Emmanuel Grison (37), chimiste, professeur à l’École
En complément au dossier sur la chimie paru dans notre n° 749, deux anciens professeurs à l’École, Claudine Hermann (physique) et Pierre Laszlo (chimie), par ailleurs précieux et fidèles collaborateurs de La Jaune et la Rouge, nous font part de leurs souvenirs sur Emmanuel Grison.
C.H. : Sorti dans le corps des Poudres, Emmanuel Grison a été professeur de chimie à l’X de 1964 à 1968, directeur de la métallurgie au CEA de 1969 à 1975, puis directeur du centre CEA de Saclay de 1975 à 1978. Pour moi, il a d’abord été un directeur de l’enseignement et de la recherche, de 1978 à 1984, au début de l’installation à Palaiseau, d’une honnêteté extraordinaire alliée à une grande fermeté, qui a mené des réformes importantes au niveau de l’enseignement. Une fois à la retraite, ce fut un historien de l’X en général et de la chimie à l’X en particulier, qui faisait montre d’enthousiasme, sympathie ou antipathie pour les personnages d’il y a presque deux siècles. Il a été le premier président de la SabiX.
P.L. : Je fus nommé professeur de chimie à l’École en 1986 et j’y exerçai jusqu’à l’été 1999. Je rencontrai donc Monsieur Grison dès après ma venue à Palaiseau. En effet, après avoir cédé la direction des études à Maurice Bernard peu de temps auparavant (un an ou deux), il visitait fréquemment l’École : par fidélité, l’une de ses attachantes caractéristiques ; sans doute pour discuter avec le nouveau DER de tel ou tel problème pendant ; mais aussi, peut-être surtout, pour rencontrer ses collègues, ceux qu’il connaissait déjà ou les nouveaux comme moi, lors du déjeuner dans la salle à manger des cadres. J’eus donc la chance de causer souvent avec lui.
Toujours impeccablement mis, son physique restait celui d’un jeune homme, souple et rapide dans ses mouvements, d’une grande déférence envers quiconque, quel que soit son statut.
C’était un homme d’une urbanité exquise, toujours courtois, toujours bienveillant et d’une intelligence aussi vive que reposant sur une vaste culture. Nous partagions un intérêt actif pour l’histoire de la chimie. Ainsi, pour donner un exemple de son érudition, lorsque je lui parlai du livre d’Octave de Ségur, qui reflète l’enseignement de chimie dispensé à l’École au début du Premier Empire, où l’auteur use d’une notation chimique très particulière, M. Grison y reconnut immédiatement celle d’Hassenfratz, dont il était le grand spécialiste mondial.
Il me recruta plus tard pour un exposé à un colloque dans le cadre du Club d’histoire de la chimie, qu’il avait contribué à fonder. Outre sa biographie de Hassenfratz, les historiens lui doivent une édition de la correspondance Kirwan-Guyton de Morveau, dont il fut l’un des coéditeurs.
Je citerai, pour finir, une anecdote témoignant de son grand cœur, plus encore que de sa rapidité de pensée. Il était question, dans une conversation à table, de conférenciers à faire venir à l’École. Je citai le nom de France Quéré, la grande théologienne protestante, l’épouse aussi d’Yves Quéré (bien trop tôt disparue). Il s’écria : « Surtout pas. Elle est déjà beaucoup trop sollicitée. Elle se sentirait obligée d’accepter. Vous ne pouvez pas lui faire ça. »
Bref, comme je l’écrivis à sa famille, c’était un Juste, que je m’honore d’avoir rencontré et dont je conserve un souvenir aussi admiratif qu’ému.
Plus sur le professeur exceptionnel que fut Emmanuel Grison :
- dans La J & R : https://www.lajauneetlarouge.com/emmanuel-grison-37-la-force-de-conviction/
- et le numéro 59 de la revue de la SabiX (juin 2016).