Étymologie :
À propos de l’intelligence artificielle
L’expression intelligence artificielle (IA) est apparue vers 1956 aux États-Unis à propos de la simulation par un ordinateur des capacités cognitives d’un être humain. L’étude des réseaux de neurones était déjà en cours à cette date, et s’y ajouteront celles des systèmes experts dans les années 1960 et de l’apprentissage profond aujourd’hui. L’étymologie de la plupart de ces termes fait l’objet de précédents ÉtymologiX, déjà sur l’intelligence artificielle en mars 2018, et sur des sujets connexes comme le numérique, l’ordinateur et la simulation, l’expertise, la cybernétique, la cognition…
L’IA est une intelligence humaine assistée par l’informatique, et ce propos donne l’occasion de s’intéresser au mot informatique, qui englobe tout ce qui précède, ainsi qu’au mot algorithme, qui lui est couramment associé.
L’informatique, le traitement de l’information
L’ingénieur et universitaire allemand Steinbuch, spécialiste des réseaux de neurones, propose avec un confrère en 1956 le mot Informatik et publie en 1957 Informatik : Automatische Informationsverarbeitung, c’est-à-dire « traitement automatique de l’information ». En 1962 sont créées en France la Société d’informatique appliquée et aux États-Unis la société Informatics Inc., dont le fondateur a cherché à garder l’exclusivité du nom, ce qui a contribué à limiter l’usage d’informatics au profit de computer science en anglais.
Dans la plupart des langues, on emploie un mot proche d’informatique, dérivé d’information, non pas au sens abstrait d’un renseignement, mais au sens d’une donnée analogique ou logique, numérisée, formatée dans l’esprit du latin informare « façonner », formare « donner une forme », de forma « moule, forme ». L’élément de base du traitement informatique est l’algorithme.
L’algèbre et l’algorithme
Les savants du monde arabo-musulman ont systématisé l’usage des chiffres, dits arabes, élaborés en Inde vers le VIe siècle (cf. ÉtymologiX d’avril 2020). L’un des plus illustres de ces savants fut l’astronome et mathématicien persan Muhammad ibn Musa Al-Khwarizmi, originaire du Khwarezm, jadis province du Grand Iran.
Al-Khwarizmi est mort en 850 à Bagdad, où il a travaillé au sein de l’emblématique Maison de la sagesse ouverte au début du IXe siècle. Le titre de son traité sur les équations des premier et deuxième degrés est l’Abrégé du calcul par la restauration et la comparaison, où restauration traduit l’arabe al-jabr, de sens général « réparation, remplissage ».
Ce mot s’applique en médecine à l’art de remettre les membres démis, et il s’applique ici au fait de « réparer » une équation en ajoutant le même terme à ses deux membres pour éliminer un terme négatif. Ainsi résout-on une équation du premier degré en passant de x‑a=b à x=b+a. En référence à cette opération primordiale, algèbre vient de l’arabe al-jabr.
L’autre grand traité d’Al-Khwarizmi, perdu en arabe mais transmis en latin, est De numero Indorum, ou À propos de la numération des Indiens. L’importance de ce texte fut telle que du nom d’Al-Khwarizmi vient, par l’ancien espagnol, l’ancien français augorisme, algorisme désignant au XIIIe siècle le calcul au moyen des chiffres arabes, puis au XVIe siècle l’art du calcul en général. La forme algorithme est due sans doute à l’influence du grec arithmos « nombre ».
Épilogue
En 1614, John Napier, dit Neper, a formé, du grec logos « proportion » et arithmos « nombre », le mot logarithmus, une anagramme d’algorithmus : est-ce par hasard ?