origine étymologique de l'eau

Étymologie :
À propos de l’eau

Dossier : Les politiques publiques de l'eauMagazine N°798 Octobre 2024
Par Pierre AVENAS (X65)

Pour Tha­lès de Milet (VIe siècle av. J.-C.), l’eau était l’élément ini­tial à l’origine de toutes les sub­stances de l’Univers. Puis pour Empé­docle (Ve siècle av. J.-C.), l’eau n’était plus que l’un des quatre élé­ments pre­miers, à côté du feu, de l’air et de la terre, selon la théo­rie qui a été confor­tée au siècle sui­vant par Aris­tote, et qui ne sera remise en cause que vingt-deux siècles plus tard par Lavoi­sier dans son Trai­té élé­men­taire de chi­mie (1789) : depuis lors, l’eau (H2O) est un com­po­sé de deux élé­ments chi­miques, l’hydrogène (H) et l’oxygène (O).

L’eau en tant que matière

La racine indo-euro­péenne *wodōr s’applique à l’eau en géné­ral. Elle est bien visible dans le grec ancien hudôr, dési­gnant l’eau, qu’elle soit de mer, de rivière, de pluie ou autre. Le pré­fixe grec hudro- « rela­tif à l’eau », déjà uti­li­sé en grec, devient hydro- en latin puis en fran­çais, anglais, etc., comme dans le mot hydro­gène (cf. Éty­mo­lo­giX de mai 2024).

La racine *wodōr est visible éga­le­ment dans les langues ger­ma­niques (anglais water, alle­mand Was­ser…) et slaves (presque par­tout voda, comme en polo­nais ou en russe водá).

Le comble c’est qu’en grec moderne l’eau se dit autre­ment, nero, du grec nea­ron hudôr, « eau douce », de nea­ros, « nou­veau » : l’idée est que l’eau douce, étant issue d’une source, est nou­velle (cf. en anglais fresh water « eau douce »).

D’autre part, on connaît bien le latin aqua « eau », mani­fes­te­ment sans rap­port avec *wodōr. Cette racine n’aurait-elle lais­sé aucune trace en latin ? Bien au contraire, elle est visible dans le latin unda, nom poé­tique de l’eau, qui dési­gnait à l’origine l’eau agi­tée de remous, de vagues. De là vient le fran­çais onde, pour l’eau en lan­gage poé­tique, et à l’origine d’une famille de mots : ondée, inon­der (du latin inundare), ondoyer (avec l’eau bap­tis­male), et, dans des sens figu­rés, abon­der, abon­dance (du latin abundare, d’abord « être riche en eau ») et redon­dance (du latin redundare d’abord « débor­der d’eau »). On s’éloigne vrai­ment de l’eau en ne consi­dé­rant que ses vagues, sa sur­face sinueuse, pour ne pas dire sinu­soï­dale : onde prend alors un sens géné­ral en phy­sique, qu’elle soit acous­tique, sis­mique, électro­magnétique, gravitationnelle…

L’eau courante des rivières et des fleuves

Quant au latin aqua, il ne se relie qu’à un mot d’une langue ger­ma­nique ancienne, le gotique ahwa « cours d’eau ». Ce sont des emprunts pro­bables à une langue non indo-euro­péenne. La consonne [k] du latin est ren­for­cée dans le nom de l’eau en ita­lien, acqua, et atté­nuée en espa­gnol, agua, mais en fran­çais l’évolution pho­né­tique est plus radicale.

En effet, du latin aqua vient l’ancien fran­çais egua, puis ewe, pre­nant sur­tout dans l’ouest de la France la forme eve (visible dans le nom de l’évier) et deve­nant ensuite eaue, d’où fina­le­ment, eau. Par ailleurs, dans le Midi, on employait le nom aigue (cf. le pro­ven­çal aigo, « eau »), qui trans­pa­raît dans le nom de l’aigue-marine, une pierre de la cou­leur de l’eau de mer, ain­si que dans une mul­ti­tude de topo­nymes comme Aigues-Mortes, Aigues-Vives, Aigue­belle, à côté des noms comme Aix, Ax venant direc­te­ment d’aqua.

Épilogue

Reve­nons au pré­fixe hydr(o)-. Il est trom­peur car il s’emploie sou­vent en chi­mie dans le sens de « rela­tif à l’hydrogène ». Ain­si l’hydroélec­tri­ci­té est de l’électricité pro­duite avec de l’eau, mais un hydrocar­bure est un com­po­sé de car­bone et d’hydrogène. De même en chi­mie, un hydrate contient de l’eau mais un hydrure contient de l’hydrogène, comme l’eau elle-même, qua­li­fiée plai­sam­ment d’hydrure d’oxygène.

Poster un commentaire