En ce temps-là, les saint-simoniens… en marche vers la terre d’Utopie, arrivèrent dans une ville appelée Lyon
Lyon, sous la monarchie de Juillet : l’auteur fait revivre à sa manière, dans une fresque bigarrée et pleine d’humour, la confrontation entre ces idéalistes visionnaires qu’étaient les saint-simoniens et la population locale, qu’ils tentent d’évangéliser, mais chez laquelle ils se heurtent souvent au gros bon sens et à la malice des petites gens, et, chez d’autres, à la méfiance ou à l’hostilité. La forme dialoguée, originale et très vivante, entre théâtre et feuilleton, convient à merveille à cette habile reconstitution historique, qui, sans y paraître, est aussi une discussion philosophique sur les méandres et les rêves de l’action sociale dans la société industrielle.
Ce mouvement était né sous la Restauration, des rêves du comte de Saint-Simon (un éloigné cousin du duc du même nom), qui annonçaient la montée de l’humanité vers son accomplissement moral et physique, par la liberté, le travail, la science, l’industrie, le développement des communications. Ses disciples, dont beaucoup issus de la classe aisée (parmi eux, de nombreux polytechniciens), sous la conduite du « Père » Enfantin (X 1813), demandaient l’instruction gratuite et obligatoire, l’abolition de la peine de mort et de la prison pour dettes, le crédit bon marché, la suppression de l’héritage, l’impôt progressif, la libération de la femme, l’association universelle des peuples…
En 1832, tracassés par la Police et la Justice, privés de leur chef, interné à Sainte-Pélagie, nombre de saint-simoniens parisiens vinrent en groupe chercher refuge à Lyon, cette ville industrieuse qui s’était signalée, un an plus tôt, par la célèbre Révolte des canuts. Ils y trouvèrent appui auprès d’un ami de Prosper Enfantin, Arlès-Dufour, un riche commissionnaire en soieries. Plus tard, rangés mais toujours actifs, les saint-simoniens furent à Lyon – comme ailleurs, dans toute la France – les initiateurs de réalisations fécondes, notamment dans les domaines de l’enseignement professionnel, de la banque et des transports.
Outre Enfantin, plusieurs X saint-simoniens sont mis en scène ; d’autres sont cités ou évoqués. Revivent également des personnages ayant marqué l’histoire de Lyon : le maire Prunelle, le député Fulchiron (X 1795), le préfet Gasparin, Ozanam, l’ingénieur Dumont (X 1836)…
L’intérêt de Michel Démarcq pour ce sujet remonte à la célébration à Lyon du bicentenaire de notre École. Il eut une contribution déterminante à la rédaction de l’ouvrage anniversaire L’École polytechnique et Lyon puis eut l’idée d’organiser en 1996 (bicentenaire de la naissance d’Enfantin), à la Bibliothèque municipale de Lyon, une table ronde publique sur le thème « Les saint-simoniens à Lyon », rencontre qui connut un beau succès.
De la même façon, le présent ouvrage plaira aux amateurs d’Histoire ou de Philosophie, et à ceux curieux de Lyon ou de nos grands Anciens.