Erik Decamp (72), ouvreur de voies
Excellant tant dans le sport que dans la science : il rappelle ainsi Jean Borotra, Yves du Manoir, Alfred Sauvy, Jean-François Clervoy, et quelques autres. Il est de ces X — un passionné réfléchi. Quels furent ses deux métiers ? Guide de haute montagne et alpiniste, avec des ascensions aux quatre coins de la planète, Everest compris. Son goût pour les maths le poussa dans la recherche en maths, après l’X. Sa soif de compréhension des choses de la vie s’exprima par un passage, via l’IA, en direction des sciences cognitives (cf. Neurocalcul et réseaux d’automates, 1988, Le Seuil).
Mi-grimpeur, mi-ingénieur
Durant tout son parcours, il tint à maintenir cette activité duelle. Comme il se plaît à le dire : « J’étais très tenté de basculer complètement du côté de la montagne […] il faut garder un pied dans chaque […] : c’était moitié, moitié. »
L’initiation au rocher, une passion naissante aussi, lui vinrent à 18 ans, l’âge de son entrée à l’École. Il découvrit avec enivrement la joie de grimper, la satisfaction de s’être offert une voie, à Fontainebleau deux ans durant et sur les falaises de la Seine en Normandie. Puis, il testa sa vocation naissante d’alpiniste sur les grandes voies classiques de la vallée de Chamonix et plus largement des Alpes : « Du jour où je suis entré à l’X, j’ai commencé à grimper vraiment. […] J’ai passé aspi (aspirant-guide) au même moment où je sortais de l’X, deux ans et demi après avoir commencé à grimper. »
Le point commun à ses deux passions ? « Le plaisir, et l’élégance de la démonstration. L’art de trouver une solution aussi aisée que possible à un problème (paroi, ascension, passage) difficile fait de nous, alpinistes, des paresseux paradoxaux. » La formation du grimpeur, son instinct, lui ouvrent la voie d’une solution, du passage à explorer, avant de le mener à bien.
“Les alpinistes sont des paresseux paradoxaux.”
Grimper et transmettre
Tout jeune guide, Erik Decamp devint professeur à l’École nationale de ski et d’alpinisme (Ensa) à Chamonix, où il enseigna durant dix ans. Puis il reprit sa liberté, devint guide de haute montagne – tout en poursuivant son activité d’ingénieur. Depuis 2000, il offre des conférences et interventions en entreprise, à partir de son expérience de la montagne.
Erik épousa en 1996 – ils ne sont plus ensemble – Catherine Destivelle, la première femme à avoir accompli en solitaire ces classiques dans l’histoire de l’alpinisme que sont ces trois grandes faces nord : 1992 (mars), ascension hivernale de l’Eiger en dix-sept heures ; 1993 (février), éperon Walker aux Grandes Jorasses en trois jours ; 1994 (février), voie Bonatti du Cervin (première répétition de la voie ouverte en 1965 par Walter Bonatti).
Erik Decamp affectionne aussi tant la photographie que l’écriture, le bonheur de l’expression, après le plaisir de la réflexion. Nous avons la chance de pouvoir lire nombre d’ouvrages de sa plume.
Quelques sommets
Mais revenons sur quelques grandes étapes de son parcours, autant dire aussi ses ascensions les plus remarquables : 1980, Ganesh IV – Népal ; 1982, Pumori – Népal, pilier sud, la première comme chef d’expédition ; 1987, Mustagh Ata – Chine, montée à 7 400 mètres en peaux de phoque et redescente à skis ; 1987, Jannu – Népal, face nord ; 1990, Everest, voie népalaise ; 1993, Aconcagua – Argentine, face sud ; 1996, Antarctique, première ascension du Pic sans nom, 4 160 m dans la chaîne Ellsworth, une face vierge de 1 700 m. Parvenus à ce sommet, Destivelle et Decamp eurent un accident grave, elle chuta et fut victime d’une fracture ouverte au tibia droit : une condamnation à mort. Mais l’un et l’autre surmontèrent ce désastre grâce à leur professionnalisme. Ils parvinrent à redescendre vivants.
Pour en savoir plus :
Majastre (J.-O.), Decamp (E.), Guides de haute montagne, photographies de Max Le Borgne, Grenoble, Glénat, 1988, 189 pages.
Decamp (E.), « Entre héroïsme et hédonisme : la montagne au corps-à-corps », Revue de géographie alpine, 1991, 79(4), 119–128 pages.
Bourdeau (P.), Decamp (E.), Majastre (J.-O.), Vizioz (O.), Le mont Aiguille et son double, Grenoble, PUG. Collection Empreinte du temps, 1992, 129 pages.
Decamp (E.), Alpinisme et escalade, Claix, Didier-Richard, 1998.
Decamp (E.), « Frontières, lieux communs et montagnes ordinaires »,
Les Temps modernes, 2009, 5(656), 189–196 pages.
Destivelle (C.) et Decamp (E.), Le petit alpiniste, illustrations de Claire Robert, Chamonix, Guérin, 2009, 112 pages.
À paraître en avril 2020 aux éditions du Mont-Blanc : Le guide et le procureur. Une réflexion sur la responsabilité conduite, expérimentée et racontée en dialogue avec un procureur général.
Son site internet : http://www.orexios.net/newsite/fr