Étymologie : À propos de la biodiversité
La diversité du vivant a toujours émerveillé les humains. Buffon écrivait que dans la nature « il ne faut rien voir d’impossible, s’attendre à tout, et supposer que tout ce qui peut être, est ». Alors que la conscience environnementale se développait dans les années 1960, ce concept de diversité de la nature a pris un caractère quantitatif, s’agissant du nombre d’espèces animales et végétales présentes sur Terre, donc de la diversité génétique du règne vivant. C’est ce que le biologiste américain Raymond Dasmann a qualifié en 1968 de biological diversity, « diversité biologique ».
Un mot-valise, et hybride
De l’expression biological diversity on a tiré le mot-valise, biodiversity, attesté en 1985 dans un article de la revue BioScience. Très vite le terme a été utilisé par le biologiste Walter Rosen pour le congrès de 1986 tenu à Washington, The National Forum on BioDiversity, et il a été emprunté alors par les autres langues. Ainsi en français biodiversité est entré dans le Petit Larousse 1994 et dans le Petit Robert 1999.
Les mots biodiversité et biotechnologie (cf. ÉtymologiX de juin-juillet 2017) ont en commun le préfixe bio- qui marque un rapport avec la vie, et avec la biologie. Cependant, biotechnologie vient entièrement du grec alors que, diversité étant d’origine latine, biodiversité est un mot hybride, terme que justement la linguistique a emprunté à la biologie.
Un champ lexical d’une grande diversité, en latin puis en français
La forme archaïque du verbe latin signifiant « tourner, renverser, se tourner (vers), changer » est vortere, forme concurrencée puis supplantée aux environs de 150 avant J.-C. par vertere. Le /o/ archaïque subsiste en français dans vortex, du latin vortex, vertex « tourbillon », vertex étant emprunté aussi dans d’autres sens, comme vertex « sommet », d’où par le latin : vertèbre, vertical, vertige, ou verticille en botanique. De vertere, au passé versum, viennent les adverbes vers, envers (de versum), ainsi que vers, verset (de versus « sillon, ligne (de poésie) ») ou version (de versio « action de changer »).
D’autres dérivés plus nombreux sont préfixés. Ainsi, avec le préfixe di(s) marquant la division, divertere signifie « se séparer, divorcer », et sa forme archaïque, divortere, subsiste en latin classique divortium « divorce, séparation », d’où divorcer. De divertere viennent divertir, divers, ou diversité, du latin diversitas « divergence, différence ». Cette étymologie sous-entend que la diversité provient de séparations, ce qui convient bien à la biodiversité car elle résulte de différenciations qui entraînent une diversification des espèces. À noter que le contraire de diversus est universus « tout entier, dans l’ensemble », d’où par le latin universel, université. La nature est diverse mais obéit à des lois universelles.
Avec d’autres préfixes se forment par le latin les verbes convertir, avertir, pervertir, subvertir, intervertir, ou invertir, dont dérive l’envers, d’où renverser… En outre, le fréquentatif de vertere est versare, au passé versatum, d’où en français verser, versatile ainsi que traverser, inverser, converser, déverser, reverser, controverser ou tergiverser, du latin tergum « dos », tergiversari « tourner le dos, fuir (la décision) ». Au XVIe siècle apparaît enfin bouleverser, composé de bouler, familièrement « renverser », et verser.
Épilogue
Une étonnante diversité lexicale à propos de la diversité, comme un écho à la biodiversité, encore plus étonnante même si, selon Buffon, il faut « s’attendre à tout ».