Entre technique et société, les acquis de la gestion des déchets radioactifs en France
Avec la loi du 30 décembre 1991 l’Andra – Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs – est devenue un établissement public autonome. L’Agence, placée sous la tutelle des ministères chargés de l’Environnement, de l’Industrie et de la Recherche, doit proposer et mettre en œuvre des solutions de gestion à long terme pour l’ensemble des déchets radioactifs en France.
Elle a ainsi à assurer trois missions :
- une mission industrielle pour mettre en œuvre les filières de stockage adaptées à chaque catégorie de déchets radioactifs comme par exemple la gestion du Centre de l’Aube ;
- une mission de recherche pour développer des solutions de gestion à long terme pour les déchets radioactifs aujourd’hui sans exutoire comme les déchets de haute activité à vie longue ;
- une mission d’information et d’inventaire pour répertorier l’état et la localisation de l’ensemble des déchets radioactifs présents en France et rendre compte de ses activités en mettant à la disposition du public une information claire et vérifiable.
Cette loi – dont plusieurs points ont été repris par des pays comme le Japon ou bientôt le Canada – permet à notre génération, sur un sujet controversé, de mettre en œuvre des solutions techniques pour gérer dans une logique de protection de l’homme et de l’environnement sur le long terme les déchets produits par les installations industrielles existantes. En espérant ne pas peser sur les générations suivantes : les déchets existent, il faut en assurer la gestion quel que soit le futur du nucléaire.
Ceci étant dit, il est important de regarder en détail chaque type de déchets radioactifs. On verra qu’il y a plusieurs types de déchets, et donc plusieurs types de solutions nécessaires.
La diversité des déchets appelle des solutions adaptées
Les différents types de déchet
Les trois éléments d’un colis
Un colis de déchets se compose toujours de trois éléments :
- les déchets eux-mêmes (gants, bottes, outils ayant été en contact avec les matières radioactives…),
- l’enrobage (mortier, résine ou bitume) qui stabilise et rend les déchets inertes,
- l’emballage (fûts, caissons, métalliques ou bétons) adapté selon le volume et la radioactivité des déchets stockés.
Un colis de déchets est composé en moyenne de 15 % de déchets et 85 % d’enrobage.
La typologie des déchets retenue en France s’appuie comme dans beaucoup de pays sur la période des déchets, c’est-à-dire le temps pour qu’un élément radioactif perde la moitié de sa radioactivité, et sur l’activité qui reflète l’émission d’énergie.
On distingue ainsi 4 grands types de déchets :
- les déchets très faiblement radioactifs issus du démantèlement des centrales nucléaires d’une part, et les résidus miniers issus de l’exploitation des mines d’uranium françaises, d’autre part,
- les déchets faiblement radioactifs mais à vie longue provenant pour l’essentiel de l’utilisation du radium entre les années vingt et soixante et des chemises de graphite utilisées dans la première génération de centrale UNGG,
- les déchets faiblement et moyennement radioactifs à vie courte (gants, blouses, filtres…) qui proviennent de l’exploitation des installations nucléaires,
- les déchets de haute activité et à vie longue, issus essentiellement du retraitement des combustibles nucléaires, constitués par les produits de fission vitrifiés et par les déchets technologiques ; on associe aussi à ce groupe les éventuels combustibles usés non retraités.
Pour la France, une estimation des volumes en cause est indiquée dans le tableau ci-contre, établi sur une hypothèse de durée de vie des centrales existantes d’une quarantaine d’années, le retraitement de tous les combustibles usés à l’uranium (UOX) et le non-retraitement des combustibles MOX au plutonium.
Les déchets radioactifs sont potentiellement dangereux quand ils sont mal conditionnnés, dispersés ou oubliés. D’où l’importance de chaque étape de leur gestion : recensement, collecte, tri, conditionnement, stockage ou entreposage. En ce sens, la réalisation en amont d’un inventaire est une tâche essentielle : un registre de la localisation et de l’état des déchets radioactifs en France est aussi tenu à jour et publié chaque année par l’Andra (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs). Par ailleurs, une amélioration de l’inventaire des déchets a été proposée dans un rapport élaboré à la demande du gouvernement et remis en mai 2000 pour un inventaire comptable et prévisionnel de référence, en tirant parti de ce que font d’autres pays, comme la Grande-Bretagne ou la Suisse.
L’essentiel du volume des déchets produits vient des trois producteurs de l’industrie électronucléaire qui sont EDF, le CEA et la Cogema. Ils disposent d’installations de tri et de conditionnement qui permettent de garantir la bonne qualité des colis de déchets livrés à l’Andra.
Mais l’Andra assure également la gestion des déchets de plus d’un millier de » petits producteurs « , tels que les hôpitaux, les centres de recherche et les industries qui utilisent la radioactivité, sans disposer en propre de moyens techniques adaptés. L’Andra organise la collecte de leurs déchets, en assure le tri, et les oriente vers les filières de traitement appropriées.
Estimation des déchets produits par l’ensemble des installations existantes pendant leur durée de vie (déchets existants et engagés) |
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Activité | Période | |
Vie courte (< trente ans) | Vie longue (> trente ans) | |
TFA Très faibleactivité | 1 à 2 millions de m3 | 52 millions de t (résidus miniers) |
FA Faible activité MA Moyenne activité |
1 300 000 m3 (1) | 200 000 m3 (2) |
60 000 m3 | ||
HA Haute activité | 5 000 m3 (déchets vitrifiés) 3 500 t combustibles usés (= 14 000 m3) |
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(1) Incluant 620 000 m³ déjà stockés. (2) Graphite et déchets radifères. Source : Yves Le Bars, Pour un inventaire national de référence des déchets radioactifs, rapport de la mission sur la méthodologie de l’inventaire des déchets radioactifs, Paris, La Documentation Française, 2000. |
Les filières d’élimination existantes
Gérer les déchets radioactifs, c’est d’abord assurer leur bon conditionnement, leur regroupement et leur surveillance, et leur fournir une issue définitive, robuste, qui garantissent une protection à long terme de l’homme et de l’environnement, malgré les aléas de toute nature, sociaux, climatiques ou même géologiques, et d’un coût raisonnable.
Dans cet esprit, la France a réussi à se doter d’une solution industrielle définitive de gestion des déchets de faible et de moyenne activité à vie courte qui constituent 90 % du volume des déchets hors démantèlement. Le Centre de stockage de la Manche a accueilli 527 000 m³ de déchets de 1969 à 1994, le relais étant pris par un second centre situé dans l’Aube, dont le site avait été sélectionné en 1984.
Le principe est celui d’un stockage en surface à l’abri des intempéries, l’eau étant le principal vecteur de diffusion de la radioactivité des colis de déchets. La gestion des déchets faiblement et moyennement radioactifs intègre une surveillance de quelques siècles, déjà engagée sur le Centre de la Manche.
Le Centre de la Manche est le premier centre de stockage au monde à être entré en phase de surveillance de long terme. L’expérience acquise à travers sa gestion a permis d’élaborer les solutions techniques et institutionnelles françaises pour ce type de déchets : standardisation des colis, cases de stockage, réseau souterrain de surveillance…
Entre 1994 et 1997, le site a été progressivement recouvert d’une couverture de protection qui permet d’isoler les déchets de l’environnement pendant plusieurs siècles. Depuis, une longue phase de surveillance a débuté, se traduisant par une multitude de contrôles pour vérifier l’étanchéité de cette couverture et le bon fonctionnement du stockage.
Le Centre de l’Aube
Le Centre de l’Aube en quelques chiffres
- Janvier 1992 : arrivée des premiers colis de déchets.
- 1 million de m3 : capacité de stockage du centre pour une durée d’environ soixante ans.
- Près de 112 000 m3 stockés depuis le début de l’exploitation (soit 162 000 colis).
- 13 200 m3 livrés en 2000.
- 17 000 analyses par an sur les installations et dans l’environnement (air, eaux, végétaux, lait) qui montrent l’absence d’impact du centre sur son environnement.
- Trois visites d’inspection de l’Autorité de Sûreté en 2000.
- Près de 80 MF de commandes en 2000 dont plus du tiers à des entreprises régionales.
- Plus de 50 000 visiteurs depuis 1992.
- Deux réunions de la Commission locale d’information par an.
Si sa décision d’implantation remonte à 1984, le Centre de l’Aube est entré en exploitation en janvier 1992. Il comprend un terminal ferroviaire, un atelier de conditionnement et les cellules de stockage. Il emploie sur place 120 personnes, et accueille des colis qui sont préalablement agréés conformément aux autorisations accordées par l’Autorité de Sûreté et permettant notamment une bonne traçabilité sur le long terme.
Les relations entre le Centre de l’Aube, les élus locaux et la Communauté de communes sur laquelle le Centre est implanté sont fondées sur la confiance, fruit d’un processus d’information régulière. La Commission locale d’information, qui se réunit deux fois par an, a pour mission de suivre les activités du Centre et d’en faire le relais auprès des populations locales. Elle est présidée par le conseiller général du canton de Soulaines, où est implanté le Centre.
Le Centre de l’Aube. © ANDRA
Une solution de stockage sous contrôle
- les colis de déchets (les déchets sont placés dans des conteneurs et enrobés de béton),
- les ouvrages de stockage (cases en béton dans lesquelles sont déposés les colis et réseau de contrôle de l’étanchéité sous chacune des cases),
- l’environnement géologique qui protège les nappes souterraines profondes.
Pour vérifier le bon fonctionnement du stockage, chaque année, plus de 17 000 analyses sont réalisées sur l’environnement (eaux de pluie et eaux souterraines, air, herbe, lait) et les installations. Les résultats de ces analyses montrent que le Centre n’a pas d’impact lié à la radioactivité sur son environnement. En complément des analyses radiologiques réglementaires, l’Andra procède à une surveillance écologique dont les résultats sont comparés au » point de référence de l’environnement » effectué avant la création du Centre. Depuis les premières campagnes en 1994, la surveillance écologique n’a jamais révélé d’anomalie particulière.
De nouvelles filières à élaborer et à mettre en œuvre
Le dispositif de gestion en place a besoin d’être complété, dans le but de garantir une issue à tous les types de déchets :
- pour les déchets très faiblement radioactifs (dits TFA), un nouveau centre à proximité du Centre de l’Aube est à l’étude pour permettre de les accueillir à l’horizon 2004,
- pour les déchets faiblement radioactifs mais à vie longue, un nouveau site de stockage doit être trouvé pour une mise en exploitation espérée à l’horizon de 2010,
- d’ici là, il est également important que l’Andra se dote de capacités d’entreposage pour garantir une solution à tous les types de déchets.
La question du très long terme : les déchets de haute activité et à vie longue
Les déchets à vie longue et fortement radioactifs ainsi que les combustibles usés des centrales sont temporairement entreposés de manière sûre sur les sites des centrales et des usines de retraitement. Ces entreposages permettent de garantir un bon confinement de la radioactivité sur plusieurs décennies.
Ces déchets sont de trois grands types :
- les déchets technologiques moyennement actifs (gaines métalliques des combustibles, résidus de station de traitement des eaux…) qui ne dégagent pas de chaleur, dont le volume sera de l’ordre de 60 000 m³ à la fin de la vie du parc existant ;
- les colis de déchets très actifs vitrifiés (produits de fission essentiellement), qui dégagent de la chaleur, pour 5 000 m³ environ ;
- les combustibles usés au cas où ils ne feraient pas l’objet d’un retraitement, en particulier les combustibles MOX au plutonium, très exothermiques.
La loi du 30 décembre 1991, la loi Bataille, a donné à la France un cadre novateur pour l’action
Mise en place du plancher dans le puits d’accès du Laboratoire de recherche souterrain de Meuse-Haute-Marne. © ANDRA
La loi du 30 décembre 1991 a été votée en réponse à l’échec d’une première démarche conduite par l’organisme technique en charge (CEA-Andra), pour l’implantation de sites de stockage souterrains dans les années 1987–1990.
Elle a créé l’Andra comme un établissement public indépendant, la Commission nationale d’évaluation (CNE) comme instance scientifique indépendante, et elle a défini les principes de l’accompagnement économique associé aux laboratoires. Elle a créé le Comité local d’information et de suivi (CLIS) associé à chaque laboratoire.
La loi a défini trois axes de recherches permettant de travailler des alternatives : séparation et transmutation, stockage géologique, conditionnement et entreposage de longue durée. Elle a enfin prévu qu’au bout d’une période de quinze ans, soit avant le 30 décembre 2006, le Gouvernement devait présenter au Parlement un rapport sur l’état d’avancement et l’évaluation des recherches, » accompagné d’un projet de loi autorisant, le cas échéant, la création d’un centre de stockage des déchets radioactifs à haute activité et à vie longue « .
La loi de 1991 a permis des avancées très significatives dans les recherches…
Deux acteurs principaux ont été chargés de mener à bien les recherches sur ces déchets. Le CEA est chargé de piloter les recherches portant sur la séparation et la transmutation et sur le conditionnement et l’entreposage, l’Andra est pour sa part en charge des recherches sur le stockage géologique, avec la construction de laboratoires souterrains.
… sur la séparation et la transmutation
Les procédés de séparation consistent en un tri sélectif en extrayant des combustibles usés les différents radio- nucléides, en particulier les plus radiotoxiques pour leur faire subir un traitement qui en réduise l’impact : conditionnement spécifique, transmutation dans des réacteurs nucléaires connus ou d’un type nouveau, comme les réacteurs hybrides. Le CEA présente déjà des résultats pour une séparation poussée de plusieurs radionucléides, et sur de nouveaux conditionnements, et en 2006 un bilan pourra être fait du potentiel de la transmutation selon différentes filières de réacteurs.
Comme le rappelle un récent rapport parlementaire, la séparation et la transmutation supposent un potentiel industriel fort et le développement du programme électronucléaire français au-delà de la vie du parc existant.
… sur les colis de déchets et sur l’entreposage
Les recherches portent sur la définition et sur la tenue dans le temps du conditionnement des déchets et sur différentes formes d’entreposage de longue durée.
Placées sous la responsabilité du CEA, ces recherches sont très complémentaires de celles pilotées par l’Andra : un important effort de cohérence est mené, en particulier pour l’étude de colis de déchets permettant à la fois le transport, l’entreposage, la manutention et le stockage, sur les critères thermiques à retenir dans les différentes phases de la gestion des déchets.
… ainsi que dans les recherches sur le stockage géologique
La très grande durée de vie de ces déchets de quelques milliers à quelques millions d’années exige des conditions d’environnement de grande stabilité, pour contenir les éléments radioactifs à vie longue et retarder les plus mobiles et limiter leurs impacts et enfin préserver la biosphère de toute radioactivité anormale. C’est pourquoi les scientifiques se sont intéressés depuis la fin des années cinquante à l’étude d’un stockage géologique à plusieurs centaines de mètres de profondeur.
Sur ce plan, la situation française a nettement progressé ces dernières années avec la décision prise en 1998 et concrétisée par un décret de 1999, de réaliser le Laboratoire de Meuse-Haute-Marne à Bure.
Ce site a été retenu après un long processus mené dans le cadre de la loi de 1991.
En 1994, après une mission de concertation avec les élus locaux et les associations du député Christian Bataille, trois sites (Gard, Meuse-Haute-Marne, Vienne) ont été choisis par le Gouvernement, pour que l’Andra puisse engager des travaux de terrain depuis la surface permettant d’envisager la construction de laboratoires souterrains.
En 1996 trois projets de laboratoires sont soumis par l’Andra à la consultation et à enquêtes publiques, avec des résultats favorables sur les trois sites.
En 1998 le Gouvernement autorise l’implantation du Laboratoire de recherche souterrain de Meuse-Haute-Marne. Ce dernier est actuellement en cours de construction : les deux puits d’accès sont en train d’être creusés et les premiers résultats des observations sont conformes aux attentes.
Dans ses décisions du 9 décembre 1998, le Gouvernement – qui n’avait pas retenu le site proposé à l’époque dans la Vienne en raison d’incertitudes sur la circulation de l’eau entre le granite et les couches géologiques supérieures – demandait d’engager des recherches pour trouver un nouveau site dans une formation géologique granitique susceptible d’accueillir un laboratoire souterrain.
Pour cela une mission collégiale, composée de trois hauts fonctionnaires, était nommée en novembre 1999 pour présenter ce projet et recueillir les avis des populations concernées sur quinze sites géologiquement favorables.
En juillet 2000, le rapport de la mission soulignait les difficultés pour faire aboutir la concertation.
Le 27 juillet, le communiqué des ministres concernés affirmait » l’attachement du Gouvernement à la poursuite de toutes les voies de recherche sur l’aval du cycle, selon les axes définis par la loi de 1991, et notamment des recherches sur le stockage réversible en couches profondes sur deux sites géologiques différents, conformément aux décisions prises le 9 décembre 1998 « .
C’est pourquoi l’Andra poursuit en particulier ses recherches sur les avantages respectifs des granites français – a priori notables pour les échanges thermiques et pour la tenue des galeries de stockage dans le temps – et travaille avec d’autres pays engagés dans la même voie (Suède, Finlande, Canada, Suisse).
L’Andra se prépare au rendez-vous de 2006 défini par la loi en réalisant pour le site Meuse-Haute-Marne d’ici la fin 2001 une étude de sûreté à partir des données connues, et en améliorant sa capacité de modélisation.
Les résultats des expérimentations en laboratoire profond permettront dans la suite de bâtir pour fin 2005 le dossier évaluant la faisabilité, la sûreté et la réversibilité d’un éventuel stockage.
Ces concepts seront affinés au fur et à mesure que les recherches dans le Laboratoire souterrain
de Meuse-Haute-Marne permettront de préciser les qualités et les contraintes de la roche d’accueil.
Ils feront l’objet d’une évaluation de leur sûreté et une analyse de leur réversibilité.
La loi de 1991 stimule le débat sur les solutions de gestion des déchets de haute activité et à vie longue
Les décisions publiques dans le domaine des déchets radioactifs, comme celles qui touchent à la santé et à l’environnement, qui ont des effets potentiels insidieux, incertains, diffus et de long terme ne peuvent plus se prendre dans les schémas anciens, fondés uniquement sur des avis d’experts. Il faut un processus de décision qui permette un apprentissage collectif, dans un débat ouvert non défensif, interactif, avec tous les secteurs concernés de la société, y compris les opinions minoritaires.
Dépenses réalisées en 2000 et prévues en 2001 | ||
(En MF courants HT) | 2000 | 2001 |
Axe 1 | 473 | 475,5 |
Axe 2 | 569,9 | 830 |
Axe 3 | 502,1 | 513 |
Source : Ministère de la Recherche, Direction de la technologie, Stratégie et programmes des recherches sur la gestion des déchets radioactifs à haute activité et à vie longue 2001–2006, avril 2001, p. 246. |
La réversibilité d’un éventuel stockage est une exigence issue du dialogue autour des projets de laboratoire, exprimée notamment au travers des délibérations de 1996 des collectivités territoriales acceptant le laboratoire. Le Gouvernement a demandé en 1998 que les recherches prennent en compte la logique de la réversibilité.
Les réflexions récentes donnent de la réversibilité une définition issue de la précaution : l’on veut pouvoir piloter en toute connaissance de cause les différentes étapes de la vie du stockage des déchets, tout en tirant parti de la protection de la géologie en cas de besoin. L’accent est mis sur la définition de degrés de réversibilité selon les phases de la vie du stockage, et sur la surveillance sur le long terme.
En ce sens cette notion témoigne d’une attitude d’humilité qui nous apparaît nécessaire sur un sujet d’aussi long terme.
Le stockage géologique, souvent présenté comme inéluctable, a fait l’objet de nombreuses critiques : le Gouvernement a voulu un rééquilibrage entre les trois voies de recherche. L’effort financier est comparable pour chacune des voies, et il est rendu public tous les ans.
Mais chacun des trois axes définis par la loi n’est pas en soi une solution : ni la transmutation ni l’entreposage ni même le stockage géologique ne peuvent se concevoir comme des solutions concurrentes. Un travail de synthèse entre les trois axes de recherche est donc nécessaire, qui s’inscrit dans un processus public, avec une capacité d’écoute et de dialogue avec tous les partenaires.
Cela nécessite un effort particulier des acteurs de la recherche pour informer le grand public, la représentation nationale et les collectivités territoriales, sur leurs objectifs et leurs résultats intermédiaires.
Le rôle du Comité local d’information et de suivi (CLIS) de Meuse-Haute-Marne : un lieu possible pour l’apprentissage collectif
Le CLIS associé au Laboratoire de Meuse-Haute-Marne comprend 93 membres issus des élus locaux et de tous les secteurs de la société de ces deux départements, comme des représentants des associations de protection de l’environnement.
Le CLIS a déjà traité de questions comme l’étude de l’état initial de l’environnement, ou la présence de sources radioactives envisagées dans le laboratoire.
Il a organisé une journée de réflexion sur » la réversibilité et ses limites « , et doit visiter les laboratoires souterrains en Europe.
La qualité du travail fait au sein du CLIS sera un élément important de la compréhension locale sur la sûreté d’un éventuel stockage, et sur sa réversibilité, et donc sera un élément clé d’une décision éventuelle du Gouvernement et du Parlement sur la base des rapports présentés par le CEA et l’Andra fin 2005, et sur le rapport d’évaluation qui sera établi en 2006 par la CNE.
Conclusion
La France est très engagée dans la gestion de ses déchets radioactifs pour la protection de la santé et de l’environnement : des solutions existent pour l’essentiel des volumes produits, et des recherches variées sont conduites pour résoudre les problèmes du très long terme, avec des résultats significatifs déjà acquis.
Des projets sont en cours pour apporter une filière adaptée à chaque type de déchets. La loi de 1991 fournit un cadre solide qui a permis de nombreuses avancées et un rendez-vous est prévu avec le Parlement fin 2006.
La maîtrise des déchets radioactifs sollicite le gestionnaire, le scientifique et le citoyen, pour la mise en œuvre du principe de précaution, qui ici comme ailleurs doit être un principe d’action.