pro­fils des cama­rades de pro­mo­tion, dont plu­sieurs ont eu une acti­vi­té d’autoentrepreneur dans leurs expé­riences pro­fes­sion­nelles. Leur état d’esprit était pas­sion­nant et ins­pi­rant, et les échanges que j’ai eus avec eux m’ont per­mis de voir qu’il est pos­sible de trai­ter les inno­va­tions autre­ment que ce que j’ai pu avoir dans ma carrière.

Un troi­sième élé­ment impor­tant est le volet psy­cho­lo­gique quant à notre zone de confort. L’Executive Mas­ter est une expé­rience qui nous bous­cule, nous oblige à sor­tir de notre zone de confort et nous montre qu’il est pos­sible de voir le monde autre­ment, avec des résul­tats sou­vent meilleurs. Une consé­quence presque directe de cela : on prend goût à ce bous­cu­le­ment, on l’apprécie même ; et on se voit direc­te­ment déci­der de prendre des risques dans sa car­rière, de cher­cher à rele­ver de nou­veaux défis.

Comment te projettes-tu sur les cinq ans à venir ?

JMG : Il est dur de dire où je serai dans cinq ans, cela peut aus­si bien être au sein de Flying Whales, à lan­cer les pre­mières opé­ra­tions com­mer­ciales de notre diri­geable le LCA60T, ou ailleurs pour mener des pro­jets sti­mu­lants et inno­vants. Dans tous les cas j’ai la convic­tion qu’il y a tou­jours des occa­sions à créer ou à sai­sir. Sans être naïf quant aux dif­fi­cul­tés qu’il peut y avoir, l’avenir devrait nous mon­trer ce que l’on peut y appor­ter et nous indi­quer la place qui a du sens pour cha­cun de nous. L’Executive Mas­ter m’a aidé à déve­lop­per cette confiance dans l’avenir, en mon­trant les oppor­tu­ni­tés qui existent et le dyna­misme autour des inno­va­tions, quelles qu’elles soient.

YL : J’ai éga­le­ment appris avec l’Executive Mas­ter que notre par­cours est à notre main et qu’il ne faut pas hési­ter à se mettre des défis dans notre quo­ti­dien pour atteindre nos objec­tifs. En ce qui me concerne, j’ai une longue expé­rience en recherche et inno­va­tion, en tant que pas­sion­né de la recherche uni­ver­si­taire et des avan­cées tech­no­lo­giques. Cette pas­sion, j’arrive à la nour­rir au quo­ti­dien actuel­le­ment, et j’aimerais adop­ter une approche visant à valo­ri­ser rapi­de­ment les inno­va­tions de nos cher­cheurs dans des pro­duits qui soient acces­sibles aux uti­li­sa­teurs finaux. Cela peut prendre plu­sieurs formes : pro­grammes tech­no­lo­giques, par­te­na­riats stra­té­giques, inves­tis­se­ments ciblés, tout dépend des occa­sions qui se pré­sen­te­ront dans l’avenir.

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