Étymologie,
À propos de l’océan
Le mot océan est emprunté au XIIe siècle au latin Oceanus, du grec Ôkeanos, nom de l’une des divinités primordiales de la mythologie grecque, celles qui, dans la nuit des temps, ont participé à la création du monde. Les Grecs en effet connaissaient intimement la mer Méditerranée, mais l’océan n’avait pour eux que l’existence mythique du dieu Océan.
Au moins quatre noms grecs pour la mer
Le nom le plus courant de la mer en grec était thalassa (resté en grec moderne) et la Méditerranée (du latin mediterraneus « au milieu des terres ») était qualifiée de esô thalassa « mer intérieure ». D’autre part, le grec hals, halos désignait au premier sens le sel marin, puis aussi par extension la mer, d’où halieutikos « relatif à la pêche en mer » et l’halieutique. La pleine mer, ou le large, se nommait plus précisément pelagos, d’où pelagikos « vivant au large » (cf. les poissons pélagiques).
Enfin, le nom de la haute mer, du grand large, était pontos (cf. le premier ÉtymologiX, de nov. 2016, à propos des ponts), nom commun devenu aussi un nom propre, Pontos, appliqué à la partie de la Méditerranée située au-delà du Bosphore : les Grecs ont qualifié cette partie de mer de Pontos Axeinos, où axe(i)nos signifie « inhospitalier », puis, comme pour amadouer une mer tumultueuse, Euxeinos, où euxe(i)nos signifie au contraire « accueillant ». De là vient par le latin l’ancien Pont-Euxin, c’est-à-dire la mer Noire actuelle, ainsi nommée autour du XIIIe siècle sous l’influence du byzantin et de l’arabe.
Et l’on en vient à la mythologie car Pontos désignait aussi une divinité primordiale, la personnification des eaux marines, un demi-frère d’Océan.
De la mer à l’océan par la mythologie
La narration la plus complète de la création du monde dans la mythologie grecque se trouve dans La Théogonie d’Hésiode (VIIIe siècle avant J.-C.). À l’origine de tout, Chaos personnifiait le vide primordial, antérieur à la création des éléments du monde (du grec Chaos viennent les mots chaos et gaz, cf. l’ÉtymologiX de mai 2017). Puis vint Gaia (la Terre), qui enfanta Ouranos (le Ciel étoilé), Ourea (les hautes Montagnes) et « aussi la mer inféconde aux furieux gonflements, Pontos, sans l’aide du tendre amour. Mais ensuite, des embrassements d’Ouranos, elle enfanta Océan […] et l’aimable Téthys ». C’est alors qu’Océan, un Titan, et Téthys, la divinité féminine de la mer, ont engendré tous les fleuves terrestres. En effet Océan lui-même était assimilé à un fleuve revenant à sa source, formant un anneau tout autour du disque plat de la Terre et alimentant les milliers de fleuves, comme le Nil notamment, s’écoulant jusqu’à la mer Méditerranée. Les Grecs en effet n’avaient pas d’accès aux océans réels. Ils n’avaient qu’un petit aperçu, au-delà des colonnes d’Hercule (les monts de Gibraltar), d’une mer déjà nommée par Hérodote Atlantis thalassa, c’est-à-dire mer située au-delà des montagnes d’Atlas, le Géant condamné par Zeus à supporter la voûte du ciel. Le nom de l’océan Atlantique est donc doublement grec et mythologique.
Épilogue
On a découvert toute l’étendue du vaste océan progressivement jusqu’au Moyen Âge. L’océan Pacifique fut ainsi nommé par l’explorateur portugais Magellan en 1520, car il y rencontrait des eaux calmes. Le nom de l’océan Indien va de soi. Les océans Arctique et Antarctique ont encore des noms doublement grecs et mythologiques : Zeus a transformé la nymphe Callisto et leur fils Arcas en la Grande et la Petite Ourse, en grec Arktos, de arktos « ours brun », d’où arktikos « au Nord » et antarktikos « à l’opposé du Nord ».
En illustration :
Mosaïque représentant Océan et Téthys © Musée archéologique de Gazantiep, Turquie
Carte du Monde vu par Strabon (vers 23 ap. J.-C) in Encyclopedia Biblica (1903)