Entretien avec Jean AUDOUZE
Jean Audouze, astrophysicien de renom, auteur de nombreux ouvrages de vulgarisation scientifique, est directeur de recherche au CNRS. Elève de Hubert Reeves, il a été directeur du Palais de la Découverte (1998−2004), un des fondateurs de l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie) et conseiller scientifique à la Présidence de la République de François Mitterand (1989−1993).
Il préside et anime le Comité scientifique du Salon européen de la Recherche et de l’Innovation , dont le deuxième se déroule du 8 au 11 juin 2006 à la Porte de Versailles.
« Ce salon sera un lieu de promotion des métiers scientifiques, un lieu de discussion des politiques de recherche, une occasion de rencontre avec la Commission européenne et plusieurs pays européens et une occasion de parler à large échelle de la science par son ouverture au grand public ». Jean Audouze répond aux questions de Déborah NIZARD.
Selon vous, en quoi consiste la Science ?
La Science, c’est tout simplement un univers passionnant. À mon sens, elle est indissociable de la Culture, de la Philosophie, des Arts ou encore de l’Économie. Personne n’est obligé d’être extrêmement savant en Science pour avoir une petite idée de ce que sont la recherche et la découverte. Il existe une corrélation entre une situation économique d’un pays et la Science. Au xviie siècle, Colbert et un petit groupe de savants créent l’Académie des sciences, qui contribue encore aujourd’hui à la diffusion internationale des avancées de la Recherche française. Au xixe siècle, les Américains se sont aperçus que la Science représentait un grand enjeu économique. La Chine, l’Inde, le Japon et l’Europe comprennent aujourd’hui l’importance de la Recherche. Si je préside le comité scientifique du deuxième Salon européen de la Recherche et de l’Innovation qui se déroulera en juin prochain à la Porte de Versailles, c’est parce que je suis intimement persuadé que la Recherche est une condition sine qua non pour le maintien de notre niveau de vie. Dans quel domaine sommes-nous réellement compétitifs ? L’aéronautique, le TGV, dans les grands projets ITER (International Thermonuclear Experimental Reactor). La Recherche conditionne notre survie économique. Elle n’en reste pas moins une activité ludique et, le plus souvent, désintéressée
Comment est perçue la Recherche scientifique par le public ?
Jean Audouze, astrophysicien, directeur de recherche au CNRS, auteur de nombreux ouvrages de vulgarisation scientifique.
Je pense que cette perception est à la fois positive et inquiétante. L’image de la Science est plutôt bonne dans le public mais les gens pensent souvent qu’elle est réservée aux autres. C’est un amour externe. J’aimerais que cet amour soit plus internalisé. Je voudrais que les gens donnent leur avis, s’impliquent, dans la mesure du possible, dans les débats, s’informent un peu plus sur les dernières nouveautés, se disent qu’il y a un vrai problème. En France et dans le monde, il y a un problème concernant le renouvellement des scientifiques.
La société participe à l’encouragement des jeunes dans le domaine de la Science. Mais elle doit avoir plus l’envie de réussir dans ce domaine. 40 % de la Recherche française est financée par les impôts et 60 % par les entreprises.
Pour quelles raisons êtes-vous devenu astrophysicien ?
Vers l’âge de 20 ans, j’hésitais entre beaucoup de choses. Un jour, mon père m’a présenté à une personne qui a changé le cours de mon existence et surtout ma vision de la vie.
Il s’appelait Henri Volkringer. À l’époque, il était chef du service des brevets du CNRS. Il m’a pris à part dans son bureau et il m’a demandé si j’avais des passions. Je lui ai répondu que je ne savais rien faire de mes dix doigts.
Il m’a alors orienté vers des recherches théoriques et m’a donc donné la voie à suivre.
Mon destin s’est joué en une quinzaine de minutes.
Vous avez transmis votre savoir aux étudiants de l’École polytechnique entre 1974 et 1989. Quels ont été vos meilleurs souvenirs ?
Ma formation m’a conduit naturellement à devenir professeur autant que chercheur.
À 34 ans, je me suis donc retrouvé enseignant dans l’une des plus prestigieuses écoles françaises.
J’ai eu la chance d’avoir des élèves exceptionnels comme Anne Chopinet devenue Anne Duthilleul. Elle a été major de Polytechnique. Après avoir été conseillère industrielle de Monsieur Chirac elle est aujourd’hui présidente de l’ERAP, un établissement public à caractère industriel et commercial. J’ai aussi eu une autre élève brillantissime comme Marie-Laurence Pitois devenue Marie-Laurence Pujade. Elle avait fait son stage à l’Observatoire de Meudon et effectua une » grande première » en astrophysique avec son camarade Bruno Millird, devenu depuis astronome à Marseille. Elle a continué ses études à l’ENA pour être la directrice adjointe du Cabinet de Pierre Bérégovoy. Je suis très fier de les avoir eues, elles et bien sûr beaucoup d’autres comme étudiants…
Vous avez également été conseiller scientifique à la Présidence sous François Mitterrand entre 1989 et 1993. Qu’est-ce qui vous a le plus marqué ?
Je m’occupais des questions concernant la Recherche et la Technologie, l’Espace et l’Environnement. Par exemple avec un conseiller de Matignon de l’époque (Grégoire Olivier, actuellement directeur général adjoint de Safran), nous avons participé à la création de l’Agence gouvernementale de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) qui est un établissement public à caractère industriel et commercial, placé, sous la tutelle principale du ministère en charge de l’Écologie et du Développement durable.
Vous savez, nos actions sont souvent réalisées dans l’ombre.
Ça n’en reste pas moins une belle expérience.
Après Aujourd’hui, l’Univers, Enquête sur l’Univers, Les Particules et l’Univers, Regards sur le visible, L’Univers, L’éthique des énergies et L’astrophysique nucléaire, avez-vous un autre projet d’écriture ?
Je suis devenu auteur d’ouvrages de vulgarisation scientifique en raison de ma profonde admiration pour Hubert Reeves qui était mon patron de thèse. Un grand astrophysicien qui m’a servi d’exemple. Il m’a beaucoup appris et son expérience m’a aidé dans ma vie professionnelle. J’enseigne aussi un cours à Sciences-Po intitulée « Matière Espace et Temps » et j’ai commencé à écrire un livre qui portera sur l’initiation des élèves de Sciences-Po aux Sciences exactes.
Je n’ai pas encore le titre. Mais j’y travaille très sérieusement…
Pouvez-vous nous présenter le 2e Salon européen de la Recherche et de l’Innovation ?
C’est un salon à dimension internationale qui est destiné aux professionnels, aux chercheurs, aux enseignants chercheurs, aux ingénieurs, aux représentants des ministères et administrations liés à la recherche, aux dirigeants et personnels des laboratoires de recherche et surtout au grand public passionné par la recherche, l’innovation et l’environnement, notamment les diplômés des universités et des grandes écoles.
Il réunira les principaux acteurs français et européens du monde scientifique, institutionnel et entrepreneurial. Cette année, nous mettons un peu l’accent sur l’énergie avec par exemple EDF, Gaz de France, Areva Siemens et Veolia Environnement. Ces deux derniers, auxquels s’ajoute France Télécom sont nos trois partenaires « privilèges » : ils animeront, entre autres notre « Plateau TV » par plusieurs conférences et tables rondes qui s’inscrivent dans une programmation scientifique très copieuse.
Par exemple, les thèmes abordés porteront sur « les pôles de compétitivité » et « l’innovation dans les transports terrestres » pour Siemens et la SNCF. « Les énergies d’avenir » et « la santé environnementale : enjeux et perspectives » pour Veolia Environnement. « Les défis de la recherche en télécommunications » et « quel futur pour l’Internet mobile ? » pour France Télécom qui axera principalement ses présentations sur les nouvelles technologies de l’information et de la communication. Pendant quatre jours, de nombreux scientifiques se succéderont pour faire le point sur la recherche et l’innovation en France et en Europe.
Comment sera agencé le salon ?
Le salon sera divisé en pôles pour faciliter l’échange et chercher à satisfaire les intérêts de chacun. Le pôle « institutionnel » donnera, entre autre, l’opportunité, aux visiteurs, de rencontrer les représentants de la direction générale de la Recherche de la Commission européenne. Le pôle « entreprises industrielles et de services » sera l’occasion de rencontrer la communauté scientifique et entrepreneuriale et d’échanger avec les autres leaders de la recherche. Le pôle « PME, PMI, entreprises innovantes, start-up et financement » renseignera sur l’accès aux aides à la création de nouvelles entreprises. Le pôle « universités, grandes écoles, “pôle de compétitivité” et collectivités territoriales » présentera les différentes perspectives d’avenir pour les jeunes diplômés qui sont invités à venir avec curriculum vitae. Plusieurs animations seront proposées au public sur les stands des exposants comme des « expériences captivantes, des images impressionnantes ou des jeux pédagogiques ». Des cérémonies de remises de prix sont aussi prévues pour récompenser différents lauréats. Tout est pensé pour satisfaire toutes les curiosités.
Quelles sont les innovations par rapport à la 1re édition ?
Le salon se déroulera sur quatre jours au lieu de trois. Nous prévoyons une augmentation du nombre d’organismes publics et privés participants entre 180 à 200 contre 130 l’année dernière. Un plus grand nombre de partenaires tels que Sanofi Pasteur, l’Oréal, Arianespace, et bien d’autres. Nous développerons la participation européenne. Il y aura une forte présence allemande. Des institutions comme des associations et des grandes compagnies. Des organismes italiens et espagnols spécialistes de la recherche seront également présents. Le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) et le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) seront aussi attendus. Nous recevrons Janez Potocnik, Commissaire européen pour la Science et la Recherche qui viendra inaugurer le salon le jeudi 8 juin après midi. Il sera consacré 300 mètres carrés à sa direction générale avec une partie » recrutement » importante. Nous espérons accueillir Madame Annette Schavan, ministre de la Formation et de la Recherche de l’Allemagne fédérale.
Nous avons l’honneur d’être à nouveau sous le haut patronage du Président de la République, du Président du Sénat et de Monsieur François Goulard, ministre délégué à l’Enseignement supérieur et à la Recherche.
Nous allons faire vivre le salon avant le salon en co-organisant, en collaboration avec le Palais de la Découverte, des conférences.
Une conférence est prévue le 16 mars au Palais sur le thème de « La Mémoire ».
Au salon, nous organiserons dans ce cycle une conférence les dessous du « monde microscopique ».
Quels sont les objectifs de cette 2e édition ?
Nous avons un premier objectif. Jouer un grand rôle dans le recrutement et la communication des métiers de la science. Un espace « Jeunes scientifiques post-docs » est prévu, pour les jeunes diplômés et les recruteurs. Les doctorants auront la possibilité de s’informer sur les opportunités qui leur seront offertes à travers des rendez-vous personnalisés. Faire la promotion des métiers scientifiques en France et en Europe. En particulier, en Angleterre, en Allemagne, en Italie et en Espagne. De montrer les grandes découvertes qui se sont écoulées cette année. Par ailleurs, nous allons monter des tables rondes spécifiques sur la recherche à l’échelle de l’Europe et des débats sur les politiques en matière de recherche.
Quels seront vos partenaires médiatiques ?
Nous avons des partenariats très intéressants cette année. LCI retransmettra, comme en 2005, en direct la séance introductive avec la participation de M. Goulard, des PDG et de nos partenaires privilèges et de plusieurs chercheurs de renom. France Info, le Parisien, La Tribune sont également de la partie. Le Herald Tribune a reconduit son partenariat ainsi que Science et Vie et La Recherche. Nous attendons plus de 300 journalistes appartenant à la presse nationale et internationale. Nous espérons donc de nombreuses retombées médiatiques aussi bien dans l’audiovisuel que dans la presse écrite. L’année dernière, nous avons enregistré 440 sujets de presse dont 185 parutions de presse écrite internationale, nationale, régionale, 115 sujets audiovisuels, notamment la diffusion de sujets « d’Euronews » dans plus de 55 pays, et 140 parutions Internet. Une chaîne Fondamental TV retransmettra aussi en direct les temps forts du salon. Des écrans seront positionnés dans les différents espaces du salon pour que les visiteurs puissent suivre les conférences, les tables rondes et les remises de prix à tout moment. Nous voulons que tout le monde puisse en profiter.