Étymologie :
À propos des assurances
L’assurance est là pour garantir sûreté et sécurité, des doublets issus du latin securus « exempt de soucis, ne nécessitant pas de soin », lui-même formé de se- « sans » et cura « soin » (d’où aussi curable ou curiosité, cf. ÉtymologiX de mars 2020 à propos de cybersécurité). En ancien français, asseurance signifie « sentiment de sécurité, confiance en soi », dérivant d’asseurer « garantir la sécurité », lui-même issu d’un bas latin supposé *assecurare, formé sur ad « vers » et securus « sûr ». Dans les premières éditions (1694, 1718), le Dictionnaire de l’Académie donnait asseurer, asseurance, mais à partir du XVIIe siècle l’usage s’est déplacé vers assurer, assurance, formes définitives depuis la troisième édition (1740).
L’assurance contre les risques
Dès la deuxième moitié du XVIe siècle, ce mot asseurance, puis assurance, a pris, à côté de son sens usuel, le sens juridique de « contrat de garantie contre certains risques ». Ainsi dans son ouvrage de 1647, Us et coustumes de la mer, Estienne Clairac, jurisconsulte à Bordeaux, écrit : « Asseurance est un contract, par lequel on promet indemnité des choses qui sont transportées d’un pays en autre, specialement par la mer : & ce par le moyen du prix convenu à tant pour cent, entre l’asseuré qui fait, ou fait faire le transport, & l’asseureur qui promet l’indemnité. » Cette définition historique se réfère spécialement au transport maritime, ce qui n’est pas étonnant car, depuis la plus haute antiquité, la navigation en mer est vécue comme l’une des activités humaines les plus périlleuses. Tant l’armateur du navire que le propriétaire de la cargaison courent depuis toujours un risque important et cela se traduit dans l’étymologie, à commencer par celle du mot risque.
Le risque, une référence cachée à la navigation
Le mot risque est un emprunt à l’ancien italien risco (aujourd’hui rischio), issu presque sûrement, comme l’ancien provençal resegue « risque encouru par une marchandise sur mer », d’un bas latin *resecum « ce qui coupe », d’où « rocher escarpé », du latin resecare « couper ». De là vient aussi l’ancien espagnol riesco, aujourd’hui risco « rocher escarpé », d’où « écueil » puis « risque encouru dans la navigation », et de riesco vient l’espagnol riesgo « risque ».
Ainsi, « assurer contre les risques », c’est par excellence « garantir la navigation malgré les écueils », une sorte de métaphore fondée sur les dangers de la navigation, une métaphore parmi beaucoup d’autres inspirées par la pratique du bateau. Ainsi, gouverner, c’est d’abord diriger un bateau au moyen du gouvernail, du latin gubernare, lui-même du grec kubernan, d’où kubernêtikon « art de piloter un bateau » et la cybernétique. De même, l’adjectif opportun vient du latin opportunus, qui s’appliquait d’abord au vent favorable, de ob + portus, « orienté vers le port ». Ainsi les deux mots risque et opportunité concernent d’abord le bateau, l’écueil d’un côté, le vent favorable de l’autre.
Épilogue
On trouve encore une métaphore maritime avec le mot sonde, qui désigne au premier sens, attesté au XVIe siècle, une sorte de fil à plomb servant à mesurer la profondeur de la mer, afin de repérer les hauts-fonds, récifs et autres écueils. Ce mot provient sans doute du vieil anglais et ancien scandinave sund « mer, détroit ».
L’État étant par principe son propre assureur, son gouvernement doit faire appel à des sondages pour repérer les risques et espérer tenir son cap, ou au moins éviter le naufrage, quitte à louvoyer au besoin.