Et si on inversait les pôles ?
Ce livre de notre camarade André Danzin et de deux de ses amis arrive à son heure : il est clair que le problème du traité institutionnel européen redeviendra d’actualité avec les élections présidentielles et législatives en France et avec la présidence allemande de l’Union européenne.
L’idée centrale est qu’il est impossible de surmonter les défis identifiés et analysés dans ce livre par les seuls efforts d’États-nations demeurés dispersés.
Les auteurs en concluent, ce qui explique le titre de l’ouvrage, que « l’Union européenne étendue à vingt-sept ou trente États membres doit ambitionner d’être reconnue comme une puissance économique et éthique incontournable. Par l’absence de toute ambition à caractère impérialiste et par l’autorité morale que lui confère la réussite de sa pacification intérieure, elle peut devenir le premier pôle du monde nouveau en émergence. »
Même si une telle ambition est hautement souhaitable, elle sera jugée très optimiste par maint lecteur.
Peu importe ! Ce livre, lui aussi, est ambitieux ; mais il l’est honnêtement et propose des analyses et des remèdes sans chercher à les imposer.
Il commence par une longue analyse des défis, mais aussi des progrès, du monde nouveau.
Il cherche ensuite à identifier les points forts et les points faibles de l’Union européenne. Comment sans cela pouvoir affirmer raisonnablement que cette Union peut devenir un pôle de civilisation et postuler qu’il est possible d’éviter le danger d’un monde… unipolaire ?
Ce faisant, les auteurs mettent en avant les mesures à prendre pour atteindre l’objectif. Ils le font en terminant chacun des chapitres par des suggestions adressées aux responsables politiques nationaux et européens. Excellente idée.
Et c’est par un tel cheminement qu’ils parviennent à la conclusion majeure rappelée ci-dessus.
On comprendra qu’un tel livre ne se résume pas. En le lisant avec la même ouverture d’esprit que celle des auteurs, chacun se sentira le devoir de se faire sa propre opinion sur les analyses et sur les remèdes, et surtout établira une hiérarchie entre l’importance des divers défis et des divers objectifs. La situation du monde – comme aussi celle de l’Union européenne – est trop complexe et semée d’embûches pour qu’une telle hiérarchie ne soit pas indispensable. Je ne crois pas que les auteurs le contesteraient, même si, sans doute par respect du lecteur, ils laissent celui-ci choisir les priorités… avec le réalisme qui s’impose.
À mes yeux, le traité institutionnel auquel il est essentiel de parvenir – et je ne dis pas constitutionnel – doit certes reposer sur des principes clairs et logiques, ce qui était le cas du projet rejeté par la France et les Pays-Bas (et virtuellement par le Royaume-Uni), mais il doit aussi être accompagné, s’agissant de ce point majeur : le contenu des décisions n’exigeant pas l’unanimité, d’une liste commentée de problèmes que les États membres ne sauraient maîtriser dans l’aléa des accords intergouvernementaux. Par exemple ceux de l’énergie, des transports, de l’immigration, de certains aspects de la politique étrangère et de la défense – mais, pour ces derniers, l’immodestie ne serait pas plus réaliste que pour les questions sociales ou encore de fiscalité.
Terminons par une boutade montrant que, sans être désabusé pour autant, on ne doit pas oublier l’état d’impréparation et de lamentable sous-information dans lequel se trouvent nos concitoyens (français et européens) : critiqué d’abord pendant de longs mois parce que jugé insuffisamment apprécié par rapport au dollar des États-Unis d’Amérique, l’euro est, depuis de longs mois, critiqué parce que trop fort par rapport à ce même dollar !