Étymologie de l'Éducation

Étymologie :
À propos de l’éducation

Dossier : ÉducationMagazine N°801 Janvier 2025
Par Pierre AVENAS (X65)

Les écoles publiques, créées en France à la Révo­lu­tion, ont été rat­ta­chées d’abord à une admi­nis­tra­tion de l’Intérieur, puis à un minis­tère de l’Ins­truc­tion publique à par­tir de 1924, deve­nu le minis­tère de l’Édu­ca­tion natio­nale en 1932. Un sous-secré­ta­riat d’État à la Recherche scien­ti­fique a été créé en 1936 auprès du ministre de l’Éducation natio­nale et cette fonc­tion a évo­lué jusqu’à la créa­tion du minis­tère de l’Ensei­gne­ment supé­rieur et de la Recherche en 1993. Voi­là trois verbes de sens connexes, ins­truire, édu­quer, ensei­gner, mais qu’en est-il étymologiquement ?

Trois origines concrètes indépendantes

Comme obstruer ou construire, le verbe instruire remonte au latin struere, d’abord « dis­po­ser par couches, empi­ler des strates », d’où « assem­bler, édi­fier », au propre ou au figu­ré (cf. Éty­mo­lo­giX de jan­vier 2019 à pro­pos de l’industrie). Avec le pré­fixe in « dans », le latin ins­truere signi­fie donc « assem­bler, insé­rer des élé­ments dans », et au figu­ré « don­ner des élé­ments d’informations », c’est-à-dire ins­truire l’élève, mais aus­si un dos­sier ou une affaire.

Ins­truire l’élève, c’est lui faire apprendre un ensemble de connais­sances, des strates de connais­sances accu­mu­lées cours après cours. Cela sous-entend le rôle pré­émi­nent du maître. Dans divers domaines, les ins­truc­tions, mili­taires par exemple, ne se dis­cutent pas.

Le verbe ensei­gner vient du bas latin insi­gnare, lui-même du latin insi­gnire « signa­ler, dis­tin­guer, dési­gner », for­mé de in et signire « mar­quer d’un signe », de signum « signe ».

Ensei­gner à l’élève, c’est lui signa­ler des connais­sances. Le maître attire l’attention de l’élève, plus en sug­ges­tion qu’en impo­si­tion, et l’élève doit se mon­trer récep­tif et par­ti­ci­pa­tif. Tout évé­ne­ment de la vie cou­rante apporte un enseignement.

Le verbe édu­quer vient du latin edu­care « éle­ver, ins­truire », fré­quen­ta­tif du verbe edu­cere « faire sor­tir, éle­ver », for­mé de ex « hors de » et ducere « tirer, conduire », auquel se relie aus­si le latin dux, ducis « conduc­teur, guide ».

Édu­quer l’élève, c’est le tirer de sa condi­tion ini­tiale, conduire son déve­lop­pe­ment, l’élever. L’éducation est plus ambi­tieuse que l’instruction.

Remarque : le verbe grec pai­da­gô­gein, de pais, pai­dos « enfant » et agô­gos « conduc­teur, guide », de agein « conduire, gui­der », signi­fie « édu­quer les enfants », d’où plus géné­ra­le­ment la péda­go­gie.

Une quatrième origine, plus absolue

Curieu­se­ment peut-être, aucun des verbes ins­truire, ensei­gner, édu­quer, aux­quels s’ajoutent (faire) apprendre, éle­ver…, ne vient du verbe latin, pour­tant très impor­tant dans ce domaine, docere « faire connaître », d’où viennent doc­tus « savant », doc­tor « maître, doc­teur », doci­lis « dis­po­sé à apprendre, docile », docu­men­tum « docu­ment », doc­tri­na « ensei­gne­ment théo­rique, doc­trine » et il y avait même en ancien fran­çais doc­tri­ner « ensei­gner, prê­cher » et doc­tri­neor « ensei­gnant, éru­dit, docteur ».

Or le latin docere se relie à une racine indo-euro­péenne *d‑ek- comme le latin decet « il convient », d’où décent, le latin dis­cere « apprendre », d’où dis­ciple, et le verbe grec dokein « pen­ser, juger bon », doxa « opi­nion, ce à quoi on s’attend », didas­kein « ensei­gner », d’où la didac­tique. Tout ce voca­bu­laire sous-entend que l’enseignement est conforme à ce qui est jugé bon, ortho­doxe, le doc­to­rat étant le grade le plus éle­vé de l’Université.

Épilogue

L’éducation, la plus noble des mis­sions, doit appor­ter l’instruction et s’appuyer sur l’enseignement, avec de la péda­go­gie, mais elle doit évi­ter tout endoctrinement.


En illus­tra­tion : Raphaël, L’É­cole d’A­thènes, fresque, musée du Vatican

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