Usine sidérurgique ArcelorMittal Dunkerque. Le premier digital lab a ouvert à Dunkerque en juillet 2021 et travaille prioritairement sur des thématiques liées à la sécurité, l’énergie, l’environnement y compris la décarbonation contribuant ainsi à l'objectif de neutralité carbone pour 2050

« En 2050, ArcelorMittal sera neutre en émission carbone »

Dossier : Vie des entreprises - Souveraineté industrielleMagazine N°799 Novembre 2024
Par Matthieu JEHL
Par David GLIJER (D06)

Arce­lor­Mit­tal vise la neu­tra­li­té car­bone en 2050 et accé­lère sa décar­bo­na­tion et sa digi­ta­li­sa­tion pour se don­ner les moyens de ses ambi­tions. Mat­thieu Jehl, CEO d’ArcelorMittal France, revient sur la démarche de l’industriel, les pro­jets déployés en ce sens et les freins à lever.

Aujourd’hui, votre activité est à la croisée de deux transitions majeures : la renaissance industrielle et la décarbonation. Comment appréhendez-vous cette double dimension ?

Arce­lor­Mit­tal France s’engage, en effet, dans ces trans­for­ma­tions majeures et néces­saires : la décar­bo­na­tion de la pro­duc­tion d’acier et la trans­for­ma­tion digi­tale de l’industrie. Pour rele­ver ce défi, nous nous struc­tu­rons et nous nous entou­rons des meilleures com­pé­tences et tech­no­lo­gies dis­po­nibles pour rele­ver les défis liés à ces transformations.

En matière de décar­bo­na­tion, Arce­lor­Mit­tal a pris des enga­ge­ments forts pour réduire ses émis­sions de CO2 et lut­ter contre le chan­ge­ment cli­ma­tique. Nous menons ain­si un pro­jet d’envergure à Dun­kerque qui per­met­tra à terme la réduc­tion de près de 6 % des émis­sions indus­trielles natio­nales. Finan­cer ce pro­jet d’1,8 mil­liard d’euros avec l’aide de l’État, per­met­tra d’assurer la péren­ni­té et l’activité du site. Cet inves­tis­se­ment, le plus consé­quent depuis la créa­tion du site en 1962, repré­sente un véri­table défi indus­triel, avec l’installation d’une nou­velle usine au sein de l’existante et un enjeu de main­tien de notre com­pé­ti­ti­vi­té. Notre équipe décar­bo­na­tion compte aujourd’hui envi­ron 80 per­sonnes mobi­li­sées pour trans­for­mer en pro­fon­deur notre façon de pro­duire de l’acier pour atteindre ces ambi­tieux objec­tifs. Plus que jamais, aujourd’hui, le groupe Arce­lor­Mit­tal se posi­tionne en lea­der de la décar­bo­na­tion de l’acier.

En paral­lèle, nous accé­lé­rons notre trans­for­ma­tion digi­tale. En 2019, Arce­lor­Mit­tal France a créé la direc­tion de la trans­for­ma­tion digi­tale. Elle compte aujourd’hui 430 per­sonnes et conduit 140 pro­jets de trans­for­ma­tion digi­tale par an autour de l’industrie 4.0 : IA , 5G, robo­tique, Inter­net des objets…

Nous avons ouvert 2 Digi­tal Labs, véri­tables labo­ra­toires d’innovation en matière de digi­ta­li­sa­tion de notre indus­trie au cœur des ter­ri­toires et de notre éco­sys­tème. Cette démarche doit nous per­mettre de deve­nir le lea­der de la digi­ta­li­sa­tion de l’industrie de l’acier en Europe.

Quelles pistes explorez-vous en ce sens ?

Afin de répondre aux ambi­tions euro­péennes et natio­nales, Arce­lor­Mit­tal a fait de la lutte contre le réchauf­fe­ment cli­ma­tique, l’une de ses prio­ri­tés en se fixant deux objec­tifs pour ses acti­vi­tés en Europe : réduire nos émis­sions de CO2 de
35 % à l’horizon 2030 et atteindre la neu­tra­li­té car­bone d’ici 2050.

Pour ce faire, Arce­lor­Mit­tal France met en œuvre plu­sieurs solu­tions com­plé­men­taires pour éli­mi­ner pro­gres­si­ve­ment ses émis­sions de CO2 : mul­ti­plier par 2 le recy­clage d’acier usa­gé, uti­li­ser le pro­cé­dé de réduc­tion directe du mine­rai de fer pour sup­pri­mer l’utilisation de char­bon dans sa pro­duc­tion d’acier, cap­ter le CO2 rési­duel, le puri­fier en vue de le réuti­li­ser ou le stocker.

Quels sont les impacts pour vos différents sites de production ?

La décar­bo­na­tion de la pro­duc­tion d’acier et la trans­for­ma­tion digi­tale de notre indus­trie bous­culent bien évi­dem­ment nos métiers.

Nous devons, tout d’abord, for­mer nos col­la­bo­ra­teurs aux métiers de demain et inté­grer de nou­veaux talents pour ren­for­cer nos com­pé­tences. Au-delà de nos recru­te­ments, nous pro­po­sons des stages aux élèves des grandes écoles pour tra­vailler sur nos pro­ces­sus d’organisation ou sur des mis­sions opé­ra­tion­nelles. Nous misons aus­si sur l’alternance avec 290 nou­veaux alter­nants accueillis cette année. Nombre de nos métiers s’apprennent sur le ter­rain et l’alternance est un excellent dis­po­si­tif ! En paral­lèle, nous accueillons en ce début d’année sco­laire, la deuxième pro­mo­tion des classes dédiées que nous avons créées avec les AFPI et CFA des ter­ri­toires de Dun­kerque et de Flo­range : la Steel Academy. 

Votre projet de production d’acier à basse émission de CO2 illustre parfaitement votre démarche et les enjeux associés. Dites-nous en plus.

Ce pro­jet vise à chan­ger en pro­fon­deur le pro­cé­dé de fabri­ca­tion de l’acier sur le site en aban­don­nant pro­gres­si­ve­ment le recours au char­bon et au coke, en rédui­sant le mine­rai de fer direc­te­ment, d’abord en uti­li­sant du gaz natu­rel, dans un pre­mier temps, puis avec un mix de gaz natu­rel et d’hydrogène décarboné.

Il nous pro­met un double challenge :

  • Un chal­lenge tech­nique, mais aus­si une pre­mière mon­diale, car nous allons construire une nou­velle usine dans l’usine en fonc­tion­ne­ment. C’est un chan­tier d’une ampleur inédite qui va nous per­mettre de réa­li­ser le pas­sage à l’échelle indus­trielle d’une tech­no­lo­gie déjà uti­li­sée sur d’autres sites dans le monde (Afrique du Sud, Bré­sil…), mais à une plus grande échelle :
  • Un chal­lenge humain : notre défi est d’assurer l’avenir pro­fes­sion­nel de chaque sala­rié au sein du site, de mobi­li­ser et de coor­don­ner les équipes néces­saires au pro­jet, d’accueillir plus de 1 000 à 2 000 per­sonnes sup­plé­men­taires par jour pen­dant plus d’un an.

Aujourd’hui, quels sont vos enjeux ?

Dans le cadre de ces pro­jets qui trans­forment notre acti­vi­té en pro­fon­deur, nous devons main­te­nir l’engagement de nos équipes au regard des valeurs du groupe, dont la pre­mière, valeur incon­di­tion­nelle, est la sécu­ri­té. En paral­lèle, nous devons conti­nuer à recru­ter les meilleurs talents, valo­ri­ser les métiers de l’industrie qui offrent des ter­rains d’épanouissement mul­tiples et des envi­ron­ne­ments chal­len­geants et stimulants.

Alors que la neutralité s’accélère avec de fortes ambitions d’ici 2050, comment imaginez-vous ArcelorMittal à cet horizon ?

En 2050, Arce­lor­Mit­tal sera neutre en émis­sion car­bone. Notre stra­té­gie de digi­ta­li­sa­tion aura accom­pa­gné cette pro­fonde trans­for­ma­tion, au cœur de nos sites indus­triels et de nos équipes, pour atteindre cet ambi­tieux objectif !


Focus sur la digitalisation d’ArcelorMittal avec David Glijer (D06), directeur de la transformation digitale d’ArcelorMittal France.

L’industrie lourde accuse un retard considérable en matière de digitalisation. Votre entreprise s’est dotée d’un plan pour accélérer sa digitalisation. Quelles en sont les grandes lignes ?

Notre plan de trans­for­ma­tion digi­tale s’articule autour de 7 piliers, culture digi­tale, pro­grammes busi­ness 4.0, par­te­na­riat, infra­struc­ture flexi sécu­ri­sée, data pour tous, attrac­ti­vi­té & image de la sidé­rur­gie, accom­pa­gne­ment, et de 3 axes, nos sala­riés, nos clients et notre indus­trie au cœur de son écosystème.

Convain­cus que demain notre ave­nir sera digi­tal et que notre entre­prise sera une réfé­rence digi­ta­lo-décar­bo­née de pre­mier plan en France et en Europe, nous avons pla­cé l’humain au centre de notre trans­for­ma­tion digi­tale. 23 cor­res­pon­dants digi­ta­li­sa­tion à tous les niveaux de notre orga­ni­sa­tion enri­chissent et déploient notre feuille de route. Nos équipes digi­tales mettent en œuvre des solu­tions inno­vantes au ser­vice des sala­riés de l’entreprise. Elles ont, par ailleurs, reçu des récom­penses pour leurs tra­vaux comme le prix de la trans­for­ma­tion numé­rique 2021 pour notre cock­pit de pilo­tage de ligne et le 1er prix Spark lors des France Inno­va­tion Cor­po­rate Awards pour la 5G au ser­vice de la tra­ça­bi­li­té de l’acier recyclé.

Avec vos partenaires, vous avez mis en place deux digital labs. Dites-nous en plus. 

Le pre­mier digi­tal lab a ouvert à Dun­kerque en juillet 2021 et tra­vaille prio­ri­tai­re­ment sur des thé­ma­tiques liées à la sécu­ri­té, l’énergie, l’environnement y com­pris la décar­bo­na­tion, la mobi­li­té des hommes et des pro­cess. Le second à Uckange (site de Flo­range) a ouvert en février 2022 et se concentre sur la qua­li­té 4.0, la main­te­nance 4.0, l’IA et la cybersécurité.

Ces 2 digi­tal labs sont aus­si 3 fonctions :

  • Digi­tal fac­to­ry, un centre d’innovation tech­no­lo­gique en lien avec des par­te­naires internes et externes (start-up, grands groupes, aca­dé­miques, etc.) au béné­fice de l’amélioration de nos pro­cé­dés de fabri­ca­tion, de notre per­for­mance indus­trielle et de nos clients ;
  • Digi­tal aca­de­my, un centre d’acculturation et de for­ma­tion, pour accom­pa­gner nos col­la­bo­ra­teurs dans les nou­veaux enjeux et trans­for­ma­tions de leur métier, de nos pro­ces­sus. Arce­lor­Mit­tal France a éga­le­ment créé avec d’autres par­te­naires régio­naux l’association DEFI4 qui forme et accom­pagne les trans­for­ma­tions digi­tales et décar­bo­na­tion des ter­ri­toires et de leur éco­sys­tème PME/TPE, grands groupes ;
  • Digi­tal com­mu­ni­ty, un lieu d’animation qui fédère l’écosystème local et régio­nal autour de l’innovation dans l’industrie et le par­tage de bonnes pra­tiques et de retours d’expérience autour de ses nou­velles solutions.

ArcelorMittal est, par ailleurs, la 1re entreprise à disposer d’un réseau 5G industriel propriétaire. Qu’en est-il ?

Les nou­velles tech­no­lo­gies per­mettent à nos sites d’améliorer leur sécu­ri­té, fia­bi­li­té, pro­duc­ti­vi­té, qua­li­té, mais éga­le­ment le confort des opé­ra­teurs. Pour déployer concrè­te­ment ces pro­jets, l’apport de la 5G est clé. Ain­si, 5G STEEL, le plus grand réseau 5G d’Europe en envi­ron­ne­ment indus­triel, est opé­ra­tion­nel depuis novembre 2021 sur notre site de Dun­kerque (avec Orange Busi­ness Ser­vices et Erics­son). Il répond aux enjeux de l’industrie de demain grâce à une cou­ver­ture éten­due, un débit impor­tant, une faible latence, une capa­ci­té à décou­per le réseau, une sécu­ri­sa­tion des don­nées by design.

Nous avons déjà 2 pre­miers cas d’usage sur notre site de Dunkerque.

  • L’opérateur connec­té qui per­met les opé­ra­tions de rele­vé, de sai­sie et de par­tage des don­nées direc­te­ment sur le ter­rain grâce à des tablettes à dis­po­si­tion des opérateurs ;
  • La ges­tion du recy­clage de l’acier : nous pesons et scan­nons les aciers à recy­cler pour éva­luer leur den­si­té et leur com­po­si­tion et trans­mettre ces don­nées auto­ma­ti­que­ment au contrôle qua­li­té et conduc­teurs d’engins.

De nou­veaux cas d’usages de la 5G sont à l’étude autour de la sécu­ri­té et la sûre­té, et son déploie­ment va s’accélérer sur d’autres sites indus­triels d’ArcelorMittal France (Flo­range, Mar­dyck). Notre nou­velle usine d’aciers élec­triques sur notre site de Mar­dyck sera digi­tal native et béné­fi­cie­ra de la 5G dès son démar­rage indus­triel en 2025.

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