Étymologie : À propos de l’hydrogène
Il suffit de verser de l’acide sulfurique sur de la limaille de fer pour obtenir un dégagement d’hydrogène. Cela ne pouvait pas échapper aux alchimistes dès lors qu’ils ont disposé de cet acide découvert au Xe siècle, et nommé jadis huile de vitriol. Le gaz obtenu est inflammable et se nommait alors air inflammable. Ainsi, le physicien et chimiste anglais Cavendish a isolé ce gaz et le qualifiait en 1784 de « inflammable air from the metals », croyant à tort qu’il provenait du métal.
Un autre gaz, d’abord nommé air vital, avait été extrait de l’air atmosphérique et nommé oxygène en 1777 par Lavoisier, qui a ensuite réussi à décomposer l’eau, ce qu’on pensait impossible, et en a déduit le mot hydrogène.
L’hydrogène, un élément chimique historique de Lavoisier
Dans la seconde édition (1778) de son Dictionnaire de chymie, Macquer écrit : « L’eau paroît une substance inaltérable & indestructible ; du moins jusqu’à présent il n’y a aucune expérience connue, de laquelle on puisse conclure que l’eau peut être décomposée. » Donc en 1778 l’eau est encore l’un des quatre éléments de l’Antiquité, avec la terre, l’air et le feu, selon la doctrine d’Aristote.
Plus pour longtemps, car en 1783 Lavoisier présente à l’Académie un premier rapport sur la décomposition de l’eau en air inflammable et air vital. Il a ensuite obtenu l’eau en recombinant ces deux gaz.
Dans la Méthode de nomenclature chimique, présentée par Lavoisier en 1787, on lit de l’air inflammable qu’« il est le seul qui produise de l’eau par sa combinaison avec l’oxigène. Voilà le caractère que nous avons cru devoir saisir pour en tirer l’expression, non du gaz lui-même qui est déjà un composé, mais du principe plus fixe qui en fait la base, & nous l’avons appellé Hidrogène, c’est-à-dire engendrant l’eau », que Lavoisier écrira hydrogène dès 1789. Ce propos distingue le futur élément chimique hydrogène (H) du gaz lui-même, le dihydrogène (H2), ou hydrogène en langage courant.
Hydrogène… ou plutôt oxygène ?
La Nomenclature de 1787 établit : « L’expression d’oxigène, en la tirant, comme M. Lavoisier l’a dès longtemps proposé, du grec οξυς acide & γέινομαι j’engendre, à cause de la propriété bien constante de ce principe, base de l’air vital, de porter un grand nombre de substances avec lesquelles il s’unit à l’état d’acide, ou plutôt parce qu’il paroît être un principe nécessaire à l’acidité. » Ce propos pose un problème, car si l’oxygène est présent dans les acides sulfurique (H2SO4), nitrique (HNO3), carbonique (H2CO3)… on comprendra plus tard que c’est l’hydrogène qui donne l’acidité, par l’ion H+.
Il n’y a d’ailleurs pas d’oxygène dans les acides chlorhydrique (HCl), sulfhydrique (H2S)… C’est donc l’hydrogène qui aurait dû être nommé oxygène, et de surcroît la masse d’oxygène dans l’eau est très supérieure à celle d’hydrogène. De là à inverser les deux noms, il n’y avait qu’un pas, que personne n’a osé franchir puisque le choix de Lavoisier est suivi dans pratiquement toutes les langues du monde, comme en allemand, Wasserstoff « hydrogène » et Sauerstoff « oxygène », mais pas en chinois, où l’hydrogène se dit qīng (氢 « gaz léger ») et l’oxygène yǎng (氧 « gaz nourricier »).
Épilogue
Si l’on veut justifier un peu mieux le nom hydrogène, on peut noter qu’en français le sens de l’élément -gène est tantôt actif, comme dans fumigène « générant une fumée », tantôt passif comme dans exogène « généré par l’extérieur ». Donc le mot hydrogène peut aussi signifier « généré par l’eau » et c’est le cas par exemple de l’hydrogène décarboné obtenu avec du courant d’origine renouvelable ou nucléaire par électrolyse de l’eau, qui devient alors un minerai d’hydrogène.
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