Du nouveau
La quête de la nouveauté nous mène à de rares enregistrements de Sergiu Celibidache, à des mélodies françaises par Marianne Crebassa accompagnée par Fazil Say au piano et un quatuor de guitare Eclisses.
Pour l’amateur de musique, la quête de la nouveauté peut révéler aussi bien la lassitude des pièces pratiquées jusqu’à l’écœurement que la recherche de la découverte à venir – interprétation nouvelle, œuvre jamais écoutée.
Elle peut s’expliquer aussi par l’inaptitude du dilettante à se concentrer pour approfondir – alors que pour l’amoureux de la musique de Bach, par exemple, chaque audition de la Messe en si est une mine de découvertes.
SERGIU CELIBIDACHE
Celibidache était persuadé qu’un enregistrement en studio ne pourrait jamais rendre la totalité de l’expérience vécue lors d’un concert donné en salle et il assimilait « un concert enregistré à une nuit d’amour passée avec une photographie de Brigitte Bardot ».
Aussi a‑t-il très peu enregistré, essentiellement des concerts en public, et il a toujours refusé que ces enregistrements soient diffusés de son vivant. On publie aujourd’hui l’enregistrement inédit de deux œuvres données en concert à la tête du Philharmonique de Munich : Mort et Transfiguration de Strauss en 1979 et, en 1983, les Kindertotenlieder de Mahler, avec Brigitte Fassbaender1 .
C’est un enregistrement exceptionnel, et pas seulement en raison de sa rareté. Celibidache, on le sait, exigeait jusqu’à vingt répétitions ; le résultat est une absolue perfection : dans la mise en place, l’équilibre entre les pupitres et, bien sûr, la qualité extraordinairement homogène – cordes, bois, cuivres – du Münchner Philharmoniker, qu’il a fait travailler de 1979 jusqu’à sa mort en 1996, en en faisant l’un des tous premiers orchestres du monde.
Et Brigitte Fassbaender est une mezzo profondément émouvante, au timbre pur et dépouillé de vibrato. Deux œuvres poignantes, une interprétation hors pair qui vous prend et ne vous lâche plus.
MÉLODIES FRANÇAISES
Sous le titre Secrets, Marianne Crebassa, mezzo-soprano et Fazil Say présentent une anthologie de mélodies2 : de Debussy les Chansons de Bilitis et trois Mélodies sur des poèmes de Verlaine, de Ravel Shéhérazade et la Vocalise en forme de habanera, Mirages de Fauré, de Duparc quatre mélodies dont la célèbre Chanson triste, enfin Gezi Park3, une balade de Fazil Say en hommage aux mouvements protestataires de 2013 en Turquie.
Marianne Crebassa est une excellente mezzo-soprano, qui évite le vibrato et articule ses textes, et Fazil Say est un accompagnateur parfait, ce que l’on n’aurait pas attendu d’un pianiste aussi ébouriffant et anticonformiste.
Ces mélodies n’ont pas la profondeur métaphysique très germanique des deux œuvres de Strauss et Mahler, mais elles évoquent l’amour, la vie et la mort de façon plus légère et plus subtile aussi : au fond, française.
QUATUOR DE GUITARES
Le quatuor de guitares Eclisses vient d’enregistrer, sous le titre de Pulse, des pièces écrites les unes pour cette formation – Météores de Karol Beffa, One 4 all 4 one de Sergio Assad – les autres arrangées, dont Danses populaires roumaines de Bartok, Danzas fantasticas de Turina, Estancia de Ginastera, la Pavane de Ravel3.
Le quatuor de guitares est une formation inhabituelle, que l’on ne rencontre en général que dans le jazz « manouche » (et encore une seule guitare est soliste, les autres font partie de la section rythmique). Les possibilités offertes par la guitare permettent, en quatuor, d’intéressantes recherches de timbre.
Les pièces écrites pour cette formation, de Beffa et Assad, sont les plus originales et aussi les plus complexes, avec des rythmes que seule la guitare peut exprimer. Enfin du nouveau !
________________________________
1. 1 CD BR KLASSIK
2. 1 CD ERATO
3. 1 CD AD VITAM