Eau et énergie : un couple indissociable
De gros besoins en eau
Au niveau mondial, après l’agriculture, le secteur énergétique est ainsi le deuxième plus gros utilisateur d’eau, même s’il faut distinguer les prélèvements d’eau (avec retour au milieu) des consommations d’eau.
Les prévisions de croissance démographique et de développement économique dans le monde permettent d’anticiper une hausse importante de la demande en eau et en énergie. Dans beaucoup de régions, le changement climatique aura de plus une influence non négligeable sur la disponibilité, la quantité, la distribution et la localisation de la ressource en eau, et exacerbera la compétition entre les différents usages de l’eau. Or, l’eau et l’énergie sont indispensables l’une à l’autre.
Dans le domaine de l’énergie, l’eau est utilisée pour la production hydroélectrique, et est nécessaire pour le refroidissement des centrales thermiques, l’extraction et le raffinage des produits pétroliers et gaziers, ainsi que pour la production de certains combustibles comme la biomasse, l’éthanol ou l’hydrogène.
En retour, l’énergie est indispensable à l’ensemble du cycle d’utilisation de l’eau par l’homme : extraction par pompage, transport, traitement, dessalinisation, utilisations diverses, en particulier pour l’irrigation ou l’industrie, et retraitement des eaux usées.
REPÈRES
Selon le scénario médian retenu par l’ONU, la population mondiale devrait dépasser 8 milliards de personnes en 2030 et 9 milliards en 2050, alors qu’elle était d’environ 7 milliards en 2012. Aujourd’hui, environ 1,3 milliard de personnes n’ont pas accès à l’électricité, 10 % de la population mondiale n’a pas accès à l’eau potable de manière simple et quotidienne et plus de 2,5 milliards de personnes souffrent d’un manque d’accès à des structures d’assainissement.
Sous le double effet de la démographie et du développement économique, la demande globale en énergie devrait ainsi doubler voire tripler d’ici à 2050, et les besoins globaux en eau pour les activités humaines devraient, quant à eux, augmenter de 40 % d’ici à 2030 et même de 70 % s’agissant de l’eau potable.
L’eau pour l’énergie
L’eau est nécessaire aussi bien à la production d’énergie primaire (extraction et raffinage des produits pétroliers ou gaziers, extraction du charbon, production de biomasse et de biocarburants, etc.) qu’au fonctionnement des centrales thermiques. C’est sa force motrice qui permet la production hydroélectrique.
Eau et énergie sont indispensables l’une à l’autre
Dans l’industrie pétrolière, l’eau est utilisée pour le forage des puits, la fracturation hydraulique, la complétion et le traitement des puits. De plus, au fur et à mesure de l’exploitation du réservoir, c’est le plus souvent de l’eau qui est injectée pour compenser la diminution de pression (récupération dite secondaire).
L’eau est également nécessaire pour de multiples usages dans les activités de raffinage, et en particulier sous forme déminéralisée, directement ou sous forme vapeur, après passage dans les chaudières de l’installation, ou comme fluide assurant le refroidissement et la condensation des hydrocarbures dans les différentes unités de la raffinerie.
Mètres cubes et gigajoules
Pour l’ensemble des activités de forage, complétion, extraction, on estime couramment la quantité d’eau nécessaire à 2 à 8m3 pour 1000 GJ de pétrole extrait. Lors de la récupération secondaire, le volume d’eau nécessaire augmente jusqu’à 100 à 180m3 pour 1000 GJ de pétrole extrait.
Dans les installations récentes, les volumes utilisés varient typiquement de 200 à 800 litres par tonne de pétrole brut, en fonction du procédé utilisé et des choix de conception du refroidissement. Dans toute la chaîne de traitement des produits pétroliers, de la prospection- extraction au raffinage, le retraitement des eaux et l’efficience des installations pour limiter la quantité d’eau utilisée sont devenus des enjeux industriels majeurs.
L’eau est également, bien entendu, indispensable à la production de la biomasse combustible. Il faut compter un peu plus de 1 m3 d’eau par kilogramme de biomasse produite. L’eau est également nécessaire lors des opérations de conversion de la biomasse en biofuel.
Refroidir les centrales électriques thermiques
Les volumes d’eau utilisés varient de 200 à 800 litres par tonne de pétrole brut
L’eau est utilisée pour assurer le refroidissement des centrales de production thermique d’électricité, qu’elles soient nucléaires ou thermiques à flamme (charbon, gaz, fioul, etc.). En fonction de la disponibilité de la ressource en eau, deux schémas peuvent être adoptés pour le circuit assurant le refroidissement.
Lorsque l’eau est abondante (bords de mer, estuaires, grands fleuves), le refroidissement se fait en circuit ouvert : l’eau prélevée passe par les milliers de tubes du condenseur et retourne ensuite au milieu. L’échauffement est de quelques degrés et il faut de l’ordre de 50 m3/s d’eau pour un réacteur nucléaire de 1 300 MW.
Lorsque la ressource en eau est moins importante, le refroidissement se fait en circuit fermé : l’eau circulant en boucle dans le condenseur est refroidie par un courant d’air ascendant dans des tours aéroréfrigérantes. La chaleur s’évacue par la vapeur d’eau qui forme le panache au-dessus des tours. Un appoint continu en eau (2 m3/s) est nécessaire pour compenser l’eau évaporée dans les tours (0,7 m3/s) et pour renouveler l’eau des condenseurs. L’échauffement de l’eau du cours d’eau dans le cas des circuits fermés ne dépasse pas quelques dixièmes de degré.
Production hydroélectrique et stockage d’énergie
Pour la production hydroélectrique, c’est la force motrice de l’eau, liée à la hauteur de chute de l’installation et au débit, qui est utilisée directement pour la production d’électricité. Le cœfficient énergétique de l’installation dépend de la hauteur de chute et du rendement global de l’installation. Il est couramment compris entre 0,01 kWh/m3 pour les installations de très basse chute (quelques mètres) à 2, voire 3 kWh/m3 pour les installations de haute chute (plusieurs centaines de mètres, voire plus de 1 000 m de chute).
Dans le cas de la production hydroélectrique, et en dehors des phénomènes d’évaporation des réservoirs, en général marginaux, l’eau n’est pas consommée. Elle est toujours restituée aux milieux, éventuellement après stockage.
Ce stockage de l’eau constitue, du reste, un gros enjeu dans le fonctionnement des systèmes électriques, puisqu’il constitue, et de très loin, le principal mode de « stockage » de l’électricité, dans les grands lacs de barrage.
Rôle environnemental
L’eau constitue, de très loin, le principal mode de « stockage » de l’électricité
Enfin, de nombreuses installations hydroélectriques jouent un rôle dans la gestion du grand cycle de l’eau du bassin-versant qui les accueille, et servent plusieurs usages de l’eau : irrigation, activités touristiques, soutien d’étiage, services environnementaux, alimentation en eau domestique ou industrielle, production d’électricité.
La bonne gestion coordonnée de ces différents usages représente souvent un fort enjeu d’optimisation de la ressource en eau. Cela est particulièrement vrai en France, où le volume total des lacs associés à des installations hydroélectriques représente 75% du volume total des retenues artificielles.
L’énergie pour l’eau
De manière symétrique, l’énergie est nécessaire à toutes les étapes de cycle de gestion de l’eau : extraction, transport, traitement et usages industriels et domestiques. L’énergie est nécessaire pour le transport et les différentes opérations de pompage associées et peut grandement varier (de moins de 0,1 kWh par mètre cube d’eau transportée dans les zones naturellement approvisionnées à plusieurs kilowattheures par mètre cube dans les zones plus arides ou mal approvisionnées en eau douce).
La production d’eau potable consomme de 0,25 à 4 kWh par mètre cube d’eau potable à partir d’eau de surface. La dessalinisation d’eau de mer a besoin de 4 à 8 kWh par mètre cube d’eau douce produite.
Transfert d’énergie par pompage
Le rendement d’une installation hydroélectrique étant en général assez élevé (de l’ordre de 0,9), des installations réversibles (Stations de transfert d’énergie par pompage – STEP) ont été développées spécialement pour assurer le stockage de l’électricité à partir d’un stockage d’eau. Les STEP comportent deux réservoirs entre lesquels l’eau circule : dans le sens amont vers aval pour produire de l’énergie lors des périodes de forte consommation et dans le sens aval vers amont, pour stocker de l’énergie en période de faible consommation. Les STEP de conception récente ont un rendement global (dit rendement de cycle) de l’ordre de 80 %. Les grandes installations hydroélectriques « gravitaires » et les STEP représentent l’essentiel des capacités de stockage de l’électricité actives dans le monde.
Usages domestiques ou industriels
Les usages domestiques correspondent à une forte intensité énergétique, due principalement au chauffage de l’eau : les besoins en énergie pour ces usages domestiques sont souvent supérieurs à 50 kWh par mètre cube d’eau. En zone urbaine, les usages domestiques de l’eau peuvent ainsi représenter jusqu’à 20% de la consommation électrique.
Le traitement des eaux usées représente une consommation de l’ordre de 1 à 10 kWh par mètre cube d’eau retraitée, en fonction des qualités initiale et finale et des effets d’échelle.
En France, le volume total des lacs associés à des installations hydroélectriques représente 75% du volume total des retenues artificielles.
Les enjeux d’une gestion coordonnée
Eau et énergie sont indissociablement liées et la croissance de leur demande ne fait qu’accentuer leur interdépendance, faisant du lien entre eau et énergie un des enjeux majeurs du développement durable.
20% de l’électricité
Les volumes d’eau à transporter peuvent être considérables et ne concernent pas seulement l’eau potable pour l’usage domestique, mais tous les usages de l’eau (industrie, agriculture, etc.).
On estime qu’environ 20% de la production mondiale d’électricité sert à l’alimentation de pompes utilisées pour le relevage et le transport de l’eau.
Le défi est multiple.
- Environnemental, d’abord, avec la nécessité de maîtriser l’impact des installations industrielles sur la qualité et la biodiversité des écosystèmes aquatiques et sur la morphologie des cours d’eau.
- Industriel, ensuite, avec le développement de solutions innovantes favorisant l’efficience des utilisations croisées de l’eau pour l’énergie et de l’énergie pour l’eau.
- Politique, enfin, avec la question de la gouvernance et des outils adaptés à la définition des meilleurs schémas de gestion conjointe de l’eau et de l’énergie, dans chaque bassin hydrographique.
La croissance de la demande accentue l’interdépendance entre eau et énergie
Des outils et des méthodologies ont été développés depuis de nombreuses années pour évaluer, étudier et maîtriser l’utilisation durable des ressources naturelles. La certification de durabilité forestière, l’empreinte écologique ou l’empreinte carbone sont autant d’exemples témoignant de la montée en puissance d’outils et de méthodologies destinés in fine à une meilleure gestion des ressources.
Dans le domaine de l’eau, les initiatives se sont multipliées depuis une dizaine d’années avec l’apparition du concept d’empreinte eau.
Une initiative d’EDF
Partenariat
Lors du dernier Forum mondial de l’eau, qui s’est tenu à Marseille en mars 2012, le Conseil mondial de l’eau et le Conseil mondial de l’énergie ont annoncé un partenariat pour favoriser un traitement efficient du lien entre eau et énergie : partage de données, coordination de programmes de recherche sur ce thème, promotion de solutions, etc.
Dans cette logique, EDF anime une initiative internationale, dans le but de développer un outil d’évaluation des impacts de l’énergie sur l’eau, en collaboration avec la communauté scientifique et les différentes instances représentatives des secteurs énergétiques : pétrole et gaz, nucléaire, énergies renouvelables, dont l’hydroélectricité.
L’objectif est de développer un langage et un cadre méthodologique communs à tous les secteurs, applicables partout dans le monde, qui permettront d’organiser, au niveau de chaque bassin hydrographique, le développement de solutions énergétiques adaptées, efficientes et respectueuses des ressources en eau.
2 Commentaires
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eau et energie
Bonjour, dans l’article sur eau et énergie, le schéma comportant 3 circuits d’eau pour les centrales nucléaires n’est valable que pour les réacteurs de type a eau pressurisée (REP ou PWR) . Pour les réacteurs à eau bouillante (REB ou BWR, tels que Fukushima), la vapeur est produite directement dans le cœur du réacteur, qui va directement a la turbine. Il n’y a donc que deux circuits d’eau.
C’est tout à fait exact .
C’est tout à fait exact . Nous n’avons reproduit que le schema type des centrales PWR car c’est la seule filière qui équipe actuellement le parc nucléaire français.