Éditorial : Le bleu, le blanc et le rouge. La France et ses vins.
Lorsque Claude Gondard (65), président du groupe X‑Vinicole, nous a proposé de consacrer un numéro spécial de La Jaune et la Rouge au thème du vin, nous avons été reconnaissants à Laurens Delpech qui anime depuis bien des années notre rubrique oenologie, de s’intéresser à notre projet. Il préparait de son côté un numéro de l’Ena hors les murs, le magazine des anciens élèves de l’Ena, sur un thème voisin : le vin et la gastronomie. C’est avec l’accord de l’AAEENA, Association des anciens élèves de l’Ena, et celui des auteurs que nous empruntons à cette revue trois articles remarquables et une interview de personnalités éminentes du monde du vin. Grâce leur soit rendue.
L’article de Thierry Brulé explique avec lucidité la situation dans laquelle se trouve actuellement le vin français, face à la concurrence internationale. Alexandre Lazareff, dans le prolongement de cet article, montre comment le système des appellations contrôlées qui a sous-tendu le succès des vins français se retourne aujourd’hui contre eux. Prenant un recul étudié, Jean-Robert Pitte, géographe de renom, met en évidence les points forts de la viticulture française, insistant pour qu’ils soient consolidés, de manière à servir de points d’appui à un redéploiement de notre offre.
De son côté, Claude Gondard nous fait part de ses réflexions d’exploitant sur l’état de la science dans le domaine vitivinicole, et quelques membres du Groupe X‑Vinicole nous livrent leurs propres points de vue.
Nous avons enfin demandé à Claude Gondard, par ailleurs artiste médailleur travaillant pour la Monnaie de Paris et auteur d’une remarquable série de médailles sur les grands vins français, d’illustrer le présent numéro.
La Jaune et la Rouge
Le bleu, le blanc et le rouge
La France et ses vins
Vendanges au Domaine de la Chapelle Pouilly-Fuissé, chez Claude GONDARD
La Jaune et la Rouge avait publié en décembre 1985 un numéro spécial sur le vin intitulé « Le blanc et le rouge ». C’était l’époque où le vin français tirait les dividendes d’une politique d’amélioration de la qualité : la consommation diminuait alors en quantité, mais augmentait en valeur. Les vins d’Appellation d’origine contrôlée (AOC), à la française, apparaissaient définitivement, de droit divin, comme les meilleurs nectars de la planète. Cet excellent numéro, à la fois encyclopédique et historique, poétique et humoristique, est à l’image de cette euphorie. Ce numéro de La Jaune et la Rouge peut être, en outre, considéré comme l’acte fondateur du Groupe X‑Vinicole : qu’il me soit permis de rendre ici hommage à ses fondateurs et présidents, Fernand CHANRION (35), aujourd’hui disparu, Georges RÈME (39) et mon prédécesseur Jacques-Pascal CORDEROY du TIERS (47) pour la compétence, l’efficacité et la gentillesse avec lesquelles ils ont su animer notre groupe.
Laurens Delpech
Depuis de nombreuses années, Laurens Delpech nous fait profiter de son érudition dans le domaine du vin, nous proposant chaque mois des articles qui, sous la rubrique oenologie, nous permettent d’approfondir nos connaissances des trésors que produit notre pays et de découvrir les autres pays producteurs de vins de notre planète.
Laurens Delpech est un ancien élève de l’Ena (promotion André Malraux 1977) qui a fait une carrière brillante et variée dans divers cabinets ministériels et organismes d’État.
Longtemps responsable de l’Ena hors les murs, la revue des anciens de l’Ena, Laurens Delpech consacre depuis toujours ses loisirs à sillonner les régions viticoles, à découvrir les propriétés intéressantes, à faire connaissance des meilleurs producteurs en cherchant à comprendre leurs secrets. Écrivain de talent, il sait, avec sa gentillesse et son humour, nous mettre l’eau à la bouche en nous faisant partager ses découvertes. Il est, par ailleurs, l’auteur de plusieurs ouvrages sur les grandes régions viticoles de notre pays et sur Le vin et la truffe.
Ayant quitté l’Administration, il anime maintenant, avec son complice de toujours, Philippe Capdouze, le Groupe Ficofi-Lafayette Investissement, un ensemble intéressant de sociétés dont l’activité, centrée sur les vins et spiritueux, est non seulement commerciale, mais aussi culturelle, en organisant des dégustations de crus prestigieux et en animant un pôle éditorial.
Le contexte a bien changé en l’espace d’une vingtaine d’années. Attaqués par des concurrents qui ne se contentent plus des seuls vins de consommation courante ou de moyenne gamme, les vins français voient également leurs positions contestées dans les hauts de gamme. En outre, la filière vitivinicole française doit faire face à de multiples contraintes en France même. Les médias se sont largement fait l’écho des limitations d’accès à la publicité pour les boissons alcoolisées (loi Évin), ou des restrictions imposées aux conducteurs de véhicules. Mais comme les autres filières agricoles, la viticulture est soumise à des contraintes environnementales de plus en plus pressantes, sans parler de celles relatives à l’emploi de main-d’oeuvre ou aux règles médiévales du droit rural à la française.
Cependant, cette analyse pessimiste doit être tempérée : force est de constater que la crise ne frappe pas tous les producteurs. La Champagne fait notoirement exception : la santé économique de cette région est manifeste. Par ailleurs, dans toutes les régions, les exploitations, coopératives ou maisons de négoce, qui ont su fidéliser leurs clientèles par une politique de qualité intransigeante ne connaissent pas non plus de crise.
Qualité : le mot est lâché ! Combien de mensonges et d’hypocrisies se cachent derrière ce terme ! Comment définir la qualité, l’obtenir, la contrôler ? Une vaste réflexion mobilise aujourd’hui tous les acteurs de la filière dans notre pays : comment adapter à la demande mondiale les AOC qui ont fait la force du vin français, sans les affaiblir ? Comment rendre lisible l’offre française à un client qui n’en connaît généralement pas les arcanes ?
Le présent numéro veut montrer qu’au-delà des problèmes rencontrés aujourd’hui par la filière vitivinicole, nous assistons à une mobilisation exemplaire de tous ses partenaires pour procéder à un inventaire objectif des causes du succès du vin français dans le passé et définir les règles du succès de demain. C’est un message d’espoir, c’est la main tendue de tout un secteur économique qui a besoin d’être compris par tous, par vous.