Éthique et nouvelles techniques de réécriture du génome
Depuis des millénaires, on a pratiqué une sélection génétique pour améliorer les plantes. Les techniques ont évolué et dernièrement CRISPR-Cas9 est une stratégie de réécriture génétique qui permet de modifier, au nucléotide près, une séquence génétique choisie. Chez l’homme un réel débat de société est posé. Peut-on autoriser d’éventuelles modifications génétiques de l’embryon humain à visées thérapeutiques ?
Commençons par un constat simple : les hommes ont toujours sélectionné les meilleures plantes de leurs champs pour un ensemencement futur, faisant ainsi de fait de la sélection génétique. Il suffit de voir à quoi ressemblaient le melon ou le maïs originels pour se convaincre des bienfaits de cette sélection.
REPÈRES
CRISPR-Cas9 est une stratégie de réécriture génétique, découverte chez les bactéries, qui permet de modifier, au nucléotide près, la séquence génétique choisie.
Cette technique est le copier-coller génétique idéal, facile d’utilisation, minimisant les modifications involontaires du génome induites par les techniques existantes, et a été utilisée chez les bactéries, les plantes, les animaux ou encore l’homme.
Elle donne donc à l’humanité un pouvoir immense et inédit sur la vie qui l’entoure.
LA RÉÉCRITURE DU GÉNOME CHEZ LES PLANTES
Au XIXe siècle, des techniques d’hybridation plus performantes virent le jour, permettant d’insérer un gène d’intérêt d’une espèce donnée dans une autre espèce, lors de croisements et de sélection de plantes sur plusieurs générations.
À partir du milieu du XXe siècle, de nouvelles techniques apparaissent : mutagénèse dirigée, mutagénèse aléatoire par rayons gamma, transgénèse…
“ La réflexion devrait porter sur le choix des critères pour la réglementation ”
En France, contrairement à d’autres pays, les plantes sont classifiées OGM en fonction de la technique utilisée pour les muter et non de leurs caractéristiques finales : une plante mutée aléatoirement par irradiation ne sera pas classée OGM, tandis qu’une plante soigneusement modifiée uniquement pour le gène d’intérêt, comme, par exemple, un gène de résistance à un pathogène déjà présent chez une espèce proche, le sera.
Ainsi, la vraie question sur l’utilisation de CRISPR-Cas9 chez les plantes n’est pas leur modification éventuelle : cette technique permet de modifier avec moins d’effets secondaires, de façon plus économique et plus rapide que toutes les autres techniques sur le marché.
La réflexion devrait porter sur le choix des critères pour la réglementation : l’utilité de la modification génétique sur le produit final (résistance à la sécheresse, à un pathogène, meilleur goût, meilleures qualités nutritives) et ses risques (comestibilité, risque d’invasion, conséquences inattendues de la modification du gène sur d’autres caractéristiques) et non plus sur la technique utilisée.
Pour répondre aux défis d’adaptation aux changements environnementaux et de sécurité alimentaire, la question de la réglementation, mais aussi de la propriété intellectuelle et des retombées économiques de ces technologies, mérite d’être posée dès à présent.
LA MODIFICATION GÉNÉTIQUE DE L’HOMME
La question se pose évidemment de façon radicalement différente chez l’homme et nécessite au plus tôt un réel débat de société.
FAUT-IL AUTORISER L’EXPÉRIMENTATION SUR EMBRYONS HUMAINS ?
Il est formellement interdit d’effectuer ces modifications sur des embryons humains viables, y compris en Chine où un essai avait défrayé la chronique.
Suite à cet article, certains scientifiques avaient appelé à un moratoire international sur ce type de recherches, mais il semble peu plausible de parvenir à un consensus à cause des pressions exercées par certains acteurs.
En début d’année, l’Académie des sciences américaine a publié un rapport intitulé Human Genome Editing : Science, Ethics and Governance, autorisant d’éventuelles modifications génétiques de l’embryon humain à visées thérapeutiques.
En effet, trois types de modifications peuvent être faites sur l’homme, chacune apportant son lot de questions.
Tout d’abord, des modifications peuvent être faites sur des cellules somatiques (non reproductrices), dans la droite lignée des thérapies géniques, mais à l’aide d’outils plus précis et puissants.
C’est là que réside le progrès pratique le plus évident, et les processus de contrôle éthique existent déjà, grâce à l’expérience des thérapies géniques.
Des autorisations sont déjà données (en Grande-Bretagne et Chine notamment) pour effectuer des expérimentations, et ces applications ne posent pas de questions éthiques différentes de celles traitées lors de l’introduction des thérapies géniques.
“ De telles expériences sont extrêmement risquées et irréversibles ”
Un deuxième type de réécriture génétique soulève énormément de questions : la modification de cellules souches embryonnaires pour la recherche fondamentale. Aucune demande n’a pour l’instant été déposée en France sur ce sujet, mais des essais ont été autorisés en Grande-Bretagne pour étudier des désordres de la fertilité.
De nombreux acteurs sont intéressés par ce débat : des scientifiques souhaitant poursuivre leurs recherches, des organisations de patients (2 millions de personnes ont une maladie « rare » en France) ou encore des organismes privés et publics ayant déjà investi des sommes colossales dans ces technologies.
UN NOUVEL EUGÉNISME ?
Enfin, l’autorisation de ces modifications pour la recherche fondamentale est un pas vers des modifications de l’embryon à visée reproductive.
Il est donc urgent d’avoir un vrai débat de société sur la question de la modification génétique de l’être humain, avant que certains patients et scientifiques ne nous mettent devant le fait accompli.
© DMYTRO SUKHAREVSKYI / FOTOLIA.COM
En effet, le rapport de l’Académie des sciences américaine permet d’envisager des modifications thérapeutiques de l’embryon, avec une formulation vague et librement traduite : il devient éventuellement autorisé, quand les conséquences biologiques seront comprises, d’effectuer des « altérations pour empêcher les bébés d’acquérir des gènes connus pour causer des maladies et handicaps sérieux ».
Tout d’abord, au vu de nos connaissances actuelles en biologie humaine, de telles expériences sont extrêmement risquées et irréversibles, sur des humains encore à naître donc non consentants.
De plus, il est extrêmement délicat de définir ces maladies et, une fois les technologies développées pour des applications thérapeutiques, il sera difficile d’empêcher certains de procéder à des « améliorations » de l’homme.
Il est donc urgent d’avoir un vrai débat de société sur la question de la modification génétique de l’être humain, avant que certains patients et scientifiques ne nous mettent devant le fait accompli.
Ainsi, lorsque cette technologie sera mature, la question se posera avec une acuité nouvelle : peut-on, doit-on utiliser ces technologies pour modifier le génome de l’espèce humaine ?
2 Commentaires
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Si à l’origine il est
Si à l’origine il est interdit de faire des essais sur les humains pourquoi donc mener ces recherches ? Je suis complétement d’accord avec cette interdiction mais qu’est-ce qui motive ces recherches au fond ? n’est-ce pas de pouvoir l’appliquer en fin de compte à l’être humain ? Claire de http://www.ouest-balneo.fr
L’utilité de la
» l’utilité de la modification génétique sur le produit final (résistance à la sécheresse, à un pathogène, meilleur goût, meilleures qualités nutritives) » , c’est quand même fou qu’on dépense de l’argent pour ça alors que le produit a déjà un bon goût naturellement, qu’il a toutes les qualités nutritives dont il faut et pour la sécheresse faut aller enquêter prés des industriels qui pompent un max
Olivier de http://www.sav-pem.eu