Étienne Nodet (X64)

Étienne Nodet (X64) homme de foi et de science

Dossier : TrajectoiresMagazine N°796 Juin 2024
Par Lionel GENTRIC (X95)

Décé­dé le 4 février 2024, le frère Étienne Nodet (X64) fut un émi­nent spé­cia­liste de l’histoire du judaïsme antique. Il a impri­mé une marque déci­sive par ses tra­vaux sur l’historien juif Fla­vius Josèphe. C’était un esprit libre, ori­gi­nal, indé­pen­dant, plein d’humour, pro­fon­dé­ment attachant.

Étienne Nodet est né en 1944 d’un père psy­cha­na­lyste, Charles-Hen­ri Nodet, et de son épouse Isa­belle. Ori­gi­naire de Bourg-en-Bresse, il a fait sa pré­pa au lycée du Parc, à Lyon, avant d’intégrer l’X en 1964. Ses cama­rades témoignent aujourd’hui de sa per­son­na­li­té ori­gi­nale et de son tem­pé­ra­ment indé­pen­dant, dès ses jeunes années. Il pou­vait impres­sionner par sa sta­ture et intri­guer par ses silences. On se sou­vient en par­ti­cu­lier de ses centres d’intérêt, hau­te­ment sin­gu­liers. Ani­mal noc­turne, Étienne avait le goût de l’étude soli­taire, du silence, du compa­gnonnage au long cours avec des auteurs exi­geants. D’un tem­pé­ra­ment aus­tère, il savait aus­si se mon­trer jovial, ave­nant et ser­viable. Pro­fon­dé­ment atta­chant, en fait.

Un goût prononcé pour les Écritures saintes

Dès la sor­tie de l’École, il entre au novi­ciat des frères domi­ni­cains de la pro­vince de Lyon en 1967. À en croire le témoi­gnage de ses cama­rades de casert, la chose n’a pas été une franche sur­prise, même si Étienne s’est mon­tré fort dis­cret à ce sujet. La curio­si­té d’Étienne pour les Écri­tures saintes est ancienne : ses lec­tures d’élève-ingénieur l’avaient déjà atti­sée. Dès 1971, il décroche sa maî­trise de phi­lo­so­phie à l’Université catho­lique de Lyon et enchaîne sur une maî­trise de théo­lo­gie, dans la même université. 

Il n’est pas encore ordon­né quand, en 1974, il va entre­prendre le voyage qui déter­mi­ne­ra toute la suite de son exis­tence : le frère Étienne arrive à Jéru­sa­lem pour un par­cours com­plé­men­taire d’études à l’Université hébraïque de Jéru­sa­lem, où il s’est spé­cia­li­sé dans l’étude du Tal­mud. Pen­dant trois ans, il a vécu dans la mai­son Saint-Isaïe, à Jéru­sa­lem-Ouest : une mai­son fon­dée par les domi­ni­cains de la pro­vince de France, déli­bé­ré­ment sou­cieuse de proxi­mi­té avec le nou­vel État, encore jeune. C’est seule­ment en 1977 qu’il a rejoint, dans Jéru­sa­lem-Est, la véné­rable École biblique et archéo­lo­gique de Jéru­sa­lem, fon­dée en 1890 par le père Lagrange, et le couvent Saint-Étienne qui lui est inti­me­ment lié. En 1983, il est ordon­né prêtre.

Un exégète de Flavius Josèphe

Au fil des années, le frère Étienne est deve­nu un des meilleurs connais­seurs des tra­di­tions juives à l’époque de Jésus. Dans l’histoire, peu de chré­tiens sont entrés comme lui dans la connais­sance intime de la Mish­nah et du Tal­mud. Il maî­tri­sait par­fai­te­ment la langue hébraïque et a don­né plu­sieurs cours à l’École biblique à ce sujet. Il fut aus­si un fin connais­seur du pays : dès son arri­vée à l’Ebaf (l’École biblique et archéo­lo­gique fran­çaise), il a reçu la charge des visites topo­gra­phiques et a sillon­né le pays à bord de sa jeep pour faire décou­vrir les sites archéo­lo­giques et bibliques. 

Le grand ouvrage de sa vie de cher­cheur a été de tra­duire, de contex­tua­li­ser et d’expliquer les Anti­qui­tés juives de Fla­vius Josèphe. Il était convain­cu de la richesse d’une lec­ture com­pa­ra­tive des dif­fé­rentes sources bibliques et de leur récep­tion. Intel­lec­tuel assu­ré­ment, le frère Étienne n’en était pas moins prêtre et homme de foi. Très atten­tif aux per­sonnes, il a été un accom­pa­gna­teur et un confes­seur recher­ché. Les deux aspects de sa vie n’étaient pas dis­so­ciés. Il disait : « Je lis l’Écriture dans la foi. »

Étienne Nodet est mort le 4 février 2024 au couvent Saint-Étienne, à Jéru­sa­lem. Bien­tôt paraî­tra, aux Édi­tions du Cerf, une nou­velle édi­tion rema­niée de son livre Le Fils de Dieu. Pro­cès de Jésus et Évan­giles, dont le frère Étienne a livré le manus­crit quelques semaines avant la crise car­diaque qui l’a empor­té. La publi­ca­tion de ce livre sera une manière pour nous d’honorer la mémoire de ce cher­cheur infa­ti­gable et de ce très grand frère. 

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