Editorial

Dossier : La santé et la médecine à l'aube du XXIe siècleMagazine N°562 Février 2001

Bonne san­té ! Ce vœu tra­di­tion­nel s’a­dresse à vous, amis et lec­teurs de La Jaune et la Rouge, en ce début d’an­née et de siècle ! Il prend tout son sens dans ce numé­ro consa­cré à la San­té et la Méde­cine à l’aube du XXIe siècle !

La mala­die, le han­di­cap et le vieillis­se­ment sont éter­nels, font par­tie de la vie, et appellent à recou­rir à la méde­cine. Que son ori­gine remonte à Asclé­pios ou à Hip­po­crate, la méde­cine est fort ancienne. Son his­toire a été labo­rieuse et mou­ve­men­tée. Aujourd’­hui on sait trai­ter presque toutes les patho­lo­gies, sou­la­ger la souf­france, com­pen­ser par­tiel­le­ment le han­di­cap, allon­ger sen­si­ble­ment la durée de la vie, bien que l’on ne puisse gué­rir tota­le­ment qu’un tiers envi­ron des patho­lo­gies connues. Mais, il y a moins d’un siècle, les pra­tiques médi­cales effi­caces étaient rares et peu de diag­nos­tics étaient soli­de­ment éta­blis. C’é­tait une méde­cine de » compassion « .

Pro­gres­si­ve­ment, les pays déve­lop­pés ont mis en œuvre des sys­tèmes de san­té dotés de finan­ce­ment, de struc­tures de soins tou­jours plus nom­breuses et plus effi­caces, de pro­fes­sion­nels de plus en plus for­més et com­pé­tents. De là date la géné­ra­li­sa­tion de l’ac­cès aux soins fon­dée notam­ment sur le prin­cipe de l’as­su­rance mala­die obli­ga­toire. La méde­cine est deve­nue de plus en plus effi­cace et la recherche, à son tour, a chan­gé de dimension.

Hôpital Saint-Louis, Service de greffe de moelle osseuse
Hôpi­tal Saint-Louis, Ser­vice de greffe de mœlle osseuse,
chambre à flux lami­naire.
 © ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS

Dans les labo­ra­toires des hôpi­taux, des uni­ver­si­tés et orga­nismes scien­ti­fiques, de l’in­dus­trie du médi­ca­ment ou du dis­po­si­tif médi­cal, de nou­velles avan­cées enri­chissent en per­ma­nence les connais­sances fon­da­men­tales, les pra­tiques médi­cales et les thé­ra­peu­tiques. Les pro­grès sont éton­nants et sou­vent admirables.

L’an­nonce récente d’une thé­ra­pie génique réus­sie sur un nou­veau-né dépour­vu de sys­tème immu­ni­taire, réa­li­sée en France par l’é­quipe du Pro­fes­seur Alain Fisher à l’hô­pi­tal Necker, a ému et émer­veillé l’o­pi­nion publique et le monde médi­cal. Les pers­pec­tives d’ac­tions répa­ra­trices offertes par l’a­bou­tis­se­ment et la ren­contre d’ex­pé­ri­men­ta­tions en géné­tique, en immu­no­lo­gie, etc., pour­raient modi­fier bien des concepts actuels de la san­té et de la méde­cine. Le pro­blème éthique et moral est au cœur du sujet. La décla­ra­tion sur le génome humain, adop­tée à l’U­nes­co, s’op­pose au prin­cipe du clo­nage humain à des fins repro­duc­trices. Mais, peut-on envi­sa­ger, par exemple, d’ob­te­nir par clo­nage, à des fins thé­ra­peu­tiques, des cel­lules souches embryon­naires indif­fé­ren­ciées ? Plus cou­ram­ment et au quo­ti­dien, quelle cer­ti­tude avons-nous, qu’en infor­ma­ti­sant le dos­sier médi­cal – ce qui semble bien utile – et mal­gré un cryp­tage bien réa­li­sé, seuls le patient et son méde­cin pour­ront accé­der au conte­nu du dossier ?

Ain­si, l’ir­rup­tion de ce pro­grès et de ce chan­ge­ment, fruit du tra­vail des cher­cheurs et des pro­fes­sion­nels de san­té, implique toute la socié­té et ses acteurs : gou­ver­ne­ments, élus, éco­no­mistes, créa­teurs d’en­tre­prises, phi­lo­sophes, juristes, citoyens. Les malades, déci­deurs de leur choix de vie, sont désor­mais à même d’être mieux infor­més sur leur san­té et leur mala­die, par l’ac­cès à Inter­net, voire par la consul­ta­tion de leur dos­sier en toute léga­li­té, et ils auront une atti­tude plus active face à la pres­crip­tion des soins. Les enjeux sont mul­tiples, les pro­grès et les chan­ge­ments ont un coût de en plus en plus éle­vé, et créent aus­si des risques, des injus­tices et des contra­dic­tions nou­veaux. Pour sa part, le monde médi­cal, déten­teur du pou­voir que sa com­pé­tence et ses suc­cès lui confèrent, doit accep­ter de prendre en compte les mul­tiples consé­quences de la situa­tion sans les res­sen­tir comme des contraintes insupportables.

Le thème de ce numé­ro dépasse le cadre des fron­tières de chaque pays. La mon­dia­li­sa­tion a concer­né la recherche scien­ti­fique et cli­nique et les entre­prises du monde de la san­té plus vite et plus tôt que l “ensemble de l’é­co­no­mie. Les grands acteurs du domaine font par­tie de quelques grandes puis­sances scien­ti­fiques et finan­cières. Mais peut-on croire que l’im­pact de tous ces enjeux ne soit pas ana­ly­sé, reçu et maté­ria­li­sé pour le bien de toutes les nations ?

Ferait-on coha­bi­ter long­temps des civi­li­sa­tions trai­tant dif­fé­rem­ment la vie et le res­pect des hommes ? Le débat ouvert dans chaque pays, qui garde sa spé­ci­fi­ci­té en matière de struc­tures, de finan­ce­ment et de com­por­te­ments socio­cul­tu­rels, ne peut que remon­ter au plan inter­na­tio­nal, et, en pre­mier lieu, dans l’U­nion européenne.

Deux remarques sont à rete­nir avant d’a­bor­der la lec­ture des dif­fé­rents articles. Il y a d’a­bord l’ac­tua­li­té de la san­té en France. La poli­tique à suivre y a néces­sai­re­ment quatre buts :

  • la qua­li­té et l’ef­fi­ca­ci­té des soins, la sécu­ri­té des patients ne tolèrent aucune excep­tion et aucun man­que­ment. Dans les périodes récentes trop de scan­dales ont enta­mé la cré­di­bi­li­té du sys­tème de san­té français ;
  • l’in­té­rêt des pro­fes­sion­nels de san­té est fon­da­men­tal et ils méritent glo­ba­le­ment le plus grand res­pect. La ten­dance au décou­ra­ge­ment, bien réelle chez eux, ne peut qu’être néfaste à l’en­semble de la population ;
  • la recherche doit être une grande ambi­tion partagée ;
  • enfin le res­pect de l’é­qui­libre macroé­co­no­mique défi­ni par l’On­dam (Objec­tif natio­nal des dépenses d’as­su­rance mala­die voté par le par­le­ment) est contrai­gnant mais l’aug­men­ta­tion des pré­lè­ve­ments obli­ga­toires serait dif­fi­ci­le­ment supportable.


Comme on le voit, cela ne va pas sans conflits, sans inco­hé­rences et sans inquié­tudes, ce qui est évo­qué ci-après.

Dans un tout autre contexte, un enjeu majeur du XXIe siècle sera de sur­mon­ter l’ef­frayante inéga­li­té dans l’ac­cès aux soins sur l’en­semble de la pla­nète. Un sixième de la popu­la­tion mon­diale, celle des pays les plus riches, consomme cinq sixièmes des dépenses de soins. Cela montre l’am­pleur du plan à réus­sir pour que les hommes qui naî­tront au XXIe siècle aient des pers­pec­tives d’exis­tence moins injustes. Ce plan qui relève prin­ci­pa­le­ment du déve­lop­pe­ment éco­no­mique du tiers- monde n’est pas abor­dé dans ce numé­ro. Mais, n’ou­blions pas de saluer avec recon­nais­sance les mis­sions d’aide huma­ni­taire inter­na­tio­nale réa­li­sées par le corps médi­cal ou celles d’or­ga­nismes comme l’Ins­ti­tut Pas­teur qui contri­buent à l’offre de soins aux popu­la­tions démunies.

D’é­mi­nentes per­son­na­li­tés nous font l’hon­neur de s’ex­pri­mer dans les articles qu’elles ont écrits à l’in­ten­tion de nos lec­teurs. Obser­va­teurs et acteurs de tous les domaines de la san­té, elles nous font béné­fi­cier ici de leur com­pé­tence, de leur témoi­gnage, et nous font par­ta­ger leur pas­sion et leur convic­tion. Nous leur expri­mons, à notre tour, notre pro­fonde gra­ti­tude pour leur contri­bu­tion et notre sou­tien aux acti­vi­tés qu’elles exercent.

Pour ter­mi­ner sur un autre vœu, sou­hai­tons que ce numé­ro sus­cite des voca­tions – notam­ment poly­tech­ni­ciennes – pour les métiers du monde de la san­té et pour la fabu­leuse aven­ture de la recherche dans les sciences de la vie en ce nou­veau siècle.

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