Énergies marines renouvelables : Panorama et perspectives
Un tour d’horizon des techniques utilisées ou en développement :
- L’éolien offshore posé est déjà fonctionnel, mais il faut passer à la vitesse supérieure pour diminuer les coûts de production.
- L’éolien flottant, prometteur, est destiné a des implantations dans des aires beaucoup plus vastes.
- L’énergie hydrolienne, relève maintenant de technologies mûres, mais n’est disponible que dans des zones bien précises
- Des centrales utilisant l’énergie thermique des mers sont à l’étude.
En matière d’éolien offshore posé, des courbes d’expérience sont déjà disponibles à la suite de nombreux projets implantés en Europe (plus de 10 000 MW raccordés) et permettent de se convaincre de l’opportunité de poursuivre les développements.
“ Le parc éolien offshore reste modeste en regard de l’éolien terrestre ”
L’énergie hydrolienne, l’énergie des courants de marée, relève maintenant de technologies relativement mûres, quoique disponibles dans des zones bien précises.
L’éolien flottant, prometteur, est en phase de prototypage avec des hypothèses d’implantation dans des aires beaucoup plus vastes situées dans les zones d’exclusivité économique (ZEE).
Les autres formes d’énergie marine (thermique, houlomotrice, osmotique) font l’objet de travaux de R & D et offrent des perspectives prometteuses.
REPÈRES
À l’issue de la COP 21, le rôle des océans dans les négociations ne semblait pas lumineux.
Des hésitations d’ordre économique pourraient naître, alors que le baril est à 30 dollars et qu’il semble durablement bas depuis plus d’un an, que les projets de développement de champs gaziers et pétroliers sont freinés, que le renouvellement des parcs d’énergie nucléaire est au mieux à l’étude, au pire abandonné dans de nombreux pays, que des industriels sont engagés dans des investissements importants pour développer et exploiter de l’énergie renouvelable, que les solutions de stockage autonome de l’énergie sont à peine disponibles et que les hésitations sur le développement de l’algoculture sont manifestes.
Il serait donc raisonnable d’être attentif au développement durable des ressources de la mer (en particulier énergétiques, mais aussi alimentaires et industrielles) dans notre espace vital avec un compromis coût-carbone acceptable.
Des réalisations probantes
Le développement des énergies non conventionnelles marines suscite donc partout un grand intérêt, en particulier en Europe puisque ce continent est le champion de l’éolien offshore, avec 10,3 GW d’installations raccordées au réseau, contre 0,7 GW installé dans le reste du monde.
Le parc éolien offshore reste cependant modeste en regard de l’éolien terrestre, environ trente fois plus important avec plus de 318 GW installés et des empreintes écologiques différentes, alors que les domaines maritimes sont souvent mieux ventés que les sites terrestres.
De nombreux pays côtiers évaluent les besoins de leurs habitants, situent l’éloignement et l’isolement de certains territoires, considèrent l’état de leurs réseaux et lancent résolument des programmes pour tester ou s’équiper : la Chine, le Japon, l’Australie, Hawaï ou le Chili anticipent déjà ce que d’autres pourraient faire.
Les acteurs français préparent l’équipement des champs marins ouverts à l’exploitation d’éoliennes. © BENOITGRASSER / FOTOLIA.COM
L’ÉOLIEN EUROPÉEN EN CHIFFRES
La vingtaine de fermes éoliennes est située en mer du Nord (63,3 % de la puissance installée), Atlantique (22,5 %) et Baltique (14,2 %) pour une puissance totale de 8 045,3 MW. Leur distance moyenne au rivage est de 33 km.
Le marché est dominé par Siemens (86,2 % des éoliennes) suivi de MHI Vestas Offshore Wind (9 %) et d’Areva (3 %). Dans plus de 90 % des cas, les fondations sont monocylindriques
(source : European Wind Energy Association).
Le développement soutenu de l’éolien en mer
En 2014, le volume d’investissements dans l’éolien offshore posé représentait 5 milliards d’euros, et les industriels annoncent déjà des coûts de production de 100 à 120 euros le mégawattheure produit à l’horizon 2020.
L’expérience européenne en mer du Nord est considérable avec les deux tiers du parc éolien offshore installé, en moyenne à 30 km des côtes et dans 20 à 40 mètres d’eau.
Il est vrai que la faible profondeur de la mer du Nord, la proximité de ports industriels protégés très favorables, une opinion publique en faveur des énergies vertes, et enfin la présence des très grandes fermes éoliennes terrestres constituent des facteurs très favorables à la croissance des capacités de ce type.
Les industriels français se mobilisent
Alors que Siemens domine le paysage en Europe du Nord, les acteurs français en présence se font remarquer et préparent l’équipement des champs marins ouverts à l’exploitation d’éoliennes : Le Tréport, Fécamp, Courseulles-sur-Mer, Saint- Brieuc, Saint-Nazaire et Yeu, dont les fermes éoliennes seront installées entre 2016 et 2023.
General Electric, ex-Alstom, a construit une usine dédiée non loin de Saint- Nazaire, laquelle a été inaugurée en décembre 2014. Elle est entièrement dédiée à l’assemblage des nacelles et à la fabrication des alternateurs de l’éolienne offshore Haliade™ 150–6 MW. General Electric dispose également d’une usine de montage de pales à Cherbourg.
“ L’expérience européenne en mer du Nord
est considérable ”
Areva-Adwen, via sa filiale commune avec le groupe espagnol Gamesa, dispose d’ores et déjà d’une base industrielle en fonctionnement en Allemagne, et y a mis en œuvre des turbines de 5 MW. Adwen développe une base industrielle complète au Havre, avec fabrication des nacelles et des pales, et deux usines partenaires pour la production des génératrices, boîtes de vitesses et roulements.
STX France, enfin, fort de ses expériences et chantiers de construction navale, dispose d’une offre logistique de préparation et maintenance avec une base voisine des chantiers, forte de deux ateliers et d’une zone de prémontage, de références et d’une offre en matière de sous-stations électriques, ainsi que de références et d’une offre en matière de fondations (source SER et Gican).
L’appui des ports et des fournisseurs d’énergie
De nombreux ports, comme Saint-Nazaire, aménagent déjà des terre-pleins et bases logistiques bord à quai. © AVATAR444 / FOTOLIA.COM
Il convient de noter que de nombreux ports préparent et aménagent déjà des terre-pleins et bases logistiques bord à quai, au Havre, à Saint-Nazaire et Cherbourg, déjà cités, mais aussi Ouistreham et Brest : les autorités portuaires concernées anticipent les opérations en mer.
Les énergéticiens de leur côté, EDF EN et Engie Nouvelles Énergies, agissent en Europe en s’alliant avec des équipementiers pour conquérir de nouveaux territoires marins à l’occasion d’appels d’offres.
À l’export, la lutte contre les ténors comme Siemens, et les challengers comme MHI Vestas, risque d’être rude, cependant qu’Alstom-GE s’est distingué récemment avec deux contrats, l’un pour les États-Unis (champ de Block Island) avec cinq turbines Haliade™ de 6 MW, et l’autre pour l’Allemagne (Merkur Offshore) avec 55 turbines. Ces turbines seront fabriquées à Saint-Nazaire, puis maintenues sur place.
Éolien posé : des coûts à la baisse
Sur la base de ces réalisations, l’éolien offshore posé européen attire l’attention de nombreux États côtiers, et le marché mondial ne fait que démarrer, en embrayant sur les expériences et compétences européennes. Avec 2 GW de plus en 2016, le parc d’éoliennes offshore pourrait être de 90 GW raccordés à l’horizon 2030.
Les coûts de production sont condamnés à baisser ; ils baisseront d’autant plus vite que les volumes augmenteront et que les procédures administratives seront adaptées.
Les débuts de l’éolien flottant
Pour ce qui est de l’éolien offshore flottant, plusieurs technologies s’affrontent (les compromis entre systèmes flotteurs et éoliennes horizontales ou verticales ne sont pas encore définitifs), cependant que les coûts de mise en œuvre devront être confirmés et attractifs.
“ Les coûts de production de l’éolien en mer sont condamnés à baisser ”
Ces coûts pourraient être compétitifs notamment si la profondeur d’eau augmente et si les opérateurs sont prêts à travailler plus loin, selon les champs. Des essais ont été réalisés aux États-Unis en 2013, avec connexion au réseau, sur la base de subventions du DOE, et au Portugal en 2014 pour tester le comportement d’une plateforme dans la houle : c’est le projet Windfloat de Principle Power, qui produit également du courant.
Ideol participe au projet Floatgen et étudie un prototype pour le tester au large du Croisic.
Une éolienne flottante a vu le jour à Stavanger (Statoil- Hydro, sur flotteur de type SPAR selon design de Technip) et produit du courant. DCNS et General Electric ont aussi des projets. Adwen teste les technologies concurrentes.
La mise en œuvre comparée de toutes ces solutions sera passionnante à suivre, d’autant que les premiers chiffrages des marchés potentiels, dans l’attente des solutions industrielles prouvées et marinisées, sont impressionnants.
Énergie hydrolienne et autres énergies marines
L’énergie hydrolienne alimente déjà des consommateurs, et les autres technologies (ETM, houle, énergie osmotique, etc.) méritent l’attention. L’énergie hydrolienne est avancée en France et profite de trois sites majeurs pour les courants de marée que sont le passage du Fromveur aux abords d’Ouessant où existe une production raccordée au réseau EDF de l’île, à Bréhat au large de Paimpol où DCNS a déjà testé une machine de production, et dans le raz Blanchard où des fermes sont à l’étude.
“ L’énergie hydrolienne
est avancée en France et profite de trois sites majeurs ”
Très développé en Angleterre, l’usage de l’hydrolien offre de bonnes opportunités au Canada (avec un projet en cours impliquant DCNS), au Chili, et sans doute dans d’autres pays.
À l’été 2015, l’hydrolienne D10, de la société Sabella, était immergée et raccordée au réseau ERDF de l’île d’Ouessant, illustrant sans doute les potentialités d’une énergie marine prédictible et disponible en complément du réseau traditionnel.
L’hiver précédent, des essais de la machine Open Hydro de DCNS avaient été menés de façon concluante sur le site de Paimpol- Bréhat, et la machine a de nouveau été installée le 20 janvier pour être raccordée au réseau.
Une centrale utilisant l’énergie thermique des mers (ETM) est en cours d’étude et de simulation par DCNS en partenariat avec Akuo (projet Nemo). Il existe un prototype de faible puissance raccordé au réseau à Hawaï par Makai, lequel dispose d’un autre projet de 1 MW au Japon, et enfin un projet en Martinique pourrait voir le jour (projet Nemo, déjà cité).
Enfin, des systèmes expérimentaux sont en test pour exploiter l’énergie de la houle et l’énergie osmotique, mais n’ont pas encore prouvé leur fiabilité et durabilité.
Des perspectives encourageantes
La stratégie d’utilisation des ressources énergétiques des océans reste encore à écrire, notamment pour certaines zones côtières où l’électricité est plus rare ou émettrice de carbone. Il y a de la place pour le déploiement de technologies matures, comme pour des prototypes à éprouver et des études de faisabilité.
Il est certain d’autre part que les sites marins, adaptés aux technologies évoquées, mériteront d’être reconnus et explorés, dans notre ZEE, comme dans celle des autres pays.
La stratégie d’utilisation des ressources énergétiques des océans reste encore à écrire. Il y a de la place pour le déploiement de technologies matures, comme pour des prototypes à éprouver et des études de faisabilité.
© NYBERG / FOTOLIA.COM