Économie et fiscalité
Il importe de partir des clignotants macroéconomiques. Actuellement, en France, tous ces clignotants sont au rouge : un déficit public avec une dette publique importante, une croissance atone, un taux de chômage élevé et un déficit du commerce extérieur. Quant aux causes, elles proviennent des dépenses et des modes de financement des collectivités publiques et de l’État protecteur.
REPÈRES
Dans le domaine de la fiscalité, il est utile de distinguer trois niveaux de problèmes.
Le premier niveau, que l’on peut qualifier de local, est illustré par la TVA sur la restauration où l’on s’est interrogé sur son niveau adéquat par rapport aux viennoiseries des boulangers. Cet aspect n’est pas celui qui retient mon attention ici.
Le deuxième concerne des réformes fiscales de grande portée, mais qui sont plus liées à la suppression d’inefficacités qu’à des choix de société, par exemple l’adoption, grâce à Maurice Lauré, de la TVA, qui a évité une cascade fiscale improductive.
Le troisième niveau, relatif aux liens entre fiscalité et structure économique, est celui que j’évoquerai.
Clignotants au rouge
Premier point chaud, le chômage peut apparaître par suite de plusieurs enchaînements.
Quelle peut être la contribution de réformes fiscales à l’extinction des clignotants ?
Tout d’abord peut exister un chômage dit keynésien, lié à une demande insuffisante. Pour le combattre, il faudrait relancer la croissance, ce qui est pratiquement impossible sans accroître le déficit public. Existe également un chômage dit classique, lorsque le coût du travail (salaire et charges sociales) fait qu’il n’est pas rentable de recruter. Enfin peut apparaître un chômage de convenance personnelle, où le travail au noir permet d’échapper aux taxes.
Dès lors se pose une question : quelle peut être la contribution de réformes fiscales à l’extinction des clignotants ? Mais, en France, une question de cet ordre interfère toujours avec une autre totalement différente : une réforme fiscale contribue-t-elle à réduire l’inégalité des revenus (ou des patrimoines) ?
Agir sur le coût du travail
Agir en premier lieu sur le coût du travail semble souhaitable pour agir contre le chômage et le déficit extérieur. Le gouvernement vient d’apporter une réponse partielle sous la forme d’un plan de compétitivité, mais il n’est pas sûr que cela soit suffisant. Le coût du travail est l’une des causes du déficit de notre commerce extérieur. De ce fait sont apparus des débats qui touchent à la fiscalité, notamment quant aux assiettes et aux taux.
Maîtriser les dépenses publiques
Le second axe concerne les dépenses publiques (hors État protecteur). Sont à considérer les collectivités territoriales et l’État.
Deux propositions pour réduire les charges sociales sur les salaires
D’une part augmenter la TVA, augmentation dite « sociale », en reportant une partie des charges sociales sur le travail, vers la TVA, voie que le gouvernement n’a explorée que très timidement. Toutefois, une forte hausse de la TVA inciterait à passer par des formes d’échanges détournées pour éviter de la supporter.
D’autre part augmenter la CSG et éventuellement fusionner impôt sur le revenu et CSG (on peut naturellement combiner les deux propositions).
Dans les collectivités territoriales que sont les régions ou les départements, un effort reste à mener. Au niveau des communes, plus hétérogènes, les grandes ont des problèmes équivalents à ceux des régions ou départements, tandis que les petites n’offrent pas le même profil car elles ne peuvent recourir à l’emprunt aussi aisément (rappelons qu’en Espagne les régions sont, pour une part notable, responsables des dérapages).
Pour l’État est en cause la poursuite de la politique de Nicolas Sarkozy de non-remplacement automatique des départs à la retraite. Le gouvernement s’est engagé dans une réduction effective des dépenses. Un délai de deux ans a été accordé par Bruxelles, mais la France est désormais contrainte d’atteindre l’objectif fixé.
L’État protecteur remis en cause ?
Plus généralement, « l’extinction des clignotants » suppose que l’on aborde le financement de l’État protecteur et la réduction des déficits de l’État et des collectivités territoriales (c’est-à-dire le niveau des dépenses publiques). Sur le premier point sont en cause les retraites, les allocations familiales et les dépenses de santé.
Concernant les retraites, l’augmentation de l’espérance de vie demande que l’âge de départ à la retraite soit retardé d’une fraction de l’espérance supplémentaire, sinon la charge que les actifs doivent payer devient prohibitive. Nicolas Sarkozy était passé de 60 à 62 ans, mais cette réforme est insuffisante et le monde politique reste prudent. Il est pourtant impératif d’agir.
La France est désormais contrainte d’atteindre l’objectif fixé
Au sujet des allocations familiales, si l’on veut réduire le volume des charges, on peut soit diminuer le volume total, soit créer des tranches en fonction des revenus. Le gouvernement a choisi d’agir sur le quotient familial et de maintenir des allocations indépendantes des revenus. Cette réforme annulera le déficit du compte des allocations familiales, mais, telle quelle, n’aura pas d’effet sur le coût du travail.
Enfin les dépenses de santé, point le plus complexe, risquent d’augmenter du fait du vieillissement de la population et du progrès des technologies médicales. Avec l’hypothèse aussi d’aboutir à une couverture sociale à deux vitesses.
Aussi le problème se révèle-t-il important, et la société française n’est qu’à moitié prête à l’entendre. Au début de son mandat, Nicolas Sarkozy, sous la pression, avait supposé que l’acceptation des réformes nécessiterait une croissance parallèle, obtenue par un déficit de l’État, ce qui a mis la France en difficulté lorsqu’elle a dû, pour lutter contre la crise des subprimes, accroître encore le déficit.
Équilibres macroéconomiques
Une question d’éthique
L’instauration de tranches de revenus pour l’obtention des allocations familiales reviendrait à orienter la natalité vers les classes les moins aisées, censées de ce fait être dédiées à la fonction sociale d’assurer la natalité, ce qui pose des problèmes d’éthique.
La France a néanmoins une chance. Si les agences de notation n’ont pas été plus sévères, c’est qu’il existe dans notre pays une structure solide permettant que l’impôt rentre convenablement. Cela malgré les deux problèmes que sont l’évasion fiscale classique et le travail au noir. Pourtant, le délai de deux ans sera court pour mener des réformes suffisantes.
Si l’euro s’effondre, on ne reviendra pas à la situation précédente, mais à des changes flottants à l’intérieur de l’Europe, avec le risque de dévaluations intra-européennes. Il faut admettre que, dans un régime de taux de change fixe, l’avantage qu’il représente exige en contrepartie un strict contrôle des équilibres macroéconomiques nationaux.
Écarts de revenu et de patrimoine
En parallèle avec la lutte pour l’extinction des clignotants, le gouvernement socialiste espère aussi maîtriser les écarts de revenu et de patrimoine. Un problème plus complexe dans une économie mondialisée que pour une société fermée.
En simplifiant au maximum, la mondialisation tend à accroître les inégalités dans sa phase actuelle. Pourquoi ? Parce qu’elle met en rapport, par les échanges internationaux, des sociétés développées où les compétences rares sont abondantes et les compétences faibles moins nombreuses, et des sociétés en développement rapide où c’est le contraire. D’où la tendance sur le marché du travail mondial à l’augmentation relative de la rémunération des compétences rares et à la baisse relative des rémunérations des compétences faibles dans nos pays. La rupture se fait maintenant aux alentours des classes moyennes qui sont le pilier des démocraties occidentales.
Mondialisation
Transmettre l’entreprise
Une question parallèle se pose quant aux impôts sur l’héritage et la transmission d’entreprises. Certes, l’impôt sur l’héritage soulève des questions éthiques : il n’est pas logique qu’un fils hérite d’une entreprise alors qu’il est incompétent, mais taxer trop fortement l’héritage modifierait le comportement de la génération précédente et diminuerait la motivation de ceux qui sont capables de réussir et souhaitent léguer le fruit de cette réussite.
Au niveau des dirigeants d’entreprise, on observe par exemple des différences entre ceux opérant dans des multinationales, dont les salaires se définissent par rapport à ceux de leurs grands concurrents étrangers, et ceux des entreprises principalement nationales (même avec des exportations notables), dont la rémunération se définit sur un marché du travail national.
Une raison de plus pour être très prudent sur les charges sociales sur les salaires faibles et moyens. La même analyse peut être faite pour ceux qui opèrent sur les marchés financiers mondiaux ou locaux.
Dans ce contexte, on comprend qu’aux États- Unis certains patrons aient proposé une augmentation de leur imposition, contrairement à ce que prônait le parti républicain.
Mais le gouvernement français doit veiller à ne pas atteindre des taux d’imposition confiscatoires qui ont des effets négatifs sur les comportements d’entrepreneurs et sont une incitation à la fraude fiscale.
Commentaire
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» L’instauration de tranches
» L’instauration de tranches de revenus pour l’obtention des allocations familiales reviendrait à orienter la natalité vers les classes les moins aisées, censées de ce fait être dédiées à la fonction sociale d’assurer la natalité, ce qui pose des problèmes d’éthique. »
De plus, c’est une grave erreur que d’orienter la natalité vers les classes les moins aisées puisque que leurs enfants, quels que soient les systèmes de bourses et d’aides diverses mis en place, seront en moyenne les moins éduqués (ne serait-ce, indépendamment de toute considération financière, que par l’influence de l’environnement culturel familial sur le niveau d’éducation atteint ). Or un jeune moins éduqué est plus susceptible d’être chômeur, de cotiser de façon très faible aux différents systèmes de retraite, de santé, etc.
L’efficacité serait au contraire d’orienter la natalité vers les classes les plus aisées. Nous ne sommes plus à une époque où ce qui était important était de pouvoir aligner le plus grand nombre possible de fantassins face à l’Allemagne : il faut maintenant avoir une population au moins aussi éduquée que celle de nos concurrents.