Étymologie :
À propos de la loi de programmation militaire
Voilà trois mots indépendants, loi, programmation et militaire, qui font l’objet de trois parties distinctes du présent ÉtymologiX.
DVRA LEX SED LEX « la loi est dure mais c’est la loi »
Le mot loi, d’abord lei en ancien français, vient du latin de même sens, lex, legis, par la même évolution phonétique que celle aboutissant à roi à partir du latin rex, regis. On rapproche le latin lex, legis du verbe legere, dont le sens a beaucoup évolué : d’abord « cueillir », d’où « rassembler (ce qu’on a cueilli) », puis « choisir (ce qu’on cueille) », et aussi « lire », car on cueille les mots rassemblés en phrases, et de legere vient finalement lire en français. Le linguiste Benveniste relie bien lex à legere, mais en retenant pour legere le sens de « mettre de côté », lex se comprenant alors comme une « disposition prise pour mettre une chose à part ». C’est bien ce qu’impose la loi en décidant de ce qui est licite et de ce qui ne l’est pas.
Il n’y a pas de racine indo-européenne relative à la loi. Ainsi l’anglais law, malgré les apparences, relève d’une autre origine, la racine norroise *lag- (cf. suédois lag « loi ») à laquelle se relie aussi le verbe to lay « poser », le mot lay « disposition ». La loi selon l’anglais law, c’est ce qui est posé, imposé, c’est un ensemble de dispositions. On a la même idée en allemand, Gesetz « loi », formé sur setzen « asseoir, placer ».
Nota : l’anglais est pratiquement la seule langue européenne qui emploie le même mot, law, à la fois pour la loi (latin lex) et pour le droit, la justice (latin jus, juris).
Un programme, c’est écrit à l’avance
En grec, on trouve le verbe prographein « écrire à l’avance », dont dérive programma, atos traduit par « ordre du jour », et emprunté en latin tardif, programma, atis, attesté dans un codex du VIe siècle, d’où en français programme, programmatique puis, attesté en 1921, programmation.
Le point de départ est le verbe grec graphein « écrire », qui a de nombreuses formes préfixées comme prographein avec pro « en avant » et dont dérive le nom gramma « chose écrite ». En grec en effet, la désinence -ma, -matos sert à former à partir d’un verbe d’action le mot désignant sa réalisation, comme klima « inclinaison » dérivé de klinein « incliner » (cf. climat, climatique dans l’ÉtymologiX de déc. 2018). Dans le cas de graphein, le dérivé devrait être *graph-ma, mais la loi phonétique conduit à l’assimilation du /ph/ à /m/, d’où gramma.
On trouve un bel exemple d’évolution du concret à l’abstrait avec ce verbe graphein dont le sens primitif est « égratigner, écorcher » (à propos d’une blessure dans l’Iliade), d’où les sens « graver (par incision) » puis au figuré « tracer, dessiner, écrire, rédiger », sous-jacents dans une multitude de mots comportant les éléments graph(o)-, -graphe, -graphier, -gramme…
MANV MILITARI « par la force armée »
Le mot militaire n’a de rapport ni avec arme (cf. ÉtymologiX d’avril 2018), ni avec soldat, mot qui vient de l’italien soldato, lui-même de soldo « solde ». Du latin solidus « plein, massif, solide » vient le bas latin soldus désignant une monnaie solide, d’où la solde et le sou.
En réalité, militaire vient du latin militaris « relatif à la guerre », du latin miles, militis « soldat », d’origine inconnue (peut-être étrusque ?).
Épilogue
Le but de cette loi est de garantir le financement de l’effort militaire. Cela ne se voit pas dans l’étymologie de son libellé, alors que l’origine du mot soldat sous-entend que les troupes seront payées, et dans une monnaie solide !