Editorial : La Chine, une nouvelle frontière
La Chine, une nouvelle frontière
Rendons d’abord hommage aux Chinois dont tous les contributeurs à ce numéro spécial Chine ont pu mesurer la pugnacité et la détermination en affaires. Ils sont en train de transformer la Chine en un acteur économique majeur au plan mondial. Une croissance soutenue depuis plus d’une dizaine d’années, une entrée remarquée dans l’OMC, une monnaie stabilisée sont autant d’indicateurs d’une économie vigoureuse, dont les fondamentaux recèlent un potentiel considérable. Le niveau des investissements directs étrangers très élevé, autre indicateur significatif d’une économie en pleine expansion, est le signe d’une confiance des investisseurs étrangers mais il montre aussi l’attachement des Chinois de l’extérieur (60 millions de personnes) à la vitalité de leur pays d’origine. C’est aussi un signe très encourageant.
La Chine est entrée dans une période de réforme durable et d’une magnitude incomparable : la force de la culture et de la cohésion du peuple chinois doublée de la vision stratégique que son gouvernement a su élaborer pour bâtir une grande économie du XXIe siècle sont leurs principaux atouts.
Les Chinois sont d’abord et avant tout pragmatiques. Avant d’aborder avec Nissan les discussions qui ont conduit à la signature d’un accord historique en septembre 2002, ils ont d’abord observé avec beaucoup d’attention l’expérience que nous étions en train de conduire, et attendu de voir des résultats concrets. Au printemps 2001, les résultats de la première année fiscale du plan de renaissance de Nissan montraient que l’entreprise était redevenue profitable au bout d’un an. Alors seulement, les représentants du gouvernement chinois ont souhaité entamer des discussions en vue d’un partenariat stratégique de long terme. Ce partenariat fut une première, dans l’industrie automobile : par cet accord, Nissan et Dongfeng sont associés à 50 % dans une joint venture pour la production et la distribution d’une gamme complète de véhicules particuliers et utilitaires, de camions et de bus. Le but de cet accord est de créer un constructeur compétitif au plan mondial capable de produire et de vendre 550 000 véhicules par an à partir de 2006 et 900 000 à l’horizon 2010.
Pourquoi Nissan a‑t-il été choisi pour mettre en œuvre ce partenariat d’un type nouveau, pour la Chine ? D’abord parce que Nissan a conduit des changements audacieux et a obtenu des résultats significatifs. Ensuite parce que c’est une entreprise de culture japonaise, dont les produits sont japonais, mais qui a un management global, capable de respecter la culture chinoise. « Si un management non exclusivement japonais a réussi à transformer de l’intérieur, et sans troubles particuliers, une entreprise japonaise, il doit nous permettre de moderniser notre industrie automobile » nous ont dit nos interlocuteurs. Ils ont apprécié notre approche directe et simple du management international, et par-dessus tout le respect absolu des identités, que nous avons instauré, sans forcer au mélange des cultures. Les Chinois sont sensibles à de nouvelles approches. Ils comprennent que le pays a beaucoup à gagner à l’ouverture de son économie et à l’adaptation des meilleures pratiques mondiales. Mais ils ne sont pas prêts à le faire aux dépens de leur propre culture et de leur sens des affaires qui, il faut le reconnaître, est remarquable.
Dans nos échanges nous avons donc privilégié un management qui a fait ses preuves au Japon, dont je rappelle les grandes lignes directrices :
- une vision stratégique à long terme formulée simplement et partagée avec les intéressés, afin qu’ils se considèrent parties prenantes,
- une culture de la performance,
- la reconnaissance des contributions à leur juste valeur,
- des objectifs concrets et quantifiés, assortis d’engagements,
- une grande transparence sur les actions entreprises, grâce à une communication précise et évaluée en permanence,
- la motivation des salariés comme base de la performance.
Ces principes permettent d’asseoir les piliers d’une entreprise profitable sur le long terme :
- des produits attractifs et compétitifs, correspondant aux goûts et aux besoins de clients, qui deviennent de plus en plus exigeants,
- une marque forte et cohérente avec les valeurs de l’entreprise,
- une gestion rigoureuse et efficace des coûts…
Les dirigeants chinois étaient conscients du déficit de leurs entreprises en matière de standards mondiaux de management et de gestion. Dans ce contexte, ils ont considéré l’expérience de renaissance de Nissan comme un benchmark en matière de repositionnement d’une entreprise automobile dans un cadre compétitif mondial. Ils l’ont saisie comme une opportunité d’apprentissage.
Le « vent d’est » (traduction de Dongfeng) souffle depuis la Chine ; il impactera sans aucun doute nos économies occidentales au-delà de ce que l’on imagine aujourd’hui. À notre tour, ne le prenons pas comme une menace mais comme une opportunité pour faire progresser nos économies en sachant tous tirer profit de nos expériences chinoises.