Employabilité et transition de carrières
Accompagnant depuis des années des cadres supérieurs et des dirigeants dans des transitions de carrière (Bilans, Outplacement, Coaching), je dispose d’un capital de plus de 250 expériences vécues qui m’ont apporté quelque éclairage sur l’employabilité et les transitions de carrière.
De quoi s’agit-il ?
La carrière de chacun d’entre nous est une suite d’étapes séparées par des transitions.
Une carrière peut être sous-tendue par un fil conducteur, un projet professionnel, mais ce n’est pas toujours le cas. Il existe des carrières donnant l’impression d’un avion sans pilote.
Une étape de carrière
D’une durée moyenne de trois ou quatre ans, elle se définit par un employeur, une fonction, des missions, des responsabilités, des résultats. Elle présente les caractéristiques d’une pièce de théâtre classique :
• unité de temps,
• unité de lieu,
• unité d’action.
Il y a en effet un décor, le contexte dans lequel s’inscrit une action, avec des acteurs (l’intéressé lui-même, sa hiérarchie, son équipe), et un dénouement (promotion, mutation, démission, éviction).
Les intérêts de l’employeur et du collaborateur peuvent diverger à la fin de l’étape, donnant lieu à plusieurs types de transition.
Transitions de carrière
Transition vers un nouveau poste, un nouvel employeur, un nouveau métier, une activité indépendante, la création de son entreprise…
L’intéressé sait ce qu’il quitte, mais ne sait pas ce qu’il va trouver demain dans ses nouvelles activités. Cette situation d’inconnu est difficile à vivre, surtout pour les profils rationnels.
Il y a en fait plusieurs types de transition :
• transition interne, conséquence d’une promotion, d’une mutation, ou d’un changement de métier ;
• transition externe, quand la séparation est décidée, licenciement, démission ;
• transition floue, quand l’employeur ou le collaborateur hésitent, fusion, retour de l’étranger, poste d’attente.
La transition peut être voulue par le collaborateur, ou subie. Une transition de carrière est le moment de faire avancer son projet professionnel, s’il y en a un, en se posant un certain nombre de questions et en se donnant les moyens d’y répondre.
Ne pas se poser ces questions à l’occasion d’une transition revient à jouer son avenir à la roulette russe.
Le projet professionnel
En fonction des réponses aux questions ci-dessus, et plus spécifiquement de “ Qu’est-ce que j’ai envie de faire ? ”, l’intéressé peut aboutir à deux types de projets :
• projet de la raison,
• projet du cœur.
Un projet se définit comme le cahier des charges de la future activité, avec des éléments qualitatifs et quantitatifs : métier, type, taille et culture d’entreprise, secteur d’activité, style de management, équipe, budgets.
Avoir un projet est fondamental : il permet de faire la différence entre un emploi quelconque et le meilleur emploi. Cette différence est primordiale entre 35 et 45 ans, à l’âge où la carrière probable peut être projetée à partir des étapes déjà vécues.
Un projet de la raison s’inscrit dans la continuité : le bateau continue sur son cap, en changeant une voile ou ses réglages.
Un projet du cœur consiste à faire un virement de bord, vers un autre port : changer de métier, de secteur, créer ou reprendre une entreprise, devenir indépendant, faire des missions, du conseil.
La plupart des personnes en transition professionnelle ont un projet de la raison, dans la continuité.
Il est intéressant de noter que parmi les personnes bénéficiant d’un accompagnement pour leur réorientation de carrière les amenant à se poser les questions ci-dessus, la moitié d’entre elles ont aussi un projet du cœur.
L’âge de l’intéressé est fondamental pour arbitrer entre les deux types de projets. Au-delà de 50 ans, la question d’envie est prépondérante, favorisant les projets du cœur, mais cela peut arriver beaucoup plus tôt.
En effet, il y a une énorme différence entre un métier que l’on a envie de faire et un métier que l’on n’a pas, ou plus, envie de faire. Nous pouvons nous forcer quelques mois à faire quelque chose qui ne nous plaît plus à 40 ans, mais pas audelà de 50 ans.
L’employabilité
Cette notion est naturelle pour certains, mais ignorée par beaucoup.
La théorie
Elle consiste à conduire sa carrière autour d’un projet professionnel précis, en faisant des choix pertinents lors des transitions (voulues ou subies), afin de maintenir, et éventuellement d’augmenter, les choix possibles pour les étapes restantes. Développer son employabilité, c’est jouer un jeu de sécurité permettant d’éviter, autant que possible, les aléas de la vie professionnelle tout au long de sa carrière :
• changement de dirigeant,
• changement d’actionnaire,
• changement de stratégie,
• fusion acquisition,
• restructuration.
C’est à l’individu que revient la responsabilité de conduire sa carrière, et à personne d’autre : ni l’employeur, ni les chasseurs de tête ne peuvent être tenus pour responsables de mauvais choix.
La réalité
Or que se passe-t-il dans la pratique à la fin d’une étape de carrière ? En dehors des cas d’éviction où le collaborateur devra agir de toute façon, plusieurs cas peuvent se présenter :
• un job existe dans l’entreprise, et il correspond à un bon choix pour le collaborateur, encore faut-il l’obtenir.
• l’entreprise propose un job sans intérêt, ou bien ne propose rien en laissant pourrir la situation, faut-il rester ?
• l’entreprise propose un changement de métier en son sein, en insistant, faut-il accepter ?
• l’entreprise souhaite que le collaborateur reste à son poste sans limite de temps , faut-il rester ?
• de retour d’un séjour à l’étranger, il n’y a pas de poste disponible, faut-il attendre ?
L’expérience montre que le cadre, confronté à ces questions, ne sait pas comment s’y prendre et accepte souvent la première proposition interne ou externe, en fonction de ses critères du moment :
• niveau apparent du poste,
• confiance au chasseur de tête,
• proximité Direction générale,
• nouveau défi,
• rémunération,
• élargissement des compétences,
• satisfaction intellectuelle…
Or les critères du choix doivent s’inscrire dans le projet professionnel et être mûrement réfléchis et pesés.
Il faut donc réfléchir avant d’accepter un poste en interne ou de démissionner : la décision va influer sur le profil de carrière, et peut conditionner tout le reste de la vie professionnelle.
Le profil de carrière
Que regarde un recruteur professionnel sur un curriculum vitæ : le profil de carrière. De quoi s’agit-il ? Ce profil se situe entre deux extrêmes, caricaturaux comme tous les extrêmes.
Le profil “mercenaire ”
Son premier job a duré deux ans, puis il est parti ailleurs, dans un autre secteur, reste trois ans, puis repart pour un autre métier, pensant ainsi élargir sa gamme de compétences. À 35 ans, il a fait 5 ou 6 employeurs, 3 ou 4 métiers et, par conséquent, estime être prêt pour un poste de Direction générale, qui seul lui permettra d’utiliser toutes ses compétences. Le trouvera-t-il ?
Le profil “ fonctionnaire ”
Il rentre dans une entreprise au sortir de son école, y apprend un métier, et ne sait pas en changer. Il se retrouve à 35 ans connaissant parfaitement son domaine, et aspire à plus de responsabilités. Lui en donnera-t-on ?
Le profil optimal
Il se situe bien entendu entre les deux. Une entreprise hésitera en général à embaucher un profil mercenaire, car elle se demandera à juste titre si celui-ci va s’investir chez elle pour y réussir dans la durée. De même, elle hésitera à embaucher un profil fonctionnaire, car elle se demandera si celui-ci survivra à la transplantation. Elle va donc plutôt rechercher un nouveau collaborateur qui aura prouvé à plusieurs reprises dans son parcours professionnel qu’il a été promu à de plus larges responsabilités, à l’intérieur de son groupe.
Conséquence : il faut agir
Cela implique qu’il faut savoir changer d’entreprise, de groupe, de métier à bon escient. Cela ne s’apprend pas à l’école.
L’idéal est donc, en excluant le premier poste, de rester suffisamment chez le même employeur pour avoir au moins deux étapes montrant clairement une promotion, puis de changer pour refaire la même chose dans un autre groupe. Cela implique de faire des choix pertinents, et de ne pas partir à la première friction avec son responsable. Cela implique aussi de savoir décider, et de ne pas accepter n’importe quelle proposition interne : il faut savoir négocier et lancer une recherche d’emploi.
La recherche d’emploi
Chercher une nouvelle activité est un travail à temps plein. Il faut conjuguer tous ses efforts au prorata des chances respectives :
• Cabinets de search : 10%
• Petites annonces (grandes écoles et autres) : 10%
• Candidatures spontanées : 10%
• Le reste : le réseau
Une recherche efficace
La recommandation du Bureau des Carrières est claire : il faut préparer et organiser sa recherche d’emploi, et ne démarrer que quand on est prêt. Ne pas brûler ses contacts trop vite : les cartouches ne servent qu’une fois.
La démarche réseau est très naturelle pour certaines personnes. Pour d’autres, et en particulier les profils rationnels, elle est difficile. Mais, après avoir appris, tous y arrivent, jusqu’à y prendre plaisir pour certains !
En effet, trouver un poste nécessite 10 pistes, et 10 pistes nécessitent 100 entretiens, répartis sur cinq à six mois en général. Il s’agit bien d’un travail à plein temps, à raison de 6 à 8 entretiens par semaine.
Les entreprises mettent longtemps à choisir un nouveau cadre supérieur : le candidat va rencontrer en moyenne 7personnes de sa future entreprise, ce qui peut prendre deux mois.
Ces entretiens auront permis de juger de ses compétences techniques, mais aussi et surtout de sa motivation, de sa compatibilité avec la culture de l’entreprise et l’équipe en place, de sa disponibilité, de son écoute…
Quand une recherche est bien menée, il arrive que l’intéressé ait plusieurs propositions : il lui faudra jouer, accélérant l’une, freinant l’autre, pour finalement choisir la meilleure.
Une recherche en poste
Si la recherche est faite alors que l’intéressé est en poste, il est probable qu’elle se concentrera sur les Cabinets de search et les petites annonces : seule la partie visible du marché sera explorée. La partie non visible est pourtant beaucoup plus intéressante, à la fois quantitativement et qualitativement.
Mais explorer avec succès cette partie demande un apprentissage, une organisation et des efforts, donc du temps, ce qu’on ne peut pas cacher à son employeur. Cela interdit, à mon sens, toute recherche sérieuse menée à l’insu de son employeur.
Si une personne se pose des questions, il est fort probable que son employeur s’en pose aussi. Une discussion franche avec un interlocuteur bien choisi peut mettre en évidence l’intérêt de se quitter bons amis.
En d’autres termes, si l’employeur propose un poste inacceptable ou ne propose rien, il faut en parler avec lui plutôt que faire le dos rond en se tournant vers les petites annonces.
L’intégration
Tout recrutement est un pari pour l’entreprise et pour l’intéressé.
L’analyse des échecs que nous avons observés montre que c’est rarement sur les compétences que la situation s’est dégradée : un déficit d’écoute, un sens politique limité, une communication trop entière peuvent se révéler à l’origine d’incompréhensions conduisant au rejet dans les premiers mois, période difficile car l’intéressé n’a pas encore toutes les clés.
C’est encore plus vrai pour le profil “fonctionnaire ”, ou pour ceux qui ne se sont pas posé les questions cidessus avant de prendre leur poste.
Les attentes réciproques
Pour les entreprises
Dans le passé, les entreprises attendaient de leurs cadres du métier, des compétences, de la disponibilité et un engagement personnel dans la durée. Certaines d’entre elles n’ont pas hésité à créer un vivier de cadres dans lequel elles puisaient en fonction de leurs besoins, tout en parlant de hauts potentiels, de plans de carrière et d’évolution des métiers : le profil “ fonctionnaire ” était adopté par beaucoup.
La donne a changé : recentrage, externalisation, fusions acquisitions, fonds d’investissement, LBO font que les entreprises attendent des cadres opérationnels rapidement, pour une étape ou deux, sans visibilité ultérieure, se rapprochant du profil “ mercenaire ”.
Pour les cadres
Parallèlement, les attentes des cadres doivent évoluer. Il n’est plus raisonnable d’espérer un plan de carrière garanti. Les autres formes de travail doivent être considérées : missions, CDD, intérim management, portage salarial.
Enfin, le diplôme, s’il reste un bon moyen au départ, n’est plus du tout une garantie de sécurité. Il appartient à chacun de maintenir son employabilité, indépendamment de sa formation.
Michel PRUDHOMME (X 64)
Olivier de CONIHOUT (X 76)
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Accompagnement et transitions de carrière