Entreprendre dans l’événementiel
Être ingénieur et se lancer dans le secteur événementiel, c’est un peu paradoxal : hasard ou nécessité ?
C’est avant tout une suite de hasards et d’opportunités, issue d’une mission de conseil en « e‑business ». Le software, l’Internet, puis les mobiles ont radicalement transformé toutes les filières, tous les métiers, et nous avons estimé que le secteur événementiel était particulièrement propice pour de tels changements.
La fusion des moyens de communication et des moyens de traitement a transformé l’événement professionnel : par exemple, nous nous sommes retrouvés dès 2000 dans le Cloud.
Et comme tout bon ingénieur, on a d’abord conçu notre produit, avant de comprendre bien plus tard la dimension réelle des changements en cours.
BULLE INTERNET
La bulle Internet a explosé après le lancement de votre société : en avez-vous souffert ?
Nous avons commencé il y a une quinzaine d’années, en avril 2000, avec trois cent mille euros investis par des business angels. Une semaine plus tard, la Bourse dégringolait. Pour nous, le message était clair : il fallait rechercher la rentabilité au plus vite.
“ Il fallait rechercher la rentabilité au plus vite ”
Nous avons survécu de peu en 2001, par nos innovations et surtout grâce à quelques clients grands comptes, qui nous ont fait confiance et ont démontré notre potentiel aux investisseurs suivants.
Ce fut notre manuel du lean startup (startup agile), en version couteau sous la gorge. Ce n’est pas trop douloureux, et de nombreuses start-ups connaissent, finalement, le même type de péripéties. C’est surtout extrêmement formateur.
DIX ANS D’AVANCE
Comment fait-on pour se développer quand on n’a pas de concurrent ?
On travaille de très près avec ses clients, on les écoute, puis on essaie de les convaincre, ce qui demande du temps.
Nous étions en effet très en avance sur notre marché, nous sommes arrivés pratiquement dix ans trop tôt. Ce qui est difficile dans ce cas, c’est qu’il faut évangéliser le marché tout seul. C’est long et particulièrement épuisant.
Inversement, si l’on y survit, cela permet de prendre une position forte avec peu de capitaux.
LA SILICON VALLEY, ENFIN !
Quinze ans pour se lancer à l’étranger, est-ce un délai classique pour une PME française ?
En France, on aime l’endurance, c’est pour cela qu’on est bon en aviron et dans d’autres disciplines réputées difficiles.
En réalité, le développement à l’international, c’est l’aboutissement de plusieurs facteurs favorables : capitaux disponibles, maturité du marché, capacité internationale des équipes, clients multinationaux.
De fait, nous avons construit les choses étape par étape, en travaillant très tôt à l’étranger avec les filiales de nos clients grands comptes. Puis nous avons internationalisé nos équipes, à Paris, ce qui s’est du reste révélé très compliqué d’un point de vue légal.
Il nous a aussi fallu transformer profondément notre offre, pour passer d’une offre très orientée de service à une offre de produits, qui se démultiplie et s’internationalise beaucoup plus simplement. En 2012, enfin, nous avons ouvert notre filiale dans la Silicon Valley.
LE DIGITAL EN FER DE LANCE
Pour vous d’où vient le succès des PME françaises dans le monde numérique ?
En France, nous formons d’excellents ingénieurs et nous disposons d’une culture scientifique et mathématique qui imprègne tous les domaines : du marketing à la vente, en passant par l’organisation d’entreprise.
De nombreuses personnes ont tendance à critiquer cette spécificité de l’enseignement français, mais en définitive, c’est elle qui nous permet d’être à la pointe dans l’aérospatial, l’énergie, les transports, les industries de haute technologie – et le digital.
La France a aussi une culture « normative » qui pousse les gens à adopter en masse les nouvelles technologies : en général, nous ne sommes pas les premiers à adopter les innovations, mais lorsque nous le faisons, nous y passons en bloc. C’est ce qui s’est passé pour l’email, le Web, les mobiles, les réseaux sociaux, etc.
SMALL BUSINESS ACT
Le Small Businness Act est-il une fausse bonne idée ?
Vu de Californie, le Small Business Act n’est qu’un concept. En réalité, c’est le marché – c’est-à-dire les acheteurs, vous et moi – et les investisseurs privés qui décident vraiment du sort des petites entreprises. Tout le reste ne relève que du débat d’idées.
RENDRE CHAQUE EXPÉRIENCE PARFAITE
Comment devient-on le « Intel inside » de votre métier ?
« POWERED BY EVENIUM »
« Intel inside » est l’autocollant apposé sur les ordinateurs fonctionnant avec des microprocesseurs Intel, depuis la campagne marketing lancée par le fondeur au début des années 1990, pour fidéliser une clientèle grand public, alors que ses clients naturels étaient des fabricants de matériel.
C’est un cas d’école de passage d’une démarche B2B à une démarche B2B2C. De la même manière, les événements gérés par Evenium sont marqués d’un « Powered by Evenium », pour se faire connaître des clients de leurs propres clients.
Nous cultivons l’excellence opérationnelle et une démarche virale. Lors de chaque événement, nous voyons se mettre en action la loi de la diffusion de l’innovation. Avoir un produit minimum viable pour valider l’idée ne suffit pas : cela doit immédiatement être suivi d’un travail énorme pour rendre chaque utilisation et chaque expérience parfaites.
C’est beaucoup plus difficile qu’on ne l’imagine : il faut réussir à passer de l’état « il existe une façon pour que cela marche bien » à celui de « quelle que soit la façon de l’utiliser, ça marche bien ».
Pour le reste, c’est du marketing et de la stratégie commerciale.
Et s’il fallait changer quelque chose ?
De toute évidence, le marché. Plus sérieusement, on partirait davantage sur une approche « produit » qu’une approche « service », et nous nous développerions plus rapidement à international. Mais il faut de l’expérience pour cela et les quinze années sont passées assez rapidement.
DES LIVRES DE CHEVET
Que lisez-vous avant de vous endormir ?
“ Plus on est performant pour captiver les enfants, plus ils s’endorment tard ”
Avant de dormir ? Je lis des livres de business, de technologie, ou de psychologie, répond Éric. Parmi les avantages que procurent de telles lectures, celui de s’endormir plus vite n’est pas le moindre.
Je lis des histoires à mes enfants, enchaîne Avner. C’est un bon entraînement pour apprendre à capter l’attention. Le problème, c’est que plus on est performant, plus les enfants se couchent tard !
CONNIVENCE
L’amour, c’est mieux à deux. La création d’entreprise aussi ?
Infiniment mieux ! Mais pour le chanter façon Carmen, comme l’amour, la création d’entreprise connaît aussi des lois, et en voici quelques-unes.
Pour se lancer à deux, il faut une connivence parfaite, une complémentarité forte, et que chacun puisse stopper l’autre quand il va dans le décor.