Étymologie :
À propos de l’Europe politique
Dans un premier ÉtymologiX, il s’agissait de l’Europe géographique et de ses origines grecques. Aujourd’hui, l’Europe est surtout une entité politique. Celle-ci a commencé avec la Communauté européenne du charbon et de l’acier en 1952, puis il y eut les Communautés européennes dont la CEE, jusqu’au 1er décembre 2009, date de l’instauration de l’Union européenne, l’UE. Était-ce une bonne idée de passer de communauté à union ? Que peut-on en dire de l’étymologie de l’Europe politique ?
Le mot communauté, une notion complexe et humaniste
On admet l’existence d’une racine indo-européenne *mei- représentant la notion générale d’échange. Cette racine s’est élargie dans plusieurs directions, et a engendré trois arborescences de mots et de notions, qui apparaissent clairement en latin.
D’une part la forme *mei-t- est à l’origine du verbe mutare, d’abord « changer de lieu, (se) déplacer » puis plus largement « changer », devenant en français muter, et dans un sens plus spécialisé, muer. À cette première forme se rattachent aussi le verbe mutuare « emprunter de l’argent, recevoir », et l’adjectif mutuus « emprunté ou prêté », d’où le nom mutuum « emprunt, réciprocité » aboutissant en français à l’adjectif mutuel, aux notions de mutuelle, de mutualité. Une deuxième forme, *mi-g-, est à l’origine du verbe migrare « changer de séjour, déménager », devenant migrer en français, et ses formes préfixées déjà en latin, emigrare « émigrer » et immigrare « immigrer ».
Enfin, il y a l’extension *moi-nos- d’où provient le latin munus (forme archaïque moenus) désignant d’abord une charge que l’on assume, ou la fonction que l’on exerce, comme dans le latin municeps (où -ceps vient de capere « prendre ») désignant « celui qui prend sa charge », au sein du municipe romain qui préfigurait une municipalité. L’obligation d’échange est attachée à la charge et munus désigne aussi ce qui est donné par le titulaire de la charge, d’où le latin munificentia « munificence, générosité » et le verbe munerare « gratifier », et remunerari « rémunérer ». Par ailleurs, à l’opposé de immunis « dispensé de charge », d’où immunité, il y a le latin munis
« remplissant sa charge », associé à cum « ensemble » dans communis « commun », qui conduit à commune, communauté, mais aussi communion, à connotation religieuse, communisme en politique, et surtout communication, le moyen de l’échange entre les parties.
On est frappé par le foisonnement des mots développés déjà en latin, et l’on s’aperçoit que le mot communauté est riche de ses relations à de multiples notions positives.
Le mot union, un concept peut-être trop simple
Le mot union, du latin unio « union, unité », de unus « un », a une étymologie plus évidente, et moins riche car elle exprime d’emblée un état de fait. Un mot peut-être prématuré alors qu’il est si difficile de trouver une unité, une unanimité des points de vue dans l’UE. C’est le rêve des États-Unis d’Europe, à l’image de ceux d’Amérique, qui sont d’ailleurs une fédération. Ce dernier mot vient du latin foederatio, de foedus « alliance », lié lui-même à fides « foi », fiducia « confiance ». Le mot fédération fait peur à certains pour l’Europe, et pourtant la notion d’union est encore plus forte. Pas de fédération sans confiance, mais encore moins d’union.
Épilogue
Il n’est pas facile de réaliser l’union de territoires aussi différents que le sont les régions, lands (die Länder), communautés (las comunidades), provinces, périphéries, comitats ou voïvodies.