Étymologie :
À propos de l’éducation
Les écoles publiques, créées en France à la Révolution, ont été rattachées d’abord à une administration de l’Intérieur, puis à un ministère de l’Instruction publique à partir de 1924, devenu le ministère de l’Éducation nationale en 1932. Un sous-secrétariat d’État à la Recherche scientifique a été créé en 1936 auprès du ministre de l’Éducation nationale et cette fonction a évolué jusqu’à la création du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche en 1993. Voilà trois verbes de sens connexes, instruire, éduquer, enseigner, mais qu’en est-il étymologiquement ?
Trois origines concrètes indépendantes
Comme obstruer ou construire, le verbe instruire remonte au latin struere, d’abord « disposer par couches, empiler des strates », d’où « assembler, édifier », au propre ou au figuré (cf. ÉtymologiX de janvier 2019 à propos de l’industrie). Avec le préfixe in « dans », le latin instruere signifie donc « assembler, insérer des éléments dans », et au figuré « donner des éléments d’informations », c’est-à-dire instruire l’élève, mais aussi un dossier ou une affaire.
Instruire l’élève, c’est lui faire apprendre un ensemble de connaissances, des strates de connaissances accumulées cours après cours. Cela sous-entend le rôle prééminent du maître. Dans divers domaines, les instructions, militaires par exemple, ne se discutent pas.
Le verbe enseigner vient du bas latin insignare, lui-même du latin insignire « signaler, distinguer, désigner », formé de in et signire « marquer d’un signe », de signum « signe ».
Enseigner à l’élève, c’est lui signaler des connaissances. Le maître attire l’attention de l’élève, plus en suggestion qu’en imposition, et l’élève doit se montrer réceptif et participatif. Tout événement de la vie courante apporte un enseignement.
Le verbe éduquer vient du latin educare « élever, instruire », fréquentatif du verbe educere « faire sortir, élever », formé de ex « hors de » et ducere « tirer, conduire », auquel se relie aussi le latin dux, ducis « conducteur, guide ».
Éduquer l’élève, c’est le tirer de sa condition initiale, conduire son développement, l’élever. L’éducation est plus ambitieuse que l’instruction.
Remarque : le verbe grec paidagôgein, de pais, paidos « enfant » et agôgos « conducteur, guide », de agein « conduire, guider », signifie « éduquer les enfants », d’où plus généralement la pédagogie.
Une quatrième origine, plus absolue
Curieusement peut-être, aucun des verbes instruire, enseigner, éduquer, auxquels s’ajoutent (faire) apprendre, élever…, ne vient du verbe latin, pourtant très important dans ce domaine, docere « faire connaître », d’où viennent doctus « savant », doctor « maître, docteur », docilis « disposé à apprendre, docile », documentum « document », doctrina « enseignement théorique, doctrine » et il y avait même en ancien français doctriner « enseigner, prêcher » et doctrineor « enseignant, érudit, docteur ».
Or le latin docere se relie à une racine indo-européenne *d‑ek- comme le latin decet « il convient », d’où décent, le latin discere « apprendre », d’où disciple, et le verbe grec dokein « penser, juger bon », doxa « opinion, ce à quoi on s’attend », didaskein « enseigner », d’où la didactique. Tout ce vocabulaire sous-entend que l’enseignement est conforme à ce qui est jugé bon, orthodoxe, le doctorat étant le grade le plus élevé de l’Université.
Épilogue
L’éducation, la plus noble des missions, doit apporter l’instruction et s’appuyer sur l’enseignement, avec de la pédagogie, mais elle doit éviter tout endoctrinement.
En illustration : Raphaël, L’École d’Athènes, fresque, musée du Vatican