Écoles et universités analysées aux rayons X
Comment choisir un établissement pour compléter sa formation d’ingénieur ? Les célèbres classements de Shanghai ou des Mines (voir rappels en fin d’article) apportent quelques précieuses indications. Mais ils restent spécialisés (recherche pour l’un, management pour l’autre), sont fondés sur des critères indirects (médailles et publications, réussite professionnelle) et demeurent outrageusement élitistes : tout le monde n’aspire pas à décrocher un prix Nobel ou à diriger une entreprise planétaire.
Nous proposons ici une approche différente, inspirée de ces fleurons de la littérature française (de gare) que sont les guides gastronomiques et qui partent d’un constat élémentaire : pour juger de façon pertinente de la qualité d’un restaurant, il faut avoir goûté sa cuisine. Il en va de même en matière de formation.
Enquêteurs et consommateurs
La méthode de la marguerite
Un peu, beaucoup, passionnément, pas du tout. Notre questionnaire proposait dix questions, à quatre réponses fermées, sans possibilité de réponse neutre, obligeant à prendre parti. Notées de 1 à 4, les réponses fermées ont été systématiquement traduites en note sur 20 pour faciliter l’interprétation. De très nombreux commentaires ouverts font par ailleurs l’objet d’un intéressant florilège (page 68).
Les guides gastronomiques qui nous servent de modèle opèrent en deux étapes. Des enquêteurs anonymes procèdent d’abord à une première analyse. Des questionnaires destinés aux lecteurs accompagnent ensuite le guide. Répond qui veut. C’est la compilation des données reçues de la part des consommateurs qui permet d’attribuer les récompenses, les fameuses « toques » ou « étoiles » dont sont friands les « connoisseurs ».
Pour notre enquête, une quinzaine d’anciens élèves des promotions 2002 à 2004 ont bien voulu jouer le rôle des enquêteurs en s’exprimant le plus librement et le plus largement possible. Nous en avons déduit un questionnaire simple en dix items. Celui-ci a été proposé aux anciens des dix dernières promotions sorties de l’Ecole Polytechnique (1996 à 2005), avec la collaboration efficace de « polytechnique.org » et la bienveillance attentive de leurs caissiers.
En quelques semaines du mois d’avril dernier, nous avons recueilli 758 réponses, nombre qui démontre à lui seul l’intérêt de notre initiative. Les réponses se partagent pour moitié entre la France et le reste du monde. Les Etats-Unis représentent le tiers des réponses. Cent huit écoles ou universités sont concernées, dont 45 en France, 22 aux Etats-Unis, 41 dans d’autres pays.
Qualité, image et débouchés
La première partie du questionnaire demandait de noter dix critères de choix d’une formation complémentaire.
Nous donnons ci-dessous la liste des résultats. Ils confirment sur 758 réponses ce que nous avions obtenu dans l’enquête préliminaire réduite. C’est la qualité de la formation qui constitue le critère principal, devant la notoriété de l’établissement et les débouchés prévisibles de la formation. Les critères de jugement sont les suivants, avec leur poids respectif exprimé en note sur 20 :
On note peu de différences entre les réponses concernant la France ou le reste du monde. En France, un poids un peu plus fort est accordé à la qualité de la formation et aux débouchés, à l’étranger les relations culturelles, la qualité de vie sur le campus et, naturellement, la pratique d’une langue étrangère prennent un peu plus d’importance, sans que le classement en soit modifié.
Une note pondérée
Mais comment appliquer ces critères aux cas pratiques des formations proposées ? C’était l’objet de la deuxième partie de l’enquête. Chacun était invité à noter, selon les mêmes critères, l’impression ressentie a posteriori, autrement dit après avoir largement tâté de la cuisine. En pondérant, par le poids que le répondant a lui-même accordé au critère considéré, il est ainsi facile de calculer une note d’appréciation de la formation suivie.
Deux autres appréciations globales, concernant l’une l’établissement, l’autre la formation, permettent de vérifier la cohérence de l’appréciation, voire de la corriger légèrement. En compilant les différentes réponses reçues pour un même établissement, il est ainsi possible d’attribuer une note à chaque établissement.
Une gamme de récompenses
A ce stade, il serait tentant de proposer un nouveau « classement », celui des consommateurs eux-mêmes. Nous avons préféré nous en tenir à nos modèles et continuer à plagier sans vergogne les guides gastronomiques. Ceux-ci se contentent de décerner aux restaurateurs des étoiles ou des toques. Nous avons décidé d’attribuer, aux écoles et universités, des bicornes.
La règle retenue est la suivante :
• 3 bicornes (note supérieure à 17,5) : un des meilleurs établissements mondiaux
• 2 bicornes (note supérieure à 15,5) : excellente formation à tous égards
• 1 bicorne (note supérieure à 14) : une très bonne formation dans sa spécialité
• pas de bicorne (moins de 14) : établissement simple, mais convenable.
Nous avons limité ce palmarès à la trentaine d’établissements pour lesquels nous avons reçu au moins 5 réponses (nous avions pensé exiger au moins dix réponses, mais ceci nous aurait conduit à éliminer quelques noms prestigieux). Le palmarès est le suivant :
Il est difficile d’aller beaucoup plus loin dans le cadre d’un simple article. Nous tenons les résultats complets à la disposition de qui voudrait établir un véritable guide à l’attention des jeunes encore à l’école. Et, pourquoi ne pas étendre notre méthode d’investigation, extrêmement simple, à nos partenaires de Paris Tech et dresser ainsi un véritable « classement de Paris » fondé sur la meilleure appréciation possible, celle de ceux qui viennent de passer par là ?
Florilège
De très nombreux commentaires libres accompagnaient les réponses.
En voici quelques extraits.
Déclarations d’amour
« J’ai adoré ! » (University of Michigan). « Mon seul regret, avoir à quitter Munich » (Technisch Universität Müchen). « I loved Stanford. Probably one of the best year in my life » (Stanford). « Vraiment une expérience unique » (Harvard). « Le MIT a changé ma vie » (MIT). « Une formation agréable dans le cadre extraordinaire d’un village aux allures d’Harry Potter » (Cambridge). « L’Ecole polytechnique de Lausanne est vraiment une institution exceptionnelle » (Lausanne).
Culture avant tout
« Avant tout, une ouverture culturelle » (Indian Institute of Technology). « Je recommande vivement cette voie : cosmopolitisme, richesse culturelle incroyable » (Madrid). « Une expérience humaine et professionnelle très riche » (EP Montréal). « Vivre une expérience culturelle… et rencontrer des filles » (KTH Stockholm).
Avec parfois quelques réserves :
« Il y avait beaucoup trop de français et de polytechniciens » (Stanford). « J’ai suivi une forme de « loisirs studieux » » (Paris 1 Sorbonne). « Ici, on parle le Singlish, une version petit nègre de l’anglais » (National University of Singapore). « La seule valeur de ma formation au Japon sera la maîtrise du japonais » (Université de Tokyo).
Des formations de qualité
« La qualité des enseignements de Paris VI n’est pas une légende » (Paris VI). « Les néerlandais font les choses bien » (Leiden University). « Des professeurs d’une qualité exceptionnelle » (ENS Cachan). « La formation est d’une très grande qualité » (John Hopkins). « Pour une thèse en mathématiques théoriques, le choix est excellent » (Université de Grenoble). « J’ai fait le seul choix pour suivre une formation de recherche en astrophysique en France » (Université Pierre et Marie Curie). « J’ai suivi un mastère spécialisé en formation innovante. J’en suis extrêmement satisfait » (INSA de Strasbourg).
Mais, pas toujours :
« Qualité assez médiocre en comparaison de l’X » (ENSTA). « Ecole décevante après l’X » (Ponts et Chaussées). « Le niveau académique en master est une blague » (Université de Tokyo). « Approche systématiquement scolaire, de quoi écoeurer des études à tout jamais » (ENSAE). « Je me suis vu forcer de refaire des cours que j’avais suivis à l’X » (London School of Economics). « Le niveau scolaire du master est très bas » (Berkeley).
La belle image
« La réputation du MIT est absolument incroyable » (MIT). « Le « master of sciences » en génie civil de Berkeley est classé premier aux Etats-Unis » (Berkeley). « La notoriété d’Aachen est très forte dans le monde automobile » (RWTH Aachen).
Avec des lacunes :
« L’établissement est bien positionné dans les classements mais le diplôme ne confère aucun avantage à son détenteur » (Singapour). « La notoriété des établissements français est dérisoire… à l’exception peut-être de la Sorbonne » (ENST). « Le problème majeur est le manque de notoriété dans les entreprises » (KTH Stockholm). « Bien que mon master porte un nom au caractère tapageur (Engineering management systems), il ne permet pas de trouver un emploi (Columbia University). »
Vivre au loin
« Il faut avoir la volonté d’aller vivre loin, le cursus classique est trop franco-français » (University of Sidney). « L’Australie est une destination peu courante et le réseau d’anciens est basé essentiellement là-bas » (University of New South Wales). « L’intérêt de la formation est entièrement dans la localisation » (Imperial College London).
« Le campus est exceptionnel » (Stanford).
« Le campus est laid et il vaut mieux vivre ailleurs » (MIT).
Pas besoin, d’ailleurs, d’aller très loin :
« J’ai découvert l’Université française et ses problématiques spécifiques, grèves et autres » (Paris Sorbonne).
Des liens avec l’entreprise
« Voilà une formation qui prépare extraordinairement bien à la « vraie vie » en entreprise » (HEC). « Très bons liens avec l’entreprise » (ENSTA). « Une façon de réconcilier l’approche pragmatique à l’anglo-saxonne et l’approche théorique française » (INSEAD).
Avec réserves :
« L’école est beaucoup trop tournée vers les fonctionnaires » (Eaux et Forêts). « La formation est trop généraliste pour une « spécialisation » « (Mines).
Des problèmes de sous
« Les financements en PhD sont réservés aux étudiants anglais. Je trouve cette situation lamentable » (Oxford). « Il est possible de travailler parallèlement à la formation » (London School of Finances). « Avant d’obtenir un financement (dit RA ou TA), les frais de scolarité sont exorbitants, mais après, ils sont gratuits et on est payé, avec un salaire plus que convenable » (Stanford), oui, mais… « obtenir un financement sur place (type RA ou TA) est très difficile ce qui implique de tout payer soi-même. Pas évident… » (Stanford)
Quelques regrets
« Dommage que les masters des universités anglaises ne soient pas reconnus en tant qu’école d’application » (Imperial College London). « La qualité des formations au Japon dépend des professeurs en charge et non de l’Université » (Tokyo). « La charge de travail à Berkeley est vraiment écrasante » (Berkeley). « Les entreprises françaises ne reconnaissent pas certaines formations complémentaires » (Madrid).
Et, pour finir avec humour :
Encore un sondage qui n’était pas fait pour moi (Gendarmerie).
Finalement, les seules choses que j’ai apprises viennent de la prépa (Université Paris VI).
2 Commentaires
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L’Université Paris-Sud sous plusieurs noms
Malgré sa notoriété, l’Université Paris-Sud apparaît dans quatre lignes différentes de votre tableau des résultats de l’enquête, parfois sous des noms différents (Paris XI, Orsay). Il est étonnant que vous n’ayez pas « su les regrouper » (méconnaissance de l’Université française ?).
Qualité du réseau d’ancien
Les appréciations venant d’une seule personne sont vraiment peu fiables. Par exemple pour la qualité du réseau d’anciens : Paris 7, Colorado School of Mines et College of Europe sont mieux classés que Stanford ou Harvard ! PS. Dans le tableau excel, corriger l’orthographe de Stanford.