Du pain et des jeux. Une économie politique des usages du temps
Pierre-Noël Giraud est un ingénieur-économiste qui a le goût – et le talent – des grandes synthèses, ce qui est assez rare aujourd’hui dans sa profession. Il nous livre aujourd’hui un livre important, dans la lignée du livre précédent sur l’« inutilité économique » d’une partie de la population enfermée dans des trappes de non-emploi ou de grande précarité. L’idée de base est qu’en réalité notre seule ressource rare est le temps, dont l’usage, sur les plans individuel et social, a considérablement varié au cours du dernier siècle. L’auteur tire de cela une réflexion de grande ampleur sur les enjeux de ce qu’il baptise l’« économie politique du temps » au regard des trois grands défis que sont le rapport à la nature, la maîtrise de la révolution informatique et la montée des inégalités.
De 1974 à 2010, en France, le temps moyen de travail marchand a diminué de 20 %, le temps de travail domestique de 11 %. Le temps « libre », en revanche, a augmenté de 33 %, devenant une cible majeure pour tous ceux qui cherchent à capter le TCD (temps de cerveau disponible). Le titre du livre renvoie au scénario « sinistre » : de plus en plus d’assistés économiques et des jeux pour occuper le temps et les esprits. Mais le livre, très agréable à lire, bourré de faits, ouvre aussi beaucoup de pistes positives. Avec, en prime, de belles synthèses de l’évolution en longue période de nos économies. Keynes imaginait qu’en 2030 nous pourrions ne travailler que trois heures, comme l’homme de Lascaux. Le « problème économique serait résolu » grâce aux gains de productivité. Or ces derniers ont été plus forts que prévu par Keynes. Si vous voulez comprendre l’énigme, lisez Giraud.