Energy Pool, concepteur et opérateur de solutions pour une énergie flexible et bas carbone
Dirigée par Olivier Baud, son président et son fondateur, Energy Pool gère et optimise des systèmes complexes pour une gestion plus intelligente et décarbonée de l’énergie. C’est aujourd’hui l’un des leaders mondiaux de la modulation de consommation d’électricité. Entretien.
Quelle a été la genèse de votre entreprise ?
Energy Pool est née, il y a 12 ans en Savoie, de la conjonction de trois éléments. À l’époque, RTE venait d’être séparé d’EDF et ne pouvait disposer des moyens d’effacement électrique dont il avait besoin pour gérer les pointes de consommation d’électricité. Cette même année, je présidais Aluminium Pechiney, l’un des plus gros consommateurs d’électricité dans le monde. Et je voyais bien que les industriels ne participaient pas « correctement » aux problèmes d’effacement électrique. Pourtant, la technologie et les nouveaux business models permettaient déjà de réaliser des effacements extraordinaires et beaucoup plus subtils que ceux que nous faisions dans les années quatre-vingt-dix.
Parmi ces avancées, il y a notamment l’émergence du statut d’agrégateur indépendant, né aux États-Unis pendant la crise des années 2000 pour remédier à des coupures de courant (par exemple une coupure de plus 24 heures dans la ville New York en 2002) se positionnant entre les fournisseurs d’électricité et le responsable du réseau (RTE pour nous).
Aujourd’hui, quels sont vos métiers et votre positionnement ?
Nous sommes un Smart Energy Manager de systèmes complexes. Notre activité ne concerne donc plus uniquement l’électricité, mais aussi d’autres énergies comme le gaz (et notamment les gaz verts).
Concrètement, nous développons et opérons des solutions d’optimisation de la consommation d’énergie.
« Fournir de l’énergie bas carbone, avec un coût acceptable et sécurisé. »
Nous faisons du conseil pour des pays, de grandes villes, nous aidons à la conception de systèmes complexes, nous faisons les designs, nous pilotons les assets… notre métier est donc assez global, ce qui n’existe pas sur le marché. Nous sommes en mesure d’utiliser n’importe quels outils et mécanismes de marché. Par exemple, nous savons piloter le stockage, la consommation, la production de l’hydrogène… et le mettre à disposition des acteurs du pays (électriciens, fournisseurs, producteurs), tout en prenant en compte les exigences locales. Aujourd’hui, nous pilotons 6 GW, de production et de consommation, à travers 10 pays dans le monde. Avec la collaboration active de 130 personnes, nous réalisons un chiffre d’affaires de l’ordre de 50 millions d’euros. Et, nous espérons doubler notre taille d’ici l’année prochaine.
Au cœur des enjeux de la transition énergétique, on retrouve la question de la décarbonation de l’industrie. Comment appréhendez-vous ce chantier et à quel niveau pouvez-vous intervenir ?
80 % du CO2 de la planète est émis par l’énergie. Notre objectif est de fournir de l’énergie bas carbone, avec un coût acceptable et sécurisé. Notre première préoccupation est la sécurité du réseau électrique. Ensuite, nous veillons à approvisionner de l’électricité à bas carbone grâce à la flexibilité et à l’adaptation des consommateurs. S’il y a trop d’électricité renouvelable, comment l’utiliser ? Et s’il n’y en a pas assez, comment pouvons-nous réduire ou optimiser la consommation ? Nous répondons à ces questions ! Nous avons, par ailleurs, une seconde activité qui consiste à rendre hybrides les installations thermiques.
Généralement, les installations hybrides fonctionnent avec du gaz ou du fioul. Nous souhaitons les rendre comme les voitures, c’est-à-dire hybrides (fioul/gaz + électricité).
Et dans cette continuité, qu’en est-il de la décarbonation du mix énergétique ?
La décarbonation du mix énergétique dépend pour beaucoup des entreprises dont l’activité nécessite une consommation importante d’électricité, appelées aussi électro-intensives. En France, cela concerne un peu plus de 500 entreprises industrielles. Elles absorbent approximativement 20 % de la consommation nationale d’électricité et emploieraient au total près de 100 000 salariés. Certaines d’entre elles consacrent l’équivalent de 20 % de leur chiffre d’affaires à leur consommation électrique. Pour décarboner le mix énergétique, ces entreprises doivent devenir flexibles et s’adapter. Sinon, il est évident que le net zéro est impossible.
Quels sont les principaux enjeux et sujets qui vous mobilisent actuellement ?
Notre premier enjeu a toujours été d’aller là où il y a des enjeux importants et de les affronter. Aujourd’hui, en observant nos clients et le monde autour de nous, nous voyons que beaucoup de pays émergents (et surtout en Afrique) sont en train de se moderniser mais ont besoin d’aide pour passer directement aux nouvelles technologies. Nous essayons de les accompagner à adopter les dernières innovations comme les microgrids, par exemple. Il s’agit de réseaux intelligents de petite taille qui reposent sur des moyens locaux de production d’électricité et de chaleur, apportant ainsi un approvisionnement électrique à un petit nombre de consommateurs pour leur fournir une alternative, moins chère et plus fiable, aux réseaux électriques centralisés. Enfin, nous avons pour ambition de faire en sorte que l’équilibre du système incorpore beaucoup plus la flexibilité des consommateurs dans leurs scénarios.
Comment voyez-vous votre secteur mais également votre entreprise ?
Je ne parlerai pas de secteur mais de métier. Nous avons en effet très peu de concurrents dans le monde : rares sont les acteurs qui comme Energy Pool font de la technique, de l’opérationnel et du consulting. Il y a quelques années, nous avons fait le pari d’être une entreprise globale tout en étant une PME. Dans notre métier, il y a une nébuleuse de technologies et d’acteurs. Nous sommes également indépendants et agnostiques, ce que nos clients apprécient énormément. Aujourd’hui, notre seul problème est d’arriver à grandir suffisamment vite pour pouvoir répondre au besoin grandissant du monde.
Justement, quelles perspectives de carrière pouvez-vous proposer à de jeunes ingénieurs ?
Nous sommes prêts à embaucher 200 personnes en deux ans. Nous en avons besoin ! Techniquement, les ingénieurs français sont extraordinaires. Leur réputation les précède dans le monde entier. Néanmoins, au-delà des compétences techniques, il est tout aussi important de savoir travailler en équipe. Nous recherchons des personnes humbles qui savent s’adapter aux différentes cultures : les Japonais sont des Japonais et les Saoudiens, des Saoudiens… Un bon ingénieur se doit d’avoir l’humilité d’écouter et de considérer qu’il peut apprendre des autres même en sortant de l’X. La dimension humaine, collective et l’esprit entrepreneurial sont essentiels pour réussir dans notre métier (et dans tout autre d’ailleurs).