Environnement, climat et développement durable au Maroc
L’auteure témoigne du volontarisme politique du Maroc des années 2008–2014 en matière d’environnement et de développement durable, qui a permis au pays de figurer en bonne place lors de la COP15 de Copenhague de décembre 2009, puis d’organiser la COP22 de Marrakech. Depuis lors, l’État chérifien n’a cessé de développer avec succès des projets pour sa transition écologique.
Avec l’avènement du nouveau roi du Maroc, Mohammed VI, et particulièrement dans les années 2008–2009, plusieurs planifications sectorielles de développement national ont été lancées dans le pays, notamment dans le domaine de l’environnement (ex. : plan Maroc vert, plan national des déchets ménagers, plan halieutique). À l’approche de la COP15 de Copenhague de décembre 2009, le Maroc cherchait une ligne politique en matière climatique pour intervenir dans cette conférence internationale.
C’est ainsi que l’IRES, Institut royal d’études stratégiques, le think tank royal, a en 2008 lancé en son sein un programme d’études sur les changements climatiques dans le pays. Début 2009, il m’a demandé de produire un benchmark des politiques climatiques d’un échantillon de dix pays, en vue d’en tirer des enseignements utiles pour le Maroc. L’étude, terminée en mai 2009, permettait d’analyser la gouvernance climat de pays développés et en développement ; elle concluait à plusieurs éléments de politique climatique dont le Maroc pouvait s’inspirer, tant en atténuation qu’en adaptation.
Un plan climat national
Dès juillet, l’IRES intervenait dans une réunion de concertation organisée par le département de l’Environnement pour travailler à la préparation de la participation marocaine à Copenhague. Lors de cette réunion, alors que l’on me demandait ce que je pensais de ce que le Maroc pouvait faire, j’ai proposé qu’il prépare un plan climat national car, à l’époque, seulement une poignée de pays en développement en avait préparé un, et cela pouvait donc se révéler différenciant pour le Maroc de faire de même.
En août, j’élaborai, à la demande du département de l’Environnement, une proposition complète pour la préparation d’un tel plan climat national qui comporterait non seulement des actions d’adaptation, priorité du Maroc, mais aussi des actions d’atténuation sectorielles : il s’agissait d’introduire pour la première fois une volonté de contribuer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Et l’on s’accordait assez rapidement sur l’organisation de l’étude : consulter tous les ministères et communiquer le plan à Copenhague. De septembre à novembre, un programme intensif d’échanges interministériels permettait d’arriver à ce résultat : Mme Amina Benkhadra, alors ministre de l’Énergie, des Mines et de l’Environnement, a recueilli début décembre un grand succès à Copenhague avec ce plan volontaire, dont les plaquettes de communication en français, anglais et arabe sortaient tout juste de l’imprimerie…
Le plan mobilisait ainsi tous les secteurs de l’économie sur des projets d’atténuation (énergie, transport, industrie, déchets, agriculture et forêt, construction-habitat et urbanisme) et d’adaptation (météorologie, eau, agriculture, forêt, biodiversité et lutte contre la diversification, pêche et littoral, habitat et urbanisme, santé, tourisme) et préconisait des mesures administratives transverses pour le pilotage de ce plan, de cette politique climat.
Des projets structurants
De nombreux projets structurants ont été réalisés dans tous les secteurs conformément aux planifications du plan climat et de la SNDD, parmi lesquels on citera à titre illustratif :
- renforcement des moyens de la Météorologie nationale pour le suivi du changement climatique,
- mise en œuvre des inventaires de gaz à effet de serre,
- développement du site solaire de Ouarzazate, avec plusieurs centrales aux procédés diversifiés,
- développement de plus d’une douzaine de sites éoliens,
- distribution de lampes à basse consommation,
- mise en service des tramways de Rabat et Casablanca,
- mise en service d’un pipeline de phosphate par l’Office chérifien des phosphates,
- valorisation des émissions de méthane de certaines décharges contrôlées,
- protection des bassins versants à l’amont des anciens barrages,
- développement de nouveaux barrages, moyens et petits,
- réalisation d’usines de dessalement d’eau de mer,
- modification des pratiques et des cultures agricoles face aux sécheresses,
- adaptation des espèces forestières au stress hydrique, vérification de l’adéquation du plan Azur pour le tourisme aux problématiques d’adaptation au changement climatique, etc.
Une Charte nationale
Dans la foulée, dans le contexte de la politique nationale de régionalisation du pays, le département me demanda d’élaborer un guide à l’intention des régions pour l’élaboration de plans climat territoriaux par les soins de ces dernières. Je produisis ce guide et, après une concertation régionale, il fut publié en avril 2010. Parallèlement, le roi avait lancé, lors du discours du trône de juillet 2009, le projet d’élaboration d’une « charte nationale de l’environnement pour un développement durable ». Je fus donc chargée de piloter un groupe interministériel pour établir les termes concis d’un premier texte de Charte nationale, qui serait mis ensuite en consultations régionales. Le travail pour arriver à ce premier texte fut enthousiaste et efficace.
Le texte partit en consultations régionales début 2010 sous la houlette du département de l’Environnement, lequel lançait conjointement une réflexion pour améliorer son management environnemental, ce qu’il appelait l’« opérationnalisation de la Charte ». Je fus ainsi chargée d’une mission de conseil complémentaire sur cette opérationnalisation. La version définitive de la Charte et son opérationnalisation furent ainsi diffusées officiellement après les annonces à ce sujet de Sa Majesté lors du discours du trône de juillet 2010.
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La Stratégie nationale de développement durable
Grâce à son succès à Copenhague, le Maroc obtint un financement du PNUD pour élaborer sa troisième Communication nationale au titre de la Convention des Nations unies pour le climat et je fus missionnée par le PNUD pour établir un projet de travaux pour cette communication. Après d’autres courtes missions, de fin 2012 à mi-2014, je devais prendre en charge le volet énergie dans l’élaboration de la Stratégie nationale du développement durable (SNDD), en relation avec tous les acteurs nationaux de l’énergie…
“Le Maroc a accueilli la COP22 à Marrakech en 2016.”
Depuis cette époque, le Maroc poursuit une politique environnement-climat-développement-durable consistante et je suis heureuse d’avoir pu contribuer à son déploiement. Le pays a actualisé tous les documents cités plus haut, la SNDD en 2017 par exemple. Il a accueilli la COP22 à Marrakech en 2016, une COP faite pour confirmer les engagements de l’Accord de Paris de la COP21, et son plan climat national est naturellement devenu une NDC, Nationally Determined Contribution, publiée en 2021. En 2022, le Maroc a lancé un programme pour actualiser sa SNDD à l’horizon 2030, en confirmation de ses engagements internationaux pris depuis 2008. Une belle réussite !