Innover ensemble au service de la transition énergétique des villes
Aujourd’hui, en France, les villes sont responsables de 50 % de la consommation d’énergie et de 2⁄3 des émissions de gaz à effet de serre. Alors que le pays vise la neutralité carbone à horizon 2050, il est impératif de pouvoir disposer d’outils numériques avancés pour optimiser la prise de décision et la conception de quartiers bas carbone. Dans cet entretien, Michel Salem-Sermanet (86), directeur général d’EFFICACITY, nous explique comment cet institut de R&D se mobilise en ce sens.
EFFICACITY est un des instituts de R&D public-privé sur la thématique de la transition énergétique, créé par l’État en 2013. Quel est votre périmètre d’action et votre spécificité ?
EFFICACITY est dédié à la transition énergétique et écologique des villes, et notre rôle est de développer des outils logiciels d’aide à la décision pour tous les acteurs de la ville : collectivités, aménageurs, promoteurs, ingénieries, entreprises de l’énergie et des services urbains. Notre originalité est de cibler non pas l’échelle du bâtiment, relativement maîtrisée, mais l’échelle du quartier qui est beaucoup plus complexe et systémique et où les outils d’aide à la décision n’étaient jusqu’à récemment pas à la hauteur des défis climatiques. Notre originalité réside aussi dans notre méthode collaborative très poussée : nos équipes-projets sont toutes pluridisciplinaires et public-privé, issues à la fois de la recherche publique et des entreprises, et travaillent en lien direct avec des territoires pilotes dans un mode « recherche & action ». Grâce à cette coopération multi-acteurs, nous créons une nouvelle génération d’outils d’aide à la décision adaptés aux réalités du terrain.
L’actualité énergétique est aujourd’hui marquée par la forte ambition de neutralité carbone à horizon 2050. Quels en sont les principaux enjeux en lien avec votre activité ?
Le principal enjeu est simple : faire en sorte que tout projet urbain sans exception (en construction neuve, rénovation, ou mixte) intègre à toutes ses étapes de conception, un calcul précis de son empreinte environnementale et en particulier de son empreinte carbone. Or, cette quantification de l’impact carbone n’est pas la règle, faute de sensibilisation suffisante des acteurs mais aussi faute d’outils logiciels fiables pour le faire. Ce vide est maintenant comblé, et il était grand temps car l’autre enjeu est de généraliser ces nouvelles pratiques d’urgence, dès 2022 et pas dans 5 ans.
Dans ce cadre, quels outils et solutions mettez-vous à la disposition des parties prenantes ?
Grâce à notre proximité avec les acteurs de terrain, nous avons conçu une chaîne complète de logiciels opérationnels. En résumé, on peut dire que nous avons transposé au niveau des quartiers, les deux grandes méthodes qui ont fait leur preuve à l’échelle du bâtiment : la simulation énergétique et le calcul d’impacts environnementaux en analyse de cycle de vie (ACV).
Ainsi, nous proposons des outils qui vont permettre de faire une présélection des meilleurs gisements d’énergies renouvelables et de récupération, et des systèmes énergétiques associés (EnergyMapper® et EnergyScreener®) puis une simulation énergétique détaillée (PowerDIS®) afin d’identifier la manière optimale de produire, distribuer et consommer l’énergie, et in fine de définir la meilleure stratégie énergétique pour un quartier donné en fonction d’objectifs environnementaux et économiques. C’est ce que font avec succès des premiers territoires emblématiques : Toulouse pour son grand projet urbain autour de la gare de Matabiau ; la Principauté de Monaco, pour prioriser ses investissements sur la rénovation des bâtiments et les réseaux d’énergie.
Nous avons aussi conçu l’outil UrbanPrint® qui calcule l’impact environnemental d’un projet, et en particulier son « score énergie » et son « score carbone » en comparant son impact à celui d’un projet référence. En outre, UrbanPrint est une aide précieuse à la décision puisque l’outil calcule lui-même les meilleures combinaisons d’actions permettant d’améliorer l’impact du projet, dans toutes ses composantes (matérialité des bâtiments, systèmes énergétiques, mobilité, espaces publics, gestion de l’eau et des déchets…). Cet outil a bénéficié de l’appui de l’ADEME et de l’implication de l’ensemble de la profession, en particulier du CSTB.
Actuellement, avec l’ADEME et le ministère de la transition écologique, nous réfléchissons à la façon dont les projets labellisés écoquartiers pourraient montrer l’exemple et intégrer une évaluation quantitative de leur empreinte environnementale et en particulier de leur « score carbone ».