Réindustrialisation, compétence, compétitivité, intéressons-nous à l'étymologie des ces mots.

Étymologie : À propos de réindustrialisation

Dossier : RéindustrialisationMagazine N°799 Novembre 2024
Par Pierre AVENAS (X65)

Le mot indus­tria­li­sa­tion, déri­vé d’indus­trie, s’emploie depuis le XIXe siècle et il est pré­sent dans tous les dic­tion­naires. Signe des temps, le mot dés­in­dus­tria­li­sa­tion appa­raît dans l’édition actuelle (la 9e) du Dic­tion­naire de l’Académie fran­çaise. Plus encou­ra­geant peut-être, le Petit Larousse 2014 intro­duit dans ses mots nou­veaux réin­dus­tria­li­sa­tion, témoin de l’importance prise par ce sujet dans l’opinion publique. Le mot indus­trie ayant déjà été étu­dié dans le dos­sier rela­tif à l’industrie du futur (cf. Éty­mo­lo­giX de jan­vier 2019), le pré­sent article por­te­ra sur les mots com­pé­tence et com­pé­ti­ti­vi­té, qui sont les mots clés d’un redé­ploie­ment indus­triel dans la com­pé­ti­tion internationale.

Un verbe latin prolifique

Le point de départ est le verbe latin petere signi­fiant « cher­cher à atteindre (un lieu ou un objec­tif) ». À l’origine, son sens avait une conno­ta­tion de vio­lence, voire d’hostilité, qui appa­raît dans le latin peti­tio « attaque, reven­di­ca­tion », d’où vient péti­tion en fran­çais. La péti­tion de prin­cipe est une affir­ma­tion basée sur un prin­cipe et non pas sur une démonstration.

Ce verbe latin a pris de nom­breuses formes pré­fixées, comme appe­tere (ad + petere) « appro­cher, convoi­ter », d’où vient en fran­çais appé­tit, ou encore impe­tere (in + petere) « atta­quer », d’où vient en fran­çais impé­tueux, ain­si que com­pe­tere (cum + petere) qui inté­resse direc­te­ment cet article.

En effet, le latin com­pe­tere signi­fie « se ren­con­trer (au même endroit) », puis au sens figu­ré « appar­te­nir à (un même ensemble) », c’est-à-dire « conve­nir » et plus rare­ment « cher­cher à atteindre concur­rem­ment (avec d’autres) ». De ce verbe dérivent en latin son par­ti­cipe pré­sent com­pe­tens « qui convient », d’où com­pe­ten­tia « juste rap­port » et les mots com­pe­ti­tio « riva­li­té en jus­tice, can­di­da­ture rivale », com­pe­ti­tor, com­pe­ti­trix « concur­rent, concur­rente ». Ces mots sont pas­sés en fran­çais et en anglais, avec des signi­fi­ca­tions un peu différentes.

Des nombreux emprunts entre le français et l’anglais

Du latin com­pe­tens, com­pe­ten­tia viennent en fran­çais com­pé­tent, com­pé­tence, emprun­tés par l’anglais, com­petent, com­pe­tence.

D’autre part, du latin com­pe­tere vient l’ancien fran­çais com­pé­ter au sens figu­ré du verbe latin, « appar­te­nir à (un même ensemble), conve­nir », et de l’ancien fran­çais vient l’anglais to com­pete, d’abord au même sens de « conve­nir » (en 1545), puis au sens de « cher­cher à atteindre concur­rem­ment (avec d’autres) » (en 1620), sens que n’avait pas l’ancien fran­çais com­pé­ter. À par­tir de là, il s’est pro­duit une diver­gence très nette entre le fran­çais et l’anglais.

L’anglais a conser­vé le verbe to com­pete dans la langue moderne, d’où très tôt ses déri­vés comme com­pe­ti­tion « riva­li­té », puis plus tard com­pe­ti­tive, com­pe­ti­ti­ve­ness.

Au contraire, le fran­çais a aban­don­né com­pé­ter (res­té un terme juri­dique) dans l’usage cou­rant et lui a pré­fé­ré concou­rir (attes­té en 1530), du latin concur­rere (cum + cur­rere « cou­rir »), et ses déri­vés concur­rent, concur­rence, concur­ren­tiel.

Cepen­dant les mots anglais com­pe­ti­tion, com­pe­ti­ti­ve­ness ont pris de l’importance dans les com­mu­ni­ca­tions inter­na­tio­nales, dans le sport, l’éducation ou l’économie, et le fran­çais a fini par les emprun­ter, com­pé­ti­tion (attes­té en 1878), puis com­pé­ti­tif, com­pé­ti­ti­vi­té.

Épilogue

En défi­ni­tive, com­pé­tence, com­pé­ti­ti­vi­té, com­pé­ti­tion sont des mots latins, pas­sés ou pas par l’anglais, mais, quelle que soit la com­pé­ti­tion ou la concur­rence, l’essentiel est de res­ter dans la course – of course !

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