En finir avec les idées reçues sur le financement
Les entreprises doivent être circonspectes lorsqu’elles ont un besoin de financement. Elles doivent en optimiser la structure, veiller aux conditions annexes et naturellement en mesurer le coût réel, car c’est toujours le client qui paie.
Les « conditions de crédit », comme les « pactes d’actionnaires », sont parfois devenues complexes et les contrats ont été complétés de quelques engagements ou « garanties » complémentaires pour réduire le risque du prêteur, ou prévoir ce qui se passerait si tel ou tel engagement n’était pas respecté (les fameux covenants).
Tout cela s’exerce en France dans un environnement mouvant et fluide dans lequel baignent trop souvent des idées reçues.
REPÈRES
Investir et innover requiert des moyens financiers, à la fois des fonds propres et du crédit. Les fonds propres proviennent soit de l’entreprise (produits de l’activité ou participation des actionnaires), soit de l’extérieur (financiers, investisseurs).
Le principe est le suivant : Je mets de l’argent à votre disposition aujourd’hui et nous partageons les gains s’il y en a, et quand il y en aura, selon une clé de répartition définie.
Le crédit peut revêtir de multiples formes, l’imagination technique des financiers ayant progressé pour s’adapter aux différents types de risques et de besoins des entreprises.
Le principe reste le même : Je mets de l’argent à votre disposition aujourd’hui pour partager un risque et vous vous engagez à m’en rendre davantage demain dans des conditions que nous fixons maintenant.
La frontière entre les « fonds propres » et le « crédit » peut être ténue, poreuse, mais surtout les deux approches sont complémentaires, même si le risque pris n’est pas le même, et la répartition des gains éventuels, non plus.
Les banques ne veulent plus prêter
La première idée reçue serait que « les banques ne veulent plus prêter ».
Mais on entend aussi le discours inverse : « Les banques tondent la laine sur le dos des PME. » Pourquoi voudraient-elles cesser d’exercer ce métier prospère ?
C’est toujours le client qui paie
En réalité, la croissance des prêts accordés par les banques est restée régulière. L’Observatoire du financement des entreprises souligne dans son rapport de juillet 2012 que dans l’ensemble, et de la même manière que quelques années auparavant, les encours de crédit ont ralenti au plus fort de la crise économique, mais sans que ne se développent de « véritables indices de la difficulté accrue des entreprises dans l’accès au financement ».
En revanche, si le sentiment d’une réticence des banques à prêter est si fort, contrairement aux faits, c’est parce que, sous le double effet de la montée des risques en raison de la crise et des nouvelles contraintes imposées aux banques, les conditions d’octroi de crédit se sont renforcées. La complexité croissante fait craindre le rejet.
Il est du reste significatif que les entreprises interrogées répondent : « Oui, le crédit se fait plus rare, mais pas pour moi. »
Les banques ont joué le jeu.
Même en période de crise grave, « les banques ont joué le jeu ». Des fonds exceptionnels de garantie des crédits bancaires ont été créés en 2008 afin d’encourager les établissements bancaires à venir en aide aux PME et ETI saines et viables. Ce partenariat public-privé de partage de risque a eu l’effet escompté et permis de sauvegarder de très nombreuses entreprises tout en préservant l’emploi.
Revenir aux faits
En septembre 2008, l’une des plus grandes banques américaines, Lehman Brothers, était acculée à la faillite, entraînant avec elle une crise bancaire et financière mondiale que la volonté des États et la coopération des établissements bancaires ont permis de juguler.
En France, des milliers d’entreprises PME et ETI se sont trouvées confrontées à de graves tensions de trésorerie susceptibles de les faire disparaître. Les banques ne pouvaient plus assurer seules le financement des crédits de trésorerie. Ce risque, il a fallu le partager avec elles et, sans la mobilisation de l’État, la leur et celle d’Oseo, le plan de relance mis en place en octobre 2008 n’aurait jamais eu le succès que l’on sait.
Plus de 5,3 milliards d’euros de financements ont été accordés en faveur de 21 000 entreprises, 350 000 emplois ont été préservés, 90 % des entreprises soutenues ont été épargnées par la cessation d’activité.
Est-il besoin d’ajouter, pour illustrer la pertinence d’une alliance public-privé, que le dispositif mis en place a été très économe de la ressource publique puisque son coût réel, en tout état de cause, ne dépassera pas 800 euros par emploi direct préservé, ce qui est très modeste ? Il est aussi possible de retourner l’argument : puisque le risque s’est en définitive révélé si limité, pourquoi les banques ne l’ont-elles pas pris seules ? Simplement parce qu’en raison du contexte d’inquiétude généralisé, elles ne l’auraient pas fait.
Savoir mobiliser l’Europe
Non, les banquiers ne sont pas les ennemis des PME et ETI. Serait-ce alors l’Europe (autre idée reçue) qui serait la responsable de tous leurs maux ? Qui peut le croire ? Certes, nombreux sont les entrepreneurs français à penser – et ils n’ont pas toujours tort – que les institutions communautaires seraient mieux inspirées de se soucier davantage de ce qui se passe aux frontières de l’Union plutôt que de réglementer notre marché intérieur, mais la question n’est pas là.
Pourquoi l’Europe serait-elle la cause des difficultés de nos entreprises alors que nos voisins allemands, pour ne prendre que cet exemple, ne voient en elle aucun frein à leur croissance et à leur compétitivité ? L’Europe gêne-t-elle en quoi que ce soit le développement du Mittelstand allemand ? L’argument n’est pas sérieux et la recherche systématique de boucs émissaires pour masquer notre retard ou nos faiblesses ne nous rend pas service.
L’Europe a été et reste un formidable outil de compétitivité et de croissance. Elle est le premier marché mondial intérieur et constitue donc un gisement remarquable de croissance et d’emplois. Il faut savoir mieux la mobiliser. Elle dispose d’outils puissants comme, par exemple, la Banque européenne d’investissement qui, astucieusement utilisée par tous les établissements de place européens, devrait jouer un rôle moteur dans le financement des PME et des ETI de notre continent.
Des investisseurs avisés et patients
Après les banques et l’Europe, il reste encore quelques idées reçues sur le financement de nos entreprises. Si elles ne grandissent pas comme elles le devraient pour atteindre une taille critique suffisante pour affronter la compétitivité mondiale, ce serait les entrepreneurs eux-mêmes qui en seraient responsables. Ils ne voudraient pas grandir, ils ne voudraient pas se développer, ils ne voudraient pas ouvrir leur capital. La réalité est plus subtile.
L’Europe reste un formidable outil de compétitivité et de croissance
Les entrepreneurs, qui ont, pour la plupart d’entre eux, créé leur entreprise ou en ont hérité ne redoutent pas d’ouvrir leur capital. Ils souhaitent juste, ce qui est compréhensible à défaut d’être toujours facile, en conserver le contrôle.
Cela suppose des investisseurs avisés, patients, respectueux du projet d’entreprise, des investisseurs qui n’attendent pas des retours démesurés, rapides et disproportionnés sur l’argent qu’ils ont immobilisé. C’est grâce à cette alchimie public-privé entre les banques mais aussi entre les capital-investisseurs et les territoires que les PME et les ETI de notre pays trouveront les financements nécessaires adaptés à leur projet de croissance et au renforcement de leur compétitivité.
L’équilibre est délicat, mais c’est à ce jour ce que l’on peut trouver de plus pertinent pour bien financer nos entreprises.