Éducation, comment dépasser le modèle polytechnicien ?
L’École polytechnique est un étendard de l’excellence éducative française depuis plus de deux cents ans. Il serait presque déshonorant d’énumérer les grands hommes sortis de ses rangs, dans les pages de La Jaune et la Rouge. Centre de recherche de premier plan international et nouvellement incubateur de start-up, qui a donné naissance à un certain nombre de licornes, il est facile d’oublier que la mission première de l’École polytechnique reste la formation d’ingénieurs capables de répondre aux défis de leur époque.
Sa première originalité, connue de tous, est son statut militaire. Mais est-ce une bonne école ? Évidemment, sa plus grande force, cercle vertueux de son prestige, c’est son recrutement. 500 des esprits analytiques les plus aiguisés d’une génération y entrent chaque année, Pour la Patrie, les Sciences et la Gloire. Les critères de recrutement ont toujours évolué un peu ; certains lecteurs anciens n’ont pu échapper à une épreuve de dessin industriel pour intégrer l’X, tandis que dernièrement les voies d’entrée se sont multipliées (universitaires, BCPST). Si la calculatrice a fait son entrée au concours, le chat LLM de Mistral AI sera-t-il bientôt autorisé à l’épreuve de français ? Et à celle de mathématiques ? Quelles sont les caractéristiques des élèves à sélectionner au concours d’entrée ? Malgré l’apparente impartialité du concours, l’École doit-elle prendre sa responsabilité au regard de promotions d’élèves non représentatives de la diversité française ?
“En tant qu’institution éducative de référence, l’École est directement concernée.”
Et qu’en est-il de la formation ? Les grands amphithéâtres sont-ils toujours aussi pertinents quand on a des MOOCs et des tuteurs intelligents à disposition depuis son casert, ou depuis l’autre bout du monde ? De plus, la concurrence s’est fortement internationalisée, les États-Unis en tête. Les meilleurs étudiants du monde peuvent choisir de faire leurs études ailleurs que dans leur pays d’origine.
Comme de nombreux autres domaines de la société, l’éducation est bouleversée par des changements de paradigme, ce qui génère un certain nombre d’interrogations. L’École polytechnique est doublement concernée. Tout d’abord parce qu’un certain nombre de ses anciens travaillent à ces transformations, en tant qu’enseignants, ingénieurs ou même entrepreneurs. Mais en tant qu’institution éducative de référence – et pas n’importe laquelle, un pilier historique de la formation scientifique en France – l’École est directement concernée.
Dans ce dossier, nous explorons les limites et les voies pour réinventer le modèle éducatif actuel.