Étymologie : À propos de réindustrialisation
Le mot industrialisation, dérivé d’industrie, s’emploie depuis le XIXe siècle et il est présent dans tous les dictionnaires. Signe des temps, le mot désindustrialisation apparaît dans l’édition actuelle (la 9e) du Dictionnaire de l’Académie française. Plus encourageant peut-être, le Petit Larousse 2014 introduit dans ses mots nouveaux réindustrialisation, témoin de l’importance prise par ce sujet dans l’opinion publique. Le mot industrie ayant déjà été étudié dans le dossier relatif à l’industrie du futur (cf. ÉtymologiX de janvier 2019), le présent article portera sur les mots compétence et compétitivité, qui sont les mots clés d’un redéploiement industriel dans la compétition internationale.
Un verbe latin prolifique
Le point de départ est le verbe latin petere signifiant « chercher à atteindre (un lieu ou un objectif) ». À l’origine, son sens avait une connotation de violence, voire d’hostilité, qui apparaît dans le latin petitio « attaque, revendication », d’où vient pétition en français. La pétition de principe est une affirmation basée sur un principe et non pas sur une démonstration.
Ce verbe latin a pris de nombreuses formes préfixées, comme appetere (ad + petere) « approcher, convoiter », d’où vient en français appétit, ou encore impetere (in + petere) « attaquer », d’où vient en français impétueux, ainsi que competere (cum + petere) qui intéresse directement cet article.
En effet, le latin competere signifie « se rencontrer (au même endroit) », puis au sens figuré « appartenir à (un même ensemble) », c’est-à-dire « convenir » et plus rarement « chercher à atteindre concurremment (avec d’autres) ». De ce verbe dérivent en latin son participe présent competens « qui convient », d’où competentia « juste rapport » et les mots competitio « rivalité en justice, candidature rivale », competitor, competitrix « concurrent, concurrente ». Ces mots sont passés en français et en anglais, avec des significations un peu différentes.
Des nombreux emprunts entre le français et l’anglais
Du latin competens, competentia viennent en français compétent, compétence, empruntés par l’anglais, competent, competence.
D’autre part, du latin competere vient l’ancien français compéter au sens figuré du verbe latin, « appartenir à (un même ensemble), convenir », et de l’ancien français vient l’anglais to compete, d’abord au même sens de « convenir » (en 1545), puis au sens de « chercher à atteindre concurremment (avec d’autres) » (en 1620), sens que n’avait pas l’ancien français compéter. À partir de là, il s’est produit une divergence très nette entre le français et l’anglais.
L’anglais a conservé le verbe to compete dans la langue moderne, d’où très tôt ses dérivés comme competition « rivalité », puis plus tard competitive, competitiveness.
Au contraire, le français a abandonné compéter (resté un terme juridique) dans l’usage courant et lui a préféré concourir (attesté en 1530), du latin concurrere (cum + currere « courir »), et ses dérivés concurrent, concurrence, concurrentiel.
Cependant les mots anglais competition, competitiveness ont pris de l’importance dans les communications internationales, dans le sport, l’éducation ou l’économie, et le français a fini par les emprunter, compétition (attesté en 1878), puis compétitif, compétitivité.
Épilogue
En définitive, compétence, compétitivité, compétition sont des mots latins, passés ou pas par l’anglais, mais, quelle que soit la compétition ou la concurrence, l’essentiel est de rester dans la course – of course !