Elisabeth Raynaud (X96) polytechnicienne de l’espace
Le « prix de la femme de projets », une distinction faisant partie du Trophée des femmes de l’industrie, lui fut décerné par le magazine L’Usine nouvelle en septembre 2022. Depuis 2015, Elisabeth Raynaud s’occupe en effet d’Ariane 6, qui doit être deux fois moins coûteuse qu’Ariane 5 et permettre trois fois plus de tirs que cette dernière.
En fait, c’est exactement comme dans Objectif Lune ; une fois que la fusée Ariane a décollé, les ingénieurs au sol ne peuvent plus entreprendre qu’une seule chose : la faire exploser, si ça se passe mal, et à condition qu’elle ne soit pas déjà trop éloignée de la Terre. C’est dire si le travail d’Elisabeth Raynaud-Micalet, chargée des systèmes de commande et pilotage embarqués dans le lanceur européen, est crucial. La légendaire fiabilité d’Arianespace repose en grande partie sur les épaules de notre camarade entrée à l’X en 1996… l’année, précisément, mais nous n’y verrons aucun symbole, où Ariane 5 connut son seul échec au décollage (une autodestruction après 36 secondes de vol, en raison d’un problème informatique lié à un dépassement d’entier).
L’École des chartes ou l’X ?
Son arrivée à l’École constituait la suite logique du parcours d’une bonne élève, issue d’une famille de professeurs d’anglais, qui se souvient, enfant, avoir été fascinée par les représentations du système solaire qu’elle trouvait dans les livres. Après le baccalauréat, la jeune fille hésite un peu entre une préparation à l’École des chartes, par goût de l’histoire et du latin, et l’entrée en mathématiques supérieures au célèbre lycée toulousain Pierre-de-Fermat, option qui sera finalement choisie. Elle y fit même une 5⁄2, pour essayer d’intégrer l’une des deux écoles qui lui semblaient offrir plus aisément que d’autres une carrière dans la recherche : l’ENS et l’X.
Un service militaire plus tard (agréablement passé dans la Marine, sur la frégate antiaérienne Cassard), elle se retrouve sur le plateau, où, malgré sa petite taille, elle choisit la section basket (à une époque où peu de jeunes filles faisaient le même choix, alors qu’aujourd’hui il existe une section féminine) et s’occupe du BRC, un binet de projection de films (« des nanars aux grands classiques »), des activités du ski club et de l’édition de l’album promo.
“Ariane 6, rapidement et sous fortes contraintes.”
Une fille d’Ariane
Le goût de l’astronomie continue de la porter, si bien qu’Elisabeth Raynaud effectue son stage ouvrier… sur les pas de tir de Kourou. En quittant l’X, elle consacre une thèse, préparée au sein de l’observatoire de Meudon, aux variations de pression et de température dans les différentes couches de l’atmosphère de Jupiter, puis rejoint les équipes d’ArianeGroup, qu’elle n’a plus quittées.
Depuis 2015, elle s’occupe d’Ariane 6, un projet qu’il a fallu développer rapidement et sous fortes contraintes : cette nouvelle fusée doit être deux fois moins coûteuse que la précédente et permettre jusqu’à douze tirs par an, soit trois fois plus souvent qu’Ariane 5. Le premier décollage est prévu cette année et les carnets de commande sont déjà pleins pour de nombreux mois, malgré la concurrence croissante d’une compagnie privée américaine gérée par un célèbre milliardaire. Parmi ses meilleurs souvenirs professionnels figurent les remerciements des officiels de la Nasa, après la mise sur orbite réussie, par Ariane 5, le jour de Noël, des composants du nouveau télescope James Webb.
Le « prix de la femme de projets »
Mais d’autres défis s’annoncent déjà, tels que la conception d’ici une dizaine d’années d’un nouveau lanceur qui, à l’instar de ceux du concurrent, pourra être en partie réutilisable – ce qui, dans un conglomérat tel qu’ArianeGroup, pose des problèmes autant économiques que techniques. Lorsqu’elle n’y réfléchit pas, Elisabeth Raynaud se livre à son goût pour la lecture, notamment de biographies de personnages historiques, ou s’occupe d’élever les deux filles, aujourd’hui adolescentes, nées de son mariage avec un camarade de promotion.
Il y a quelques mois, un collègue lui suggère de présenter sa candidature au « prix de la femme de projets », une distinction faisant partie du Trophée des femmes de l’industrie, décerné par le magazine L’Usine nouvelle. En acceptant, son ambition était simple et fort louable : promouvoir la place des femmes dans les métiers scientifiques, en donnant l’exemple d’une ingénieure menant une épanouissante carrière industrielle. Son dossier suivit une trajectoire aussi parfaite que celle des fusées dont elle assure le pilotage, si bien que le prix lui fut décerné en septembre 2022.