Électriciens sans frontières, partageons nos lumières
Une ONG de solidarité internationale reconnue d’utilité publique, composée de bénévoles souvent électriciens. Elle veut améliorer les conditions de vie des populations les plus démunies à travers des actions d’accès à l’électricité et à l’eau. L’exemple le plus frappant est l’arrivée de l’électricité dans un camp de réfugiés qui change complètement les conditions de vie nocturnes.
« Électriciens sans frontières est née comme une start-up : elle s’est lancée sur une idée novatrice, mais à force de persévérance et d’engagement, de cœur et de souffle, son action est devenue significative.
Depuis trente ans, Électriciens sans frontières met les compétences et le professionnalisme de ses bénévoles, au service des populations privées d’accès à l’électricité et à l’eau.
Ressusciter la vie
« Quand on parle d’accès à l’électricité, on touche directement à de nombreux aspects de la vie quotidienne. Avec l’électricité peuvent se développer l’accès à l’éducation, aux soins, à l’eau par l’installation de pompes, mais aussi la vie sociale et l’économie locale.
« Ressusciter la vie », c’est dans ces termes que le chef du village de Boukargou au Burkina Faso a résumé un jour notre action et ses retombées.
État des lieux
1,1 milliard de personnes n’ont pas accès à l’électricité 80 % en Asie et dans l’Afrique subsaharienne 80 % en zone rurale 800 millions de personnes n’ont pas accès à une eau de qualité
Impliquer les populations locales
« Tout l’enjeu est de répondre à un besoin exprimé localement, d’utiliser les ressources naturelles locales et d’impliquer les bénéficiaires afin de leur transférer les compétences nécessaires au moyen de formations.
Comme le disait Nelson Mandela : « Ce que tu fais pour moi, sans moi, tu le fais contre moi. » Nos actions demandent beaucoup de réalisme et une grande attention aux attentes… et aux ressources des communautés.
On a souvent tendance à penser par exemple que le photovoltaïque est gratuit. Électriciens sans frontières prend en charge l’installation, les ressources naturelles certes sont gratuites, mais il faut prévoir de pouvoir à terme remplacer des équipements défaillants. Les batteries sont des matériels coûteux, et leur durée de vie ne dépasse pas quelques années.
Les acteurs locaux doivent aussi en avoir conscience : la vie d’un projet commence au premier kilowattheure.
Un camp en Haïti. © Électriciens sans frontières
Installation d’une fontaine d’eau potable en 2011 au Kenya. © Électriciens sans frontières
Pérenniser nos actions
« Nos projets sont garantis dix ans, pendant lesquels nous apportons un suivi. Ce suivi s’effectue au moyen de tableaux de bord tenus à jour par nos partenaires locaux en lien avec des équipes dédiées de bénévoles envoyés sur place. Ils sont chargés d’identifier ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas.
La démarche de suivi est assez lourde et pointilleuse, mais ne suffit pas en tant que telle. Chaque projet doit comporter des activités génératrices de revenus pour permettre aux acteurs locaux de prendre en charge la maintenance des installations. Mais c’est parfois une mécanique délicate à mettre en place.
Quand vous êtes dans des espaces d’extrême pauvreté, l’entretien de la batterie d’une installation solaire passe après des besoins alimentaires vitaux. Pour faire face à ces situations, nous avons donc mis en place un fonds de pérennisation destiné à assurer la durabilité de nos projets.
Être complémentaire
« Vis-à-vis du travail des compagnies d’électricité locales, les actions que nous menons sont complémentaires. Là où nous allons, dans les villages de brousse où il n’y a pas de réseau, il n’y a aucune perspective d’accès à l’électricité.
Ce sont des lieux très reculés et aucune compagnie d’électricité n’étendra son réseau pour alimenter ces villages. Ou bien, les personnes qui y vivent sont trop pauvres pour payer le raccordement au réseau existant. Nous allons là où les autres ne vont pas.
Nous venons modestement assurer ce qu’ils ne peuvent pas faire. Et nous n’intervenons qu’avec l’accord formel des autorités locales.
En 2017
1 300 bénévoles, 23 000 jours de bénévolat, 35 pays d’intervention, 81 missions de terrain, 300 000 nouveaux bénéficiaires, 2,8 millions d’euros de ressources financières, Travail des bénévoles estimé à 6 millions d’euros
Aider ceux qui aident
« Électriciens sans frontières, dans sa vocation initiale, est une ONG humanitaire et de développement. Nous menons des projets de développement, mais nous apportons aussi nos compétences à des ONG comme Médecins sans frontières, Médecins du monde, la Croix- Rouge, Solidarités internationales.
“ Nous allons là où les autres ne vont pas ”
Nous nous occupons des problèmes de fourniture d’énergie et de sécurisation de leurs installations. Et dans les situations d’urgence, nous sommes à leurs côtés.
Par exemple, en Haïti en 2010, après le tremblement de terre, Médecins sans frontières, arrivée sur les lieux, ne pouvait pas opérer sans électricité. En apportant l’électricité, ESF permet aux autres ONG d’agir.
Ainsi les recherches pour retrouver des survivants coincés sous les décombres ont pu continuer la nuit, Action contre la faim a pu préparer les colis pendant la nuit pour les distribuer le lendemain. Notre action dans l’urgence est d’abord d’aider ceux qui aident, d’être en back office d’autres ONG.
En 2017, nos interventions à la Dominique et Saint-Martin ravagées par les cyclones ont représenté 20 % de nos missions.
Ce qu’apporte la lumière à des sinistrés
LES DOUZE CRITÈRES DU LABEL ESF
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Les projets répondent à des besoins analysés et partagés avec les populations et les autres parties prenantes
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Les projets sont efficaces et atteignent leurs objectifs
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Les impacts négatifs sont évités ou atténués
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Les projets visent à assurer la pérennité des installations et à générer de impacts positifs durables pour les populations
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Les projets sont cohérents avec les valeurs et orientations de l’association
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Les projets respectent les populations
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Les projets anticipent et gèrent les risques
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Les projets prennent en compte les autres acteurs
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L’association a les ressources et l’expertise pour mener à bien les projets
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L’association a les capacités de gestion adaptées à la conduite des projets
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L’association utilise les ressources de façon efficiente pour les projets
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L’association utilise les leçons tirées de l’expérience pour les projets
« Notre action n’est parfois pas immédiatement perçue comme indispensable. Et pour beaucoup d’humanitaires, l’électricité n’est pas un produit humanitaire. À l’époque du tremblement de terre en Haïti, quand l’ambassadeur de France a vu arriver les bénévoles d’ESF avec leurs groupes électrogènes, il leur a répondu : « Écoutez, il y a trop d’ONG, l’électricité en Haïti, ça fait des années qu’on n’en a pas ou si peu, revenez dans dix ans, ça n’est pas l’urgence. »
Les bénévoles nous ont appelés, un peu désemparés. Nous leur avons immédiatement conseillé d’électrifier le camp de sinistrés installé en face de l’ambassade. L’ambassadeur leur a rendu hommage, et nous a dit un peu après : « J’ai compris. »
En effet, quand les gens ont tout perdu, quand ils sont en situation de traumatisme et d’isolement total, pour eux, se retrouver dans le noir est une double peine. Et c’est aussi une question de sécurité. Les violences faites aux femmes dans les camps de sinistrés sont en quantité effroyable.
Dès qu’un camp est électrifié, les viols et agressions envers les femmes tombent presque à zéro. Avec la lumière, c’est un peu de vie qui reprend, et quand on est coupé de sa famille, ne sachant pas ce que sont devenus ses proches, l’électricité permet de rétablir les moyens de communication et de passer un coup de téléphone.
Les ressources financières et humaines
« Nos ressources financières en 2017 s’élèvent à 2,8 millions d’euros. Au-delà des contributions d’acteurs majeurs (MAE, Fondation de France, AFD), nous sommes fiers du soutien des entreprises du secteur électrique comme Legrand, Nexans, Prysmian, Schneider, Philips, SDMO… Ces entreprises nous aident aussi en nous donnant accès gratuitement à leur catalogue – dans certaines limites.
On peut estimer à 500 000 € l’aide en matériel qui s’ajoute aux aides financières reçues. Le Groupe EDF nous appuie à hauteur de 25 %, mais nous ne sommes pas EDF sans frontières. Certes, au départ en 1986, ESF s’est constituée comme une start-up qu’EDF a beaucoup soutenue.
Depuis d’autres acteurs du monde de l’énergie se sont investis. Puis les collectivités locales, les agences de l’eau, les conseils régionaux impliqués dans des projets de coopération sont devenus nos partenaires.
Mais le gros des ressources vient du travail des bénévoles. Valorisé sur un barème de 265 € par jour et par personne, le travail de nos bénévoles est donc estimé à environ 6 millions d’euros.
La particularité des bénévoles d’ESF
« Nos bénévoles ne sont pas des amateurs, contrairement à l’idée qu’on se fait généralement des bénévoles.
Installation de panneaux photovoltaïques. © Électriciens sans frontières
Tant que nos partenaires ne nous ont pas vu travailler, ils ne savent pas que bon nombre de nos bénévoles sont en réalité des professionnels de l’électricité. Ce sont pour beaucoup des techniciens et 50 % des bénévoles ont encore une activité professionnelle.
Chez EDF, la politique de mécénat était de permettre aux salariés, qui partaient quatre semaines en mission, de ne décompter que deux semaines de congé.
Or, beaucoup des bénévoles salariés refusent cette facilité car ils considèrent que c’est une démarche personnelle qui n’a pas à être compensée par leur entreprise.
Sur les 1 300 bénévoles, 200 sont prêts à partir du jour au lendemain en mission d’urgence. Et nous avons également des bénévoles présents sur le terrain, avec, par exemple, une base permanente en Haïti.
Les compétences pour monter un projet
« Toutes les compétences sont les bienvenues. Monter un projet demande du temps, des compétences en ingénierie, mais aussi dans le domaine social ou économique. Mais le plus important pour la réussite d’un projet, c’est l’écoute des besoins locaux.
Un jour, deux nouvelles bénévoles de la direction des études et recherche sont venues me trouver : « On voudrait vous aider mais on ne sait rien faire. – C’est parfait, leur ai-je répondu, vous allez monter un projet. » Au Togo, nous étions sollicités pour l’électrification d’un centre de santé.
Or, on ne peut déterminer le cœur d’un projet que si l’on est capable de répondre à des besoins de façon équilibrée. Les deux bénévoles sont allées sur place rencontrer les habitants, discuter avec les femmes du village et ont pu lister les besoins à partir desquels elles ont monté un projet.
Aux côtés des techniciens, nous avons aussi besoin de bénévoles capables de cerner les besoins très concrets et variés des populations, de telle sorte que nous apportions plus que l’électricité à un lieu et des personnes, mais aussi du développement et une amélioration de toute la vie quotidienne.
Pour mener nos actions, nous avons aussi besoin de compétences transverses : comptabilité, gestion, communication, appui aux chefs de projets pour avoir le label ESF très rigoureux, composé de 12 critères. Une commission se réunit quatre fois par an pour examiner et valider ou non les dossiers préparés par nos équipes.
Permettre la sécurisation de lieux publics grâce à l’électricité.
Pompage solaire d’une eau claire pour réduire le risque de maladies hydriques et répondre aux besoins en eau des habitants.
Permettre aux élèves de pouvoir travailler dans des conditions optimales et ainsi augmenter le taux de réussite scolaire.
Des perspectives
« Plus de trente ans après sa création, Électriciens sans frontières fait aujourd’hui référence. 2018 verra la réalisation de plusieurs projets emblématiques par leur taille et leur ambition.
Les soutiens que nous ont accordés l’AFD ou la Banque Mondiale nous permettent de nous engager désormais dans des programmes de grande ampleur.
Mais nous n’oublions pas notre engagement à faire vivre durablement la multitude des projets passés et à venir. C’est notre marque de fabrique. »