Étienne Renaud (56)
Mille et un talents
« Étienne n’a pas fini de nous étonner », écrit le père Raphaël qui travaillait avec lui. Les amis d’enfance évoquent des signes annonciateurs d’un destin hors limites : une acuité visuelle de Sioux, une capacité d’écrire des deux mains et dans les deux sens, une rapidité et une habileté confondantes en dessin.
Nous pensions notre ami indestructible, il alliait la force à la grâce et était revenu de situations « limites », sortant ainsi dans un éclat de rire d’un fleuve infesté de crocodiles.
Entré à l’X dans les dix premiers, Étienne y approfondit sa vocation religieuse tout en réjouissant ses camarades avec l’aide de ses compères de la Khomiss par des facéties demeurées célèbres. Ainsi du largage de souris blanches parachutistes du haut de la verrière de l’amphithéâtre où se donnait un cours de mécanique rationnelle.
Religion, relier et relire
C’est peut-être de son service militaire accompli dans l’Aurès que date sa vocation vers l’Afrique. Si Étienne a occupé plusieurs postes au sein de la Société des missionnaires d’Afrique (Pères blancs), dont il sera le supérieur général pendant six ans, après avoir dirigé l’Institut pontifical d’études arabes et islamiques, cela ne peut rendre compte de tous les fils tissés, de toutes les amitiés fortes que sa présence a partout suscitées.
En quête d’un dialogue entre musulmans et chrétiens
La quête d’un dialogue entre musulmans et chrétiens apparaît comme un axe de sa trajectoire. Au début de son ministère, après un premier séjour en Tunisie, Étienne est envoyé au Yémen, pays encore très fermé. Il est le premier prêtre à y résider depuis des siècles. Il noue des liens, il guide les passionnés d’architecture yéménite ; il travaille dans la compagnie électrique de Sanaa et y ouvrira un centre de formation de techniciens.
Mais il loge aussi dans une maison musulmane, et le respect mutuel est tel que c’est à lui que le chef de famille confie sa maisonnée avant de partir pour La Mecque.
Habité par un Autre
Sa connaissance de l’Islam sera utile au moment des controverses et des incompréhensions qui marqueront le début du XXIe siècle. Depuis cinq ans, il était revenu à la base dans sa petite paroisse de Saint-Antoine, dans le nord de Marseille, jouxtant une mosquée importante.
Une présence d’esprit lumineuse
En 2002, sur un marché africain, Étienne et un ami sont suivis par un imposant personnage barbu. Étienne se retourne, son ami l’imite. Surpris, l’homme s’arrête pour entendre une sorte de chant simple et vigoureux à son adresse. Ce doit être fort et passionnant car il se précipite pour une accolade fraternelle. « C’était tout simple, explique Étienne. Je lui ai rappelé la sourate qui prescrit au croyant : Mon Frère, ne considère pas seulement la face de l’étranger devant Toi, mais pense d’abord à l’âme qu’Allah lui a donnée comme à Toi. »
Il reprendra l’idée d’un dialogue possible sans naïveté ni optimisme béat et sera chargé du dialogue entre chrétiens et musulmans. C’est de ce respect que témoigne l’hommage rendu par l’imam voisin lors de la messe de ses funérailles.
Étienne n’a cherché ni la conversion ni la controverse, mais la fraternité. La variété de ses responsabilités : professeur, écrivain public, aumônier, supérieur général, ingénieur, la variété des pays où il a vécu et rayonné ne suffisent pas à expliquer le caractère radical d’une rencontre avec lui.
Même pour ses compagnons de Saint-Antoine, il y avait une part mystérieuse chez lui, que Simone Weil appelait la grâce et que nos pesanteurs devinent sans trop oser s’en approcher.
Commentaire
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encore un missaire…
et en robe, en plus !
qui osera dire que les missaires sont misogynes ?