Editorial
L” accès à l’énergie est une préoccupation majeure dans un contexte où la satisfaction des besoins d’un monde en croissance entraînera une progression de la demande énergétique comprise, selon les experts, entre 50 et 150 % d’ici 2050.
Dès lors, il s’agit de trouver un juste équilibre énergétique mondial pour que nous puissions continuer à disposer d’approvisionnements sûrs, à des prix abordables et dans des conditions respectueuses de l’environnement.
Il est remarquable de constater que les pays les plus performants en matière de limitation des émissions de CO2 s’appuient de façon importante sur l’énergie nucléaire, les énergies renouvelables et la maîtrise de l’énergie.
Ainsi, dans les années 1970 marquées par deux chocs pétroliers, la faiblesse en énergies fossiles de la France a été astucieusement contournée grâce au choix de l’option nucléaire, mais également à des programmes volontaristes d’équipement hydroélectrique et d’économies d’énergie. Même si ce n’était pas son objectif premier, force est de constater que ce programme a de plus servi une cause environnementale, celle de la lutte contre le changement climatique et contre les pollutions acides.
Pour l’avenir, la sécurité d’approvisionnement, la compétitivité de l’économie et la prise en compte des externalités négatives dues à la production et à l’usage de l’énergie resteront les piliers de notre politique énergétique.
Dans ce cadre, le nucléaire apparaît incontournable. Il serait en effet irrationnel de se passer d’un moyen de production d’électricité qui :
- en fonctionnement, ne rejette ni poussières ni gaz à effet de serre ni polluant acide (oxydes de soufre et d’azote) ;
- reste extrêmement peu dépendant du coût du combustible et propose des prix plus stables que les modes de production concurrents ;
- et de surcroît, demeure le moyen le plus compétitif pour la production d’électricité dans des centrales fonctionnant en base, comme le confirment les plus récentes études nationales et européennes, qui prennent en compte les coûts complets, présents et futurs, y compris la gestion des déchets et le démantèlement.
Pour maintenir son avantage actuel, l’énergie nucléaire doit toutefois progresser et préparer l’avenir en faisant un effort constant d’exemplarité dans quatre directions : l’information, la progression de la sûreté des centrales, la mise en place de solutions pour la gestion des déchets de haute activité à vie longue et le maintien de sa compétitivité.
L’opinion publique entend à juste titre comprendre et peser sur la détermination des grandes décisions énergétiques. Les convictions des experts, les arguments scientifiques et techniques ne suffisent pas toujours. Il s’agit donc d’instaurer un climat de confiance et de développer un dialogue constructif sur l’énergie nucléaire entre l’industrie, les pouvoirs publics et les citoyens. L’accès à l’information sur les risques et les mesures prises pour les réduire doit en particulier être renforcé, afin notamment de lutter contre une désinformation critiquable et montrer les actions protectrices prises par les exploitants et le contrôleur dans les champs de la santé publique et de la sûreté.
Il n’y a par ailleurs pas de temps à perdre pour réaliser l’achèvement du cycle du combustible nucléaire. Grâce à une politique constante de retraitement – recyclage, les déchets ultimes sont aujourd’hui conditionnés de façon sûre et compatible avec leur élimination à long terme. Le risque associé est maîtrisé, localisé et décroît avec le temps. Bien entendu, il ne faut pas banaliser le problème posé par les déchets radioactifs, comme le démontre bien au contraire le vote de la très importante loi du 30 décembre 1991. Poursuivre les recherches engagées dans ce cadre avec vigueur et débattre des choix et des résultats obtenus semble le choix le plus juste.
La sûreté doit également rester un objectif majeur de toute politique nucléaire. Outre le contrôle rigoureux de ses propres installations, la France y contribue en encourageant l’adoption de règles de sûreté communes et l’émergence de références internationales par le développement de programmes bilatéraux tels le réacteur EPR ou les coopérations internationales menées pour le développement de la sûreté dans les pays d’Europe de l’Est.
L’importance du parc nucléaire français en exploitation et les perspectives de renouvellement de ce parc nécessitent enfin que soient conservées les compétences les plus stratégiques. Pour cela, les recherches menées par le CEA et les industriels sont fondamentales. La préparation des réacteurs du futur conditionne également le maintien de la compétitivité du nucléaire et la compétence des équipes. La décision de construction, que j’espère prochaine, d’une centrale de référence de l’EPR permettra aux gouvernements futurs d’avoir tous les éléments en main le moment venu, c’est-à-dire en 2010–2020, pour décider de la construction d’une série de plusieurs réacteurs.
Il s’agit plus largement de préparer l’avenir en maintenant les atouts de l’industrie nucléaire française, en la renforçant pour lui permettre d’être en bonne position à la fois dans les coopérations internationales qui se font jour au niveau européen et mondial, mais aussi dans l’intense compétition qui naîtra de la contraction de certains marchés. C’est le sens de la création du holding AREVA, qui, en modernisant et en simplifiant les structures organisationnelles et capitalistiques du secteur nucléaire français, forme un grand groupe industriel à partir des activités de CEA-Industrie, de Cogema et de Framatome.
La préparation de l’avenir énergétique mondial et, en particulier, la lutte contre le changement climatique passent par une politique globale fondée sur l’utilisation rationnelle de l’énergie, le nucléaire, les énergies renouvelables et l’utilisation de technologies propres pour la combustion des énergies fossiles.
Le constat pour l’énergie nucléaire est clair. Forte de ses avantages économiques et environnementaux, l’énergie nucléaire reste une composante incontournable du bilan énergétique mondial, européen et français. Indispensable au progrès de l’humanité, il faut traiter avec sérieux et pragmatisme son développement.
La France, un des leaders du » nucléaire » dans le monde, assume clairement ses choix. D’autant mieux qu’elle poursuivra la voie d’un nucléaire responsable et ouvert sur les informations nécessaires à la transparence.