Du neuf dans le biogaz, clé de voûte de l’économie circulaire
La production industrielle du biogaz reste marginale, hormis en Allemagne et en Chine. Un des obstacles reste le coût de production. L’évolution en cours porte soit sur des niches, soit sur des solutions de petite taille pilotées numériquement et qui permettent de valoriser soi-même ses déchets organiques.
Jusqu’à présent, la captation du biogaz produit naturellement par la décomposition de la matière organique ou sa production dans des digesteurs sont restées marginales dans le mix énergétique.
L’Allemagne et la Chine font exception, avec pour la première environ 9 000 méthaniseurs de taille semi-industrielle (650 kWe en moyenne) qui produisent environ 6 % de l’électricité du pays et pour la seconde 40 millions de microméthaniseurs dans des fermes familiales et aussi près de 30 000 méthaniseurs de taille industrielle.
REPÈRES
Si nous avons eu tendance depuis deux siècles à favoriser la combustion à la fois pour son efficacité énergétique et du fait de l’abondance des combustibles fossiles, les projections énergétiques que nous imaginons pour le futur sont proches de ce que la nature nous montre : un mix de photovoltaïque, de combustion de biomasse et bien sûr de fermentation de matière organique
UN AVENIR INCERTAIN
Ces exceptions ont visé la mobilisation du principal gisement de biogaz en volume, à savoir les lisiers et les productions agricoles. Mais elles ont un avenir incertain et n’ont pas fait école.
Elles se heurtent en effet à trois obstacles majeurs :
“ Le coût de production du biométhane est de 3 à 4 fois le prix du gaz naturel ”
- le manque d’acceptabilité sociale pour mobiliser une production agricole à des fins énergétiques ;
- la maîtrise technique du méthaniseur dans la durée qui reste perfectible (1 accident par semaine et seulement 6 500 heures de fonctionnement en moyenne en Allemagne après quinze ans de développement) ;
- enfin, une absence de compétitivité de la production du biogaz pour une utilisation énergétique.
Le coût de production du biométhane (biogaz épuré) varie de 50 à 80 €/MWh selon les contraintes réglementaires et la taille des installations en Europe, soit 3 à 4 fois le prix du gaz naturel ; pour la bioélectricité (cogénérée avec du biogaz), le coût varie de 80 à 150 €/MWhe, ce qui est plus élevé que les coûts aujourd’hui démontrés par les autres EnR, certes intermittentes, mais aussi sans contrainte financière et logistique pour l’approvisionnement et sans incertitude d’exploitation.
NOUVEAUX MODÈLES DE DÉVELOPPEMENT
De nouveaux business models apparaissent, qui utilisent la technologie biogaz pour une création de valeur principale différente de la production d’énergie. Il n’y a pas de cas général, mais des niches pour lesquelles ces modèles sont viables.
VALORISER LE CO2
La valorisation du CO2 est un autre exemple d’innovation. Ainsi Engie a développé en coopération avec EBA (European Biogas Association) et deux partenaires non gouvernementaux un outil de calcul qui prépare la voie à une valorisation de la réduction de CO2 permise par un méthaniseur.
Le revenu généré par l’économie de CO2 serait égal au revenu de l’électricité cogénérée avec le biogaz vendue à un prix de 50 €/MWh.
La valorisation du lactosérum, communément appelé petit-lait, sous-produit de l’industrie fromagère, est un premier exemple. La croissance de la production est continue, d’environ 5 % par an selon la FAO. Une fromagerie de taille moyenne, celle qui produit de l’AOC, ne peut pas rejeter ce sous-produit très chargé en matière organique dans l’environnement.
Seules des installations de séchage, de taille industrielle, avaient une solution pour récupérer les protéines du lait dont la valeur nutritive est très élevée, mais au prix d’une consommation énergétique élevée. La méthanisation couplée à des technologies d’ultrafiltration permet aujourd’hui de séparer les protéines et d’approvisionner la fromagerie en énergie verte.
Le revenu généré par les protéines est 5 à 10 fois supérieur à celui généré par la valorisation énergétique. Ce type de solution permet de faire prospérer des PME dans la fromagerie à côté d’acteurs de taille industrielle.
DES MÉTHANISEURS PLUS COMPÉTITIFS
Les innovations technologiques vont permettre d’améliorer la compétitivité des méthaniseurs. Le premier exemple est le développement de la méthanation. Il s’agit d’ajouter une étape supplémentaire à la méthanisation et de combiner de l’hydrogène avec le CO2 issu du méthaniseur.
“ Il faut s’attendre à une industrialisation de la production du biogaz dans les prochaines années ”
La méthanisation classique de la biomasse produit 50 % de méthane et 45 % de CO2. Dans la méthanisation optimisée, on injecte de l’hydrogène obtenu par électrolyse. L’hydrogène se combine avec le CO2 et il ne reste que 5 % de ce gaz.
On peut porter la teneur en CH4 à 90 % et ainsi doubler la conversion carbone de l’installation. Autre avantage : cela permet de stocker l’énergie photovoltaïque ou éolienne excédentaire.
Première unité d’injection de biométhane dans l’Ouest à Mortagne-sur-Sèvre. © ENGIE / SIPA PRESS / SALOM-GOMIS SEBASTIEN
CHANGEMENT D’ÉCHELLE
L’innovation technologique entraîne aussi l’émergence de solutions de petite taille, pilotées numériquement et containérisées. Plus d’une centaine d’acteurs sont aujourd’hui en compétition sur ce nouveau type d’offre.
Les marchés visés sont soit les sites tertiaires qui veulent valoriser les déchets de restauration, soit les sites agro-industriels qui n’ont pas de matière en continu ou pas la taille pertinente pour une méthanisation classique, ou encore les agriculteurs qui préfèrent une solution à la ferme.
Le pilotage numérique permet de relever le défi de la complexité d’exploitation. Ces solutions permettent de valoriser les déchets organiques de façon décentralisée, avec un coût qui se rapproche de celui des solutions historiques de traitement centralisé des déchets, en redonnant la valeur contenue dans le déchet au producteur et, surtout, en supprimant les transports en camion qui sont de plus en plus contestés.
Mentionnons aussi le développement rapide de solutions d’épuration du biogaz et de conditionnement (liquéfaction/compression) du biométhane à petite échelle. Cela ouvre la voie à des offres de mobilité verte à partir des déchets organiques.
DE NOUVELLES SOURCES DE REVENUS
Pour conclure, il faut s’attendre à une industrialisation de la production du biogaz dans les prochaines années poussée par la recherche d’autonomie des acteurs économiques et l’émergence de solutions techniques miniaturisées et pilotées à distance, en rupture avec les schémas historiques de subvention d’un complément de revenu énergétique pour les agriculteurs ou de traitement centralisé des déchets.