Étymologie :
50 ans de féminisation de l’École
Les étudiantes sont entrées à l’X en 1972 avec une première féminisation, celle de leur nom, les polytechniciennes. Heureusement, on n’a jamais nommé ainsi la femme du polytechnicien, comme il y eut la générale, la maréchale… et même l’étudiante qui, selon le TLF, était au XIXe siècle l’amie de l’étudiant, encore dans un écrit de Mérimée de 1870, un an avant la première licence universitaire accordée à une femme en France ! un siècle avant la première polytechnicienne. Une lente féminisation des études supérieures, que l’étymologie ne favorisait pas.
La femme en tant que telle, et même en majesté
La racine indo-européenne notée *gwenā se retrouve dans le nom de la femme en grec, gunê, gunaikos (d’où l’élément gynéco- en français), dans des langues scandinaves comme en suédois kvinna, ainsi que dans la plupart des langues slaves comme en russe ženŝina et au sens d’épouse en russe žena, en polonais źona.
Sans rapport avec la racine indo-européenne *génō « engendrer », cette racine *gwenā désigne donc la femme en tant que telle. Elle se retrouve même, par le vieil anglais cwēn, dans le nom de la reine en anglais, queen, qui n’est donc pas le féminin de king. Alors que dans presque toutes les langues le nom de la reine est le féminin de celui du roi, en anglais, la reine est la femme par excellence et la femme se dit autrement, woman.
La femme et l’homme, ou la femme et son mari
Selon les cas, on emploie, ou pas, le même mot (comme en français) pour désigner la femme en général et la femme ou l’épouse du mari. Ainsi, en anglais, on a woman et wife « épouse ». Toutefois, la différence n’est qu’apparente car l’élément wo- de woman est une évolution de wife.
En allemand, on trouve das Weib, équivalent, devenu péjoratif, de l’anglais wife, et surtout die Frau, avec les deux sens de femme et d’épouse, issu du féminin d’un nom ancien du maître. L’espagnol mujer ou le portugais mulher prennent aussi les deux sens, du latin mulier « femme, épouse ».
De mulier vient aussi moglie « épouse » en italien, où la femme en général se dit donna, du latin domina, féminin de dominus « maître de maison », de domus « maison ». Ainsi, les divers noms européens de la femme sont souvent liés à la notion d’épouse, mais en français l’étymologie de femme est en rapport avec la maternité.
La femme est l’avenir de l’homme
Le français femme vient du latin femina, qui relève de la racine indo-européenne *dhē- « téter ou allaiter », avec l’initiale *dh- correspondant à des mots grecs en th- et des mots latins en f-. Ainsi, la racine *dhē- se voit en grec thêlê « mamelon », tithênê « nourrice »… et en latin dans de nombreux mots en fe- passés presque tels quels en français, dont femina « femme », femineus « féminin », fetus « enfantement », d’où fœtus, ainsi que fecundus « fécond » et felix « fécond, heureux », felicitas « félicité », felicitare « rendre heureux » d’où féliciter…
Au début du XIXe siècle, le philosophe Charles Fourier a été un précurseur du féminisme, et ce terme même lui est attribué : un mot à contre-étymologie car le féminisme s’oppose à ce que la femme soit réduite à son rôle dans la maternité, mais un mot adopté tout de même par toutes les langues d’Europe, comme en espagnol feminismo, en anglais feminism ou en polonais feminizm.
Épilogue
Quelle que soit l’étymologie, la féminisation de la société devrait être une préoccupation humaniste. Une société plus humaine ne peut que tendre vers plus de parité femme-homme.
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