Du Technion au Platâl
En sens inverse, des étudiants du Technion viennent à l’École, qui y jouit d’un grand prestige, pour poursuivre un doctorat qui permet d’élargir sa formation au-delà des sciences dures. C’est la preuve que pour atteindre l’excellence les chemins sont multiples.
Galina VINOGRADOVA
« Mon parcours académique en Israël a abouti à un master scientifique au Technion, puis une thèse sur la complexité des choix des voies aériennes – sujet à mi-chemin entre les mathématiques et la science informatique.
En même temps que la rédaction de cette thèse, j’ai débuté une carrière en tant qu’ingénieur informatique et R & D au sein d’une société d’informatique pour l’ingénierie mécanique.
DE LA TECHNIQUE À L’HUMAIN
Mon activité au sein d’une société d’informatique était orientée “technique” et, en même temps, grâce à l’aspect international de la société, aussi orientée “relations” en ouvrant des portes sur les “secrets” des vendeurs de ce produit très particulier – destiné à l’ingénierie mécanique.
À l’École polytechnique en France, je découvre beaucoup plus d’intérêt aux défis de l’humanité qu’il ne peut y en avoir au Technion. © ÉCOLE POLYTECHNIQUE – J. BARANDE
C’est ainsi qu’à la fin de mon master scientifique en Israël, je me suis posé des questions d’une autre nature. Depuis l’enfance, j’ai été témoin des conflits dans mon voisinage proche : les guerres civiles en Caucase du Nord, les attaques aériennes du nord d’Israël.
Depuis, je me suis posé des questions sur les sujets d’humanité et de globalisation dans un contexte sans guerres civiles : notamment, les sujets de mélange des cultures, de morale et de diversité des valeurs.
JE DÉCOUVRE LA SOCIOPHYSIQUE À L’X
À l’École polytechnique, j’ai rejoint un laboratoire au sein du CNRS de Paris, CREA (Centre de recherche en épistémologie appliquée), qui incluait divers domaines scientifiques : mathématiques, chimie, biologie, philosophie, informatique.
Étant rattachée à la faculté des sciences humaines de l’École polytechnique, dans ce laboratoire riche en potentiel, j’ai pu développer un projet passionnant qui mélange les méthodes de mathématiques, de physique statistique et de l’informatique.
En collaboration avec mon directeur de recherche, physicien en sociophysique, nous avons proposé des méthodes d’analyse dans la formation des alliances d’acteurs logiques, pour construire ensuite des analyses autour de sujets de conflits civils.
L’X M’A OUVERTE AUX DÉFIS DE L’HUMANITÉ
Après avoir intégré l’École polytechnique en France, je découvre, à ma grande joie, beaucoup plus d’intérêt aux défis de l’humanité qu’il ne peut y en avoir au Technion ou dans une autre université technologique en Israël.
“ Une ouverture vers une vision plus large et vers des défis plus globaux ”
Cet intérêt constitue une ouverture vers une vision plus large et vers des défis plus globaux.
J’ai découvert plus tard que, sur le terrain, les domaines non technologiques, relevant de la stratégie, de la défense, de la socio- ou de la géopolitique, évoluaient d’une façon complètement détachée des sciences dures.
Ces sciences, avec leurs hautes réalisations, pourraient pourtant leur apporter des avantages substantiels et des points forts, tandis que les mass media ne représentent qu’un facteur de décision faiblement compétent.
Je réalise qu’en France les grandes traditions dans les domaines stratégiques et sociopolitiques, ainsi que dans le secteur industriel, représentent un atout majeur.
En même temps, il n’est pas exclu que cela constitue un frein capable de ralentir l’innovation ; alors qu’en Israël, la production de biens matériels est plus limitée, ce qui permet à l’innovation de s’épanouir. »
Tal MARCIANO
« Durant mon master à l’Université hébraïque de Jérusalem, j’ai participé à la création d’un biosenseur optique pour étudier les changements morphologiques dans des cellules vivantes sous l’effet de stimuli extérieurs.
J’ai ensuite décidé de poursuivre par un doctorat en France dans un domaine alliant optique et biologie. Très tôt, j’ai souhaité m’orienter vers une carrière de recherche en industrie.
Conscient du désamour français pour le diplôme de doctorat et aussi de l’importance de la renommée d’une école pour l’insertion professionnelle, j’ai choisi de ne pas renoncer au doctorat, mais de le soutenir dans une grande école.
C’est donc à l’École polytechnique que j’ai développé un dispositif d’holographie numérique afin d’étudier les propriétés optiques du tissu cornéen.
L’ATTRAIT DE L’ÉCOLE POLYTECHNIQUE
Aucune école de par le monde ne jouit du prestige et de l’admiration que suscite en France l’École polytechnique. La très forte sélection, le nombre réduit d’élèves dans chaque promotion, la renommée de certains anciens, la symbolique forte, ancienne et intimidante de la République française s’exprimant par l’uniforme flamboyant de ses élèves, et d’autres caractéristiques d’une institution ayant traversé les siècles, sont autant de raisons qui expliquent l’aura de l’École.
Au Technion, les étudiants sont en moyenne beaucoup plus âgés du fait de leurs trois années de service militaire.
Les quarante et quelques années de carrière qui suivent le succès au concours ne sont que des déclinaisons venant appuyer le prestige d’une école permettant de « tout faire ».
TECHNION – X : DES LOGIQUES DIFFÉRENTES, UNE MÊME EXIGENCE D’EXCELLER
À l’Université hébraïque ou au Technion, les étudiants sont en moyenne beaucoup plus âgés du fait de leurs trois années de service militaire. Les futurs ingénieurs choisissent leur université en fonction d’abord de la carrière qu’ils souhaitent et préféreront étudier dans une université moins prestigieuse la matière qui les passionne.
La sélectivité est moins importante qu’à l’École polytechnique, mais l’exigence d’exceller tout aussi élevée. La plupart des étudiants travaillent pour financer des études payantes.
Les stages sont inexistants, de même que les cours en marketing ou en économie pour un ingénieur destiné à une carrière scientifique. Si les meilleurs ingénieurs français font rarement toute une carrière dans la science, en Israël, les mêmes garderont une forte part de technicité tout au long de la leur.
L’EXCELLENCE À L’ÉCHELLE SUBNANOMÉTRIQUE
Après la thèse, j’ai rejoint la société KLA-Tencor dont la division de métrologie optique est basée en Israël. KLA développe des outils de contrôle des procédés pour les leaders mondiaux de développement de puces électroniques.
“ J’ai fait mienne la devise de l’École polytechnique : Pour la Patrie, les Sciences et la Gloire ”
Le groupe de scientifiques que je dirige à KLA développe des modèles et des algorithmes permettant de s’adapter aux fortes contraintes de précision, de justesse et de fiabilité de nos mesures subnanométriques, afin d’aider nos clients à poursuivre la loi de Moore : aujourd’hui, nous atteignons la taille de 7 nanomètres pour les transistors gravés sur des tranches de silicone.
La formation que j’ai eu la chance de recevoir à la fois au Technion, à l’Université hébraïque et à l’École polytechnique m’a permis de mener la carrière que je désirais, et c’est dans la Silicon Valley israélienne que j’ai fait mienne la devise de l’École polytechnique : Pour la Patrie, les Sciences et la Gloire. »