États-Unis vs Europe, une guerre économique totalement asymétrique

Dossier : La guerre économiqueMagazine N°755 Mai 2020
Par Edith CRESSON
Par Jean-Michel QUATREPOINT
Par Frédéric PIERUCCI

Voi­ci un résu­mé de la confé­rence don­née à l’École poly­tech­nique sur l’intelligence éco­no­mique par Édith Cres­son, Jean-Michel Qua­tre­point et Fré­dé­ric Pie­ruc­ci dans le cadre d’un sémi­naire de Phi­lippe Lau­rier, le jeu­di 14 novembre 2019.

Édith Cres­son : Lorsque j’étais à Mati­gnon, j’ai sou­hai­té que l’administration dans son ensemble et les entre­prises s’approprient ce concept d’intelligence éco­no­mique. Bien sou­vent nos entre­prises pro­posent d’excellents pro­duits mais ont des dif­fi­cul­tés pour les vendre. Un jour, lors d’un appel d’offres chi­nois pour l’achat de cen­trales nucléaires, alors que nous avions la meilleure tech­no­lo­gie, j’ai appris par nos ser­vices secrets que, dans les négo­cia­tions, nos concur­rents allaient gagner parce qu’ils pro­po­saient de for­mer les sala­riés chi­nois pen­dant dix ans gra­tui­te­ment en plus de l’implantation de la centrale.

J’ai alors pro­po­sé aux indus­triels fran­çais de pro­po­ser vingt ans de for­ma­tion et nous avons gagné l’appel d’offres. Cela nous a valu les remon­trances du minis­tère des Affaires étran­gères sous pré­texte que : « Ça ne se fait pas. » J’ai pu consta­ter que nous n’avions pas de sys­tème d’intelligence éco­no­mique alors que, mani­fes­te­ment, tous nos concur­rents en avaient. Napo­léon disait : « Que veut l’ennemi ? » On peut avoir la meilleure armée du monde, si on ne sait pas ce que l’ennemi a dans la tête, ça ne sert à rien.

« Protège-moi de mes amis »

L’ennemi n’est pas for­cé­ment un enne­mi, ça peut être un par­te­naire, un concur­rent, l’administration d’un autre pays, etc. J’ai créé un groupe de tra­vail pré­si­dé par Hen­ri Martre (47), qui était pré­sident de l’Aérospatiale, et j’ai deman­dé que les grandes admi­nis­tra­tions et les grandes entre­prises y par­ti­cipent. Le minis­tère des Affaires étran­gères a refu­sé d’y sié­ger au motif qu’il s’agit d’entreprises. Est-ce que vous ima­gi­nez le Forei­gn Office refu­sant de faire par­tie d’un groupe de tra­vail sur l’intelligence éco­no­mique ? En réa­li­té, ils font ça jour et nuit.

Ce groupe de tra­vail s’est mis en place et a per­mis la créa­tion de l’Adit, l’Agence pour le déve­lop­pe­ment de l’innovation et de la tech­no­lo­gie, aujourd’hui une struc­ture d’intelligence éco­no­mique très impor­tante, pro­ba­ble­ment la pre­mière en Europe. C’était une admi­nis­tra­tion de l’État deve­nue socié­té ano­nyme en 2003 avec une par­ti­ci­pa­tion mino­ri­taire de l’État. Toutes les grandes entre­prises du CAC 40 sont clientes de l’Adit, un réseau de plu­sieurs cen­taines de per­sonnes à Paris et dans le monde.

L’alliance américaine entre le privé et l’État

L’histoire d’Edward Snow­den illustre bien les moyens déployés par les Amé­ri­cains. En tra­vaillant pour une socié­té pri­vée (Dell) qui en fait tra­vaillait pour les ser­vices secrets, il a décou­vert que tout le monde – y com­pris les Amé­ri­cains – était pis­té et sui­vi, et com­ment ce sys­tème-là est uti­li­sé par la conjonc­tion entre cet espion­nage per­ma­nent et les entre­prises amé­ri­caines pour faire la peau à tous les autres. Il faut entrer dans ce sys­tème et le com­prendre de l’intérieur.

Une Europe éparpillée

Nous n’avons pas en Europe la cohé­sion néces­saire pour faire face à ces menaces. Il fau­drait mener une action euro­péenne conjointe mais actuel­le­ment l’Allemagne n’est poli­ti­que­ment pas en état d’y tra­vailler et nous n’avons pas d’accord de poli­tique exté­rieure de défense au niveau euro­péen. Les Amé­ri­cains ont beau­coup sou­te­nu le Brexit car c’était dans leur inté­rêt que l’Europe se divise. La poli­tique à venir de l’Allemagne est très atlan­tiste. Les Alle­mands se tournent vers celui qui est fort sans cher­cher à fon­der une force locale en Europe.

“Les Américains
ont beaucoup soutenu
le Brexit.”

Une guerre à mort

Jean-Michel Qua­tre­point : Deux cita­tions : « La France ne le sait pas, mais nous sommes en guerre avec l’Amérique. Oui, une guerre per­ma­nente, une guerre vitale, une guerre éco­no­mique, une guerre sans morts appa­rem­ment. Oui, ils sont durs, les Amé­ri­cains, ils sont voraces, ils veulent un pou­voir sans par­tage sur le monde. C’est une guerre incon­nue et pour­tant c’est une guerre à mort. » Savez-vous qui a dit ça ? Fran­çois Mitterrand.

Une deuxième cita­tion : « Nous devons avoir recours à ce qui est appe­lé le pou­voir de l’intelligence, l’ensemble des outils à notre dis­po­si­tion : diplo­ma­tique, éco­no­mique, mili­taire, poli­tique, juri­dique et cultu­rel. Il faut choi­sir le bon outil ou la bonne com­bi­nai­son d’outils, la mieux adap­tée à chaque situa­tion pour défendre la sécu­ri­té et la pros­pé­ri­té des États-Unis. » C’est une cita­tion d’Hillary Clin­ton quand elle était secré­taire d’État de Barack Oba­ma en 2009. Tout est dit. Effec­ti­ve­ment, nous sommes en guerre éco­no­mique et je crois que les classes diri­geantes fran­çaises ne l’ont pas très bien compris.Comment cette guerre éco­no­mique se mani­feste ? De plu­sieurs façons, et notam­ment par le moyen de l’extraterritorialité du droit américain.

Les Amé­ri­cains règnent par le droit. Ils ont déve­lop­pé au cours des décen­nies pas­sées un ensemble de lois qu’ils veulent appli­quer au monde entier. La pre­mière fut une loi anti­cor­rup­tion, le FCPA (Forei­gn Cor­rupt Prac­tices Act) ; ensuite le FATCA (Forei­gn Account Tax Com­pliance Act) qui, depuis 2014, oblige toutes les banques euro­péennes et occi­den­tales à four­nir des ren­sei­gne­ments sur les citoyens amé­ri­cains, et même les bina­tio­naux fran­co-amé­ri­cains, qui sont obli­gés de décla­rer leurs reve­nus au fisc amé­ri­cain, et les banques fran­çaises sont tenues de don­ner ces ren­sei­gne­ments au fisc amé­ri­cain. Pro­gres­si­ve­ment, ils ont tis­sé une toile juri­dique qui fait qu’ils peuvent obli­ger les entre­prises à res­pec­ter leurs embar­gos sous peine d’amende, à notre époque où il est deve­nu très facile de tra­cer les mou­ve­ments financiers.

Avant Alstom, Alcatel

Les mul­ti­na­tio­nales fran­çaises sont obli­gées de pas­ser par le mar­ché amé­ri­cain à quelque moment que ce soit. Ces lois amé­ri­caines ont fixé un cadre juri­dique qui oblige les entre­prises à accep­ter les lois amé­ri­caines. On a enten­du par­ler de l’affaire Alstom, mais Alstom n’est pas un cas par­ti­cu­lier. Cela avait com­men­cé avant avec Alca­tel qui était l’autre branche d’Alstom. Aujourd’hui Alca­tel rache­té par Nokia n’est plus grand-chose. Alca­tel-Alstom était le fleu­ron de l’industrie fran­çaise il y a trente ans. Ils avaient une branche télé­com et une branche éner­gie, et quelques autres branches dont les Chan­tiers de l’Atlantique. Alca­tel était lea­der mon­dial sur le mar­ché des télé­com­mu­ni­ca­tions, avec 15 % du mar­ché mon­dial. Les Fran­çais étaient en avance en matière de télé­com­mu­ni­ca­tions dans les cen­traux numé­riques, le début du numé­rique, le tout électronique.

Mais Alca­tel, mal géré par le pré­sident de l’époque, a été obli­gé de fusion­ner avec un groupe amé­ri­cain qui s’appelle Lucent. Pour­quoi ont-ils été obli­gés de faire cette fusion ? En 2004, Alca­tel, pour empor­ter un mar­ché sur le Hon­du­ras et le Cos­ta Rica, a fait ce qui se fai­sait cou­ram­ment, en « arro­sant » le pré­sident du Cos­ta Rica et un ou deux hauts fonc­tion­naires. Il y a eu un chan­ge­ment de régime au Cos­ta Rica, les oppo­sants ont res­sor­ti cette affaire, les Amé­ri­cains s’en sont sai­sis et le DoJ a enga­gé une pro­cé­dure contre Alca­tel. Quand vous avez une pro­cé­dure de ce type contre une entre­prise, c’est un enfer. Vous êtes sou­mis à une pres­sion per­ma­nente, les diri­geants prennent le risque de ne plus pou­voir voya­ger, la pres­sion s’accumule et au bout du compte, Alca­tel a fusion­né avec Lucent.

Natu­rel­le­ment, on nous pré­sente tou­jours les fusions comme des fusions entre égaux : c’est faux. Ça n’existe pas, il y en a tou­jours un qui domine l’autre. Alca­tel a été pro­gres­si­ve­ment absor­bé par Lucent, qui était en grande dif­fi­cul­té, on a pillé les bre­vets d’Alcatel qui a dis­pa­ru en tant qu’acteur éco­no­mique. Ils ont été condam­nés à ver­ser 137 mil­lions de dol­lars et sur­tout à avoir un moni­teur dans leurs locaux.

La litanie française des victimes du DoJ

Quand vous êtes condam­nés par la jus­tice amé­ri­caine, vous êtes géné­ra­le­ment obli­gés d’accueillir un moni­teur amé­ri­cain, de le payer ain­si que toutes ses équipes et de don­ner tous vos ren­sei­gne­ments aux États-Unis pour mon­trer que vous res­pec­tez bien les règles du set­tle­ment (du juge­ment) et que vous faites une bonne com­pliance. BNP Pari­bas a été condam­née à ver­ser une amende de 9 mil­liards de dol­lars par les Amé­ri­cains, sans réac­tion du gou­ver­ne­ment français.

Puis pen­dant trois ans, elle a été obli­gée de finan­cer ce moni­teur et de don­ner toutes les don­nées exi­gées par les Amé­ri­cains. Les don­nées des clients de BNPP sont cer­tai­ne­ment par­ties aux États-Unis. C’est un pillage des don­nées. Les grandes entre­prises ne veulent pas enga­ger des bras de fer avec les Amé­ri­cains. Total et PSA se sont reti­rés d’Iran car ils ne veulent pas se mettre à dos les Amé­ri­cains. Est-ce que les entre­prises sont patriotes ? L’actionnariat du CAC 40 est à 50 % anglo-saxon.

“On nous présente toujours
les fusions comme
des fusions entre égaux :
c’est faux.

L’ami américain

Arnaud Mon­te­bourg avait deman­dé à la DGSE ce que la France pou­vait faire pour se défendre dans l’affaire Alstom. Réponse du patron de la DGSE : on n’enquête pas sur nos alliés. C’est le fond du pro­blème. Depuis la fin de la guerre froide, on consi­dère que nous avons des alliés qui sont les Amé­ri­cains, des amis qui sont les Alle­mands et nos par­te­naires euro­péens et on vit dans un monde de Bisou­nours. La DGSE, sur les ques­tions du ter­ro­risme, est très au point. Sur l’intelligence éco­no­mique, il n’y a plus rien depuis 1991 parce qu’on n’enquête pas sur nos alliés. Or les Amé­ri­cains ne sont pas nos alliés, ils sont nos concur­rents, ils jouent leur jeu et défendent leurs intérêts.

Aujourd’hui, les outrances de Trump masquent la réa­li­té. Car le rou­leau com­pres­seur amé­ri­cain n’a pas été mis en place par Trump. Lui-même est en butte au Deep State, à l’hostilité de l’establishment amé­ri­cain. L’affaire Alstom s’est pas­sée sous Barack Oba­ma. C’est une stra­té­gie déli­bé­rée que les Euro­péens ne veulent pas voir parce que les pays de l’Est sont obsé­dés par la Rus­sie qui est leur enne­mi : ils ont donc besoin du para­pluie ato­mique amé­ri­cain. Les Alle­mands, pour des rai­sons his­to­riques ne veulent pas d’armée, ce qui leur per­met d’avoir le pou­voir éco­no­mique. Nous, nous avons l’idée d’une Europe puis­sance, idée reprise par Emma­nuel Macron, qui est iso­lé sur ce sujet en Europe. Par rap­port à la Rus­sie, notre inté­rêt est de ne pas lais­ser par­tir la Rus­sie vers la Chine. Le géné­ral de Gaulle vou­lait que la France ait de bonnes rela­tions avec la Rus­sie, tout en étant clair.

Une perte colossale de souveraineté

Fré­dé­ric Pie­ruc­ci : Vous connais­sez El Cha­po ? Eh bien, il y a un peu plus d’un an, j’étais dans la même pri­son de haute sécu­ri­té que lui à Man­hat­tan. Lui était à l’étage au-des­sus et moi, je déjeu­nais tous les jours avec son ban­quier et son tueur à gages. Son tueur à gages, 139 morts au comp­teur ; son ban­quier, un peu plus sympa.

(Vous retrou­ve­rez l’inter­view de Fré­dé­ric Pie­ruc­ci qui raconte son incar­cé­ra­tion aux États-Unis au moment de l’affaire Alstom). 

Après le déman­tè­le­ment d’Alstom en 2014, la branche éner­gie a été ven­due à GE, nous avons per­du l’indépendance éner­gé­tique que nous avions mis cin­quante ans à bâtir. Désor­mais les Amé­ri­cains ont la pos­si­bi­li­té de plon­ger la France dans le noir en cas de ten­sion. Nous avions bâti une indé­pen­dance éner­gé­tique décar­bo­née avec le nucléaire et l’hydraulique, nous avions un prix de l’énergie le plus bas d’Europe ce qui était un atout pour nos entre­prises et on est en train de cas­ser tout ça.

La toute-puissance juridique américaine

Com­ment en est-on arri­vé là ? Les États-Unis ont uti­li­sé le droit comme guerre éco­no­mique depuis une quin­zaine d’années. Le FCPA est pour moi la bombe ato­mique éco­no­mique, la pos­si­bi­li­té pour les auto­ri­tés amé­ri­caines de pour­suivre toute entre­prise ou toute per­sonne pour des faits de cor­rup­tion. Pour évi­ter de péna­li­ser les entre­prises amé­ri­caines, un direc­teur juri­dique de GE a fait pres­sion sur le Congrès pour rendre cette loi extra­ter­ri­to­riale. Depuis 1998, le FCPA s’applique à toutes les entre­prises dans le monde à par­tir du moment où il y a un rat­ta­che­ment ter­ri­to­rial aux États-Unis, rap­pro­che­ment qui peut être infime.

Le sys­tème Swift en dol­lars repré­sente 70 % des tran­sac­tions dans le monde et consti­tue un rat­ta­che­ment ter­ri­to­rial avec les États-Unis. Et depuis le mois de juin 2019, il a été déci­dé qu’une entre­prise, à par­tir du moment où elle a un impact éco­no­mique sur les États-Unis, tombe sous juri­dic­tion amé­ri­caine. Impos­sible de faire plus vaste ! Avec cette loi, ils veulent régir le com­merce mon­dial. Ils ont aus­si pesé sur les pays membres de l’OCDE pour qu’ils luttent contre la cor­rup­tion dans leur légis­la­tion propre.

Au service secret des entreprises

À la fin de la guerre froide, les ser­vices de ren­sei­gne­ments amé­ri­cains se retrouvent débar­ras­sés de l’ennemi com­mu­niste. Bill Clin­ton va choi­sir de réorien­ter toutes les agences de ren­sei­gne­ments sur le ren­sei­gne­ment éco­no­mique. Jusqu’à main­te­nant, les agences amé­ri­caines de ren­sei­gne­ment passent 70 % de leur temps sur le ren­sei­gne­ments éco­no­mique, tan­dis qu’au même moment la France uti­lise 95 % de son ren­sei­gne­ment sur l’anti­terrorisme. Il existe une grande asy­mé­trie de moyens.

Avec la mise en place de ce trip­tyque (extra­ter­ri­to­ria­li­té, ren­sei­gne­ment éco­no­mique de grande échelle et conven­tion de l’OCDE), les États-Unis ont com­men­cé à appli­quer leurs lois anti­cor­rup­tion depuis 2005, prin­ci­pa­le­ment à l’encontre des entre­prises euro­péennes. Trente entre­prises ont payé plus de 100 mil­lions de dol­lars d’amende, 80 % sont non amé­ri­caines, 60 % sont euro­péennes, c’est-à-dire fran­çaises, anglaises (Bri­tish Aeros­pace) et alle­mandes, un peu ita­liennes. 6 entre­prises du CAC 40 en ont été les vic­times (Tech­nip, Alca­tel, Total…). À peu près autant d’entreprises sont sous enquête dont Air­bus, Veo­lia, Sano­fi… Depuis 2010, les entre­prises fran­çaises ont payé 14 mil­liards de dol­lars au Tré­sor amé­ri­cain. Ce n’est que le début.

Un dépeçage en règle des cibles commerciales

Après l’amende, l’entreprise est tota­le­ment désta­bi­li­sée. Le mana­ge­ment ne gère plus l’entreprise mais se pré­oc­cupe de sau­ver sa peau ; les frais de défense sont exor­bi­tants ; la répu­ta­tion de l’entreprise est sévè­re­ment enta­chée car tout est ren­du public. Les clients se retirent, les banques prêtent moins ou à taux plus éle­vés donc avec un coût du capi­tal qui aug­mente, le cours de Bourse s’effondre ; des action­naires de réfé­rence se retirent. Puis le DoJ impose de ren­voyer toutes les équipes com­mer­ciales. Après cette attaque, l’entreprise est très affai­blie et devient une proie facile.

Tous les coups sont permis

Les États-Unis imposent des lois tous les ans. Récem­ment, le Cloud Act : tout ce qui est sur le cloud peut être four­ni à un pro­cu­reur amé­ri­cain pour des ques­tions d’enquête. Ils ont léga­li­sé l’espionnage éco­no­mique dénon­cé par Snow­den. Ils outre­passent la coopé­ra­tion inter­na­tio­nale, la coopé­ra­tion d’état à état et le RGPD, sans que per­sonne ne réagisse. Avec les États-Unis, il n’y a que le rap­port de force qui fonc­tionne. La France est le seul pays d’Europe qui essaie de contrer l’espionnage éco­no­mique amé­ri­cain. Pour­quoi les entre­prises fran­çaises ne font rien ? Parce qu’elles risquent l’exclusion du mar­ché amé­ri­cain. Pour­quoi n’y a‑t-il pas de réci­pro­ci­té de notre côté ? Parce que les mar­chés sont natio­naux et que ça ne fait rien aux États-Unis d’être exclus du mar­ché d’un seul pays.

Si une entre­prise amé­ri­caine pour­sui­vie en Europe dans un pays euro­péen était exclue de tous les mar­chés euro­péens, là nous aurions du poids. Nous sommes tous à l’école de l’économie de mar­ché. Mais qui applique l’économie de mar­ché ? Ce sont les Euro­péens, pas les Amé­ri­cains ni les Chi­nois. Celui qui gagne le mar­ché, c’est celui qui a l’information, pas celui qui a le meilleur pro­duit ou la meilleure tech­no­lo­gie. J’ai fait un MBA à Colum­bia, on n’y explique pas l’économie de mar­ché « clas­sique ». Les Euro­péens sont les bons élèves de pro­fes­seurs qui n’appliquent pas leurs propres règles.


Bibliographie

Glenn Green­wald, No place to hide, Pen­guin, 2014. Nulle part où se cacher, Édi­tions JC Lat­tès, 2015.

Edward Snow­den, Mémoires vives, Édi­tions du Seuil, 2019.

Jean-Michel Qua­tre­point, Alstom, scan­dale d’É­tat, Fayard, 2015.

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