Expérience de modification génétique

Éthique et nouvelles techniques de réécriture du génome

Dossier : BiotechnologiesMagazine N°726 Juin 2017
Par Mathilde KOCH (12)

Depuis des mil­lé­naires, on a pra­ti­qué une sélec­tion géné­tique pour amé­lio­rer les plantes. Les tech­niques ont évo­lué et der­niè­re­ment CRIS­PR-Cas9 est une stra­té­gie de réécri­ture géné­tique qui per­met de modi­fier, au nucléo­tide près, une séquence géné­tique choi­sie. Chez l’homme un réel débat de socié­té est posé. Peut-on auto­ri­ser d’éventuelles modi­fi­ca­tions géné­tiques de l’embryon humain à visées thérapeutiques ? 

Commen­çons par un constat simple : les hommes ont tou­jours sélec­tion­né les meilleures plantes de leurs champs pour un ense­men­ce­ment futur, fai­sant ain­si de fait de la sélec­tion géné­tique. Il suf­fit de voir à quoi res­sem­blaient le melon ou le maïs ori­gi­nels pour se convaincre des bien­faits de cette sélection. 

REPÈRES

CRISPR-Cas9 est une stratégie de réécriture génétique, découverte chez les bactéries, qui permet de modifier, au nucléotide près, la séquence génétique choisie.
Cette technique est le copier-coller génétique idéal, facile d’utilisation, minimisant les modifications involontaires du génome induites par les techniques existantes, et a été utilisée chez les bactéries, les plantes, les animaux ou encore l’homme.
Elle donne donc à l’humanité un pouvoir immense et inédit sur la vie qui l’entoure.

LA RÉÉCRITURE DU GÉNOME CHEZ LES PLANTES

Au XIXe siècle, des tech­niques d’hybridation plus per­for­mantes virent le jour, per­met­tant d’insérer un gène d’intérêt d’une espèce don­née dans une autre espèce, lors de croi­se­ments et de sélec­tion de plantes sur plu­sieurs générations. 

À par­tir du milieu du XXe siècle, de nou­velles tech­niques appa­raissent : muta­gé­nèse diri­gée, muta­gé­nèse aléa­toire par rayons gam­ma, transgénèse… 

“ La réflexion devrait porter sur le choix des critères pour la réglementation ”

En France, contrai­re­ment à d’autres pays, les plantes sont clas­si­fiées OGM en fonc­tion de la tech­nique uti­li­sée pour les muter et non de leurs carac­té­ris­tiques finales : une plante mutée aléa­toi­re­ment par irra­dia­tion ne sera pas clas­sée OGM, tan­dis qu’une plante soi­gneu­se­ment modi­fiée uni­que­ment pour le gène d’intérêt, comme, par exemple, un gène de résis­tance à un patho­gène déjà pré­sent chez une espèce proche, le sera. 

Ain­si, la vraie ques­tion sur l’utilisation de CRIS­PR-Cas9 chez les plantes n’est pas leur modi­fi­ca­tion éven­tuelle : cette tech­nique per­met de modi­fier avec moins d’effets secon­daires, de façon plus éco­no­mique et plus rapide que toutes les autres tech­niques sur le marché. 

La réflexion devrait por­ter sur le choix des cri­tères pour la régle­men­ta­tion : l’utilité de la modi­fi­ca­tion géné­tique sur le pro­duit final (résis­tance à la séche­resse, à un patho­gène, meilleur goût, meilleures qua­li­tés nutri­tives) et ses risques (comes­ti­bi­li­té, risque d’invasion, consé­quences inat­ten­dues de la modi­fi­ca­tion du gène sur d’autres carac­té­ris­tiques) et non plus sur la tech­nique utilisée. 

Pour répondre aux défis d’adaptation aux chan­ge­ments envi­ron­ne­men­taux et de sécu­ri­té ali­men­taire, la ques­tion de la régle­men­ta­tion, mais aus­si de la pro­prié­té intel­lec­tuelle et des retom­bées éco­no­miques de ces tech­no­lo­gies, mérite d’être posée dès à présent. 

LA MODIFICATION GÉNÉTIQUE DE L’HOMME

La ques­tion se pose évi­dem­ment de façon radi­ca­le­ment dif­fé­rente chez l’homme et néces­site au plus tôt un réel débat de société. 

FAUT-IL AUTORISER L’EXPÉRIMENTATION SUR EMBRYONS HUMAINS ?

Il est formellement interdit d’effectuer ces modifications sur des embryons humains viables, y compris en Chine où un essai avait défrayé la chronique.
Suite à cet article, certains scientifiques avaient appelé à un moratoire international sur ce type de recherches, mais il semble peu plausible de parvenir à un consensus à cause des pressions exercées par certains acteurs.

En début d’année, l’Académie des sciences amé­ri­caine a publié un rap­port inti­tu­lé Human Genome Edi­ting : Science, Ethics and Gover­nance, auto­ri­sant d’éventuelles modi­fi­ca­tions géné­tiques de l’embryon humain à visées thérapeutiques. 

En effet, trois types de modi­fi­ca­tions peuvent être faites sur l’homme, cha­cune appor­tant son lot de questions. 

Tout d’abord, des modi­fi­ca­tions peuvent être faites sur des cel­lules soma­tiques (non repro­duc­trices), dans la droite lignée des thé­ra­pies géniques, mais à l’aide d’outils plus pré­cis et puissants. 

C’est là que réside le pro­grès pra­tique le plus évident, et les pro­ces­sus de contrôle éthique existent déjà, grâce à l’expérience des thé­ra­pies géniques. 

Des auto­ri­sa­tions sont déjà don­nées (en Grande-Bre­tagne et Chine notam­ment) pour effec­tuer des expé­ri­men­ta­tions, et ces appli­ca­tions ne posent pas de ques­tions éthiques dif­fé­rentes de celles trai­tées lors de l’introduction des thé­ra­pies géniques. 

“ De telles expériences sont extrêmement risquées et irréversibles ”

Un deuxième type de réécri­ture géné­tique sou­lève énor­mé­ment de ques­tions : la modi­fi­ca­tion de cel­lules souches embryon­naires pour la recherche fon­da­men­tale. Aucune demande n’a pour l’instant été dépo­sée en France sur ce sujet, mais des essais ont été auto­ri­sés en Grande-Bre­tagne pour étu­dier des désordres de la fertilité. 

De nom­breux acteurs sont inté­res­sés par ce débat : des scien­ti­fiques sou­hai­tant pour­suivre leurs recherches, des orga­ni­sa­tions de patients (2 mil­lions de per­sonnes ont une mala­die « rare » en France) ou encore des orga­nismes pri­vés et publics ayant déjà inves­ti des sommes colos­sales dans ces technologies. 

UN NOUVEL EUGÉNISME ?

Enfin, l’autorisation de ces modi­fi­ca­tions pour la recherche fon­da­men­tale est un pas vers des modi­fi­ca­tions de l’embryon à visée reproductive. 


Il est donc urgent d’avoir un vrai débat de socié­té sur la ques­tion de la modi­fi­ca­tion géné­tique de l’être humain, avant que cer­tains patients et scien­ti­fiques ne nous mettent devant le fait accompli.
© DMYTRO SUKHAREVSKYI / FOTOLIA.COM

En effet, le rap­port de l’Académie des sciences amé­ri­caine per­met d’envisager des modi­fi­ca­tions thé­ra­peu­tiques de l’embryon, avec une for­mu­la­tion vague et libre­ment tra­duite : il devient éven­tuel­le­ment auto­ri­sé, quand les consé­quences bio­lo­giques seront com­prises, d’effectuer des « alté­ra­tions pour empê­cher les bébés d’acquérir des gènes connus pour cau­ser des mala­dies et han­di­caps sérieux ». 

Tout d’abord, au vu de nos connais­sances actuelles en bio­lo­gie humaine, de telles expé­riences sont extrê­me­ment ris­quées et irré­ver­sibles, sur des humains encore à naître donc non consentants. 

De plus, il est extrê­me­ment déli­cat de défi­nir ces mala­dies et, une fois les tech­no­lo­gies déve­lop­pées pour des appli­ca­tions thé­ra­peu­tiques, il sera dif­fi­cile d’empêcher cer­tains de pro­cé­der à des « amé­lio­ra­tions » de l’homme.

Il est donc urgent d’avoir un vrai débat de socié­té sur la ques­tion de la modi­fi­ca­tion géné­tique de l’être humain, avant que cer­tains patients et scien­ti­fiques ne nous mettent devant le fait accompli. 

Ain­si, lorsque cette tech­no­lo­gie sera mature, la ques­tion se pose­ra avec une acui­té nou­velle : peut-on, doit-on uti­li­ser ces tech­no­lo­gies pour modi­fier le génome de l’espèce humaine ?

2 Commentaires

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Clairerépondre
12 juillet 2017 à 5 h 40 min

Si à l’o­ri­gine il est

Si à l’o­ri­gine il est inter­dit de faire des essais sur les humains pour­quoi donc mener ces recherches ? Je suis com­plé­te­ment d’ac­cord avec cette inter­dic­tion mais qu’est-ce qui motive ces recherches au fond ? n’est-ce pas de pou­voir l’ap­pli­quer en fin de compte à l’être humain ? Claire de http://www.ouest-balneo.fr

oli­vierrépondre
27 juillet 2017 à 6 h 44 min

L’utilité de la

» l’utilité de la modi­fi­ca­tion géné­tique sur le pro­duit final (résis­tance à la séche­resse, à un patho­gène, meilleur goût, meilleures qua­li­tés nutri­tives) » , c’est quand même fou qu’on dépense de l’argent pour ça alors que le pro­duit a déjà un bon goût natu­rel­le­ment, qu’il a toutes les qua­li­tés nutri­tives dont il faut et pour la séche­resse faut aller enquê­ter prés des indus­triels qui pompent un max 

Oli­vier de http://www.sav-pem.eu

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