Égalité des chances ou égalitarisme
Compte rendu d’une conférence de Lionel Stoleru dans le cadre des » Rencontres avec des hommes remarquables »
Compte rendu d’une conférence de Lionel Stoleru dans le cadre des » Rencontres avec des hommes remarquables »
On ne peut que mettre en pratique une certaine égalité des chances en commençant par l’école où tous les enfants peuvent s’éduquer et s’épanouir. Mais l’évolution de l’école au siècle dernier a été en recul. Les instituteurs ne jouent plus le rôle de détecteur de talents. L’égalité des chances dans les grandes écoles a régressé et la proportion d’enfants de familles modestes baisse.
Réduire les inégalités par le bas au départ et au cours de la vie, c’est possible et souhaitable
Cette ségrégation des élites n’est pas satisfaisante. La discrimination positive introduite par Sciences Po est une avancée positive. Le tutorat étudiant fonctionne bien. Mais l’enjeu est tel que cela devrait être la priorité du système éducatif. On peut faire bouger les lignes, mais avec une limite, celle de notre devise républicaine » Liberté, Égalité, Fraternité » qui rend anticonstitutionnelle toute mesure discriminatoire. Ainsi la discrimination » positive » n’est pas constitutionnellement possible. À ces limites près, lutter contre les inégalités par le bas, avec des filets de sécurité est donc possible.
L’envie n’a pas sa place
Peut-on aussi lutter par le haut en plafonnant les hauts revenus, les profits exorbitants et les richesses excessives ? Cette question est liée à celle de l’envie : Berthold Brecht a dit justement » L’envie d’huîtres tue autant que la faim de pain. » On retrouve là le dixième commandement.
Réduire les inégalités par le haut à l’arrivée, c’est impossible et dangereux
L’économie de marché n’est pas compatible avec le plafonnement des inégalités par le haut. Son fondement est en effet la maximisation des profits et, si on les limite, on tue l’entreprise et le système, même si certains profits et bonus sont excessifs. Dans le système actuel (et on n’en a pas trouvé d’autre), chacun doit satisfaire ses besoins absolus sans regarder son voisin et s’y comparer. L’envie n’y a pas sa place.
De fait l’égalité des chances que l’on peut aider à favoriser partiellement au départ implique l’inégalité à l’arrivée. Les hommes ne sont pas égaux et on ne devrait pas faire croire au citoyen que tout le monde est égal. À force d’être PPG (« proche des préoccupations des gens ») et de leur dire que nous sommes pareils, les citoyens pensent que tout le monde peut remplacer tout le monde.
Toutes les opinions ne se valent pas
À la radio, ce sont les auditeurs qui font le journal et au lieu de faire appel à des experts pour comprendre les événements, on fait des » micros-trottoirs » assez lamentables. C’est dangereux car cela se traduit par le rejet des élites. L’idée que toutes les opinions sont respectables et se valent est absurde et détruit l’échelle des valeurs. Certains ont des qualités que d’autres n’ont pas. Il faut donc sortir de cette égalité formelle et accepter l’inégalité naturelle qui est colossale, tout en faisant le maximum pour réduire les inégalités de départ, malgré les nombreuses limites qui existent. Les hommes sont égaux en dignité, mais pas en qualité et doivent être jugés en fonction de ce qu’ils font.