origine du mot hydrogène

Étymologie : À propos de l’hydrogène

Dossier : HydrogèneMagazine N°795 Mai 2024
Par Pierre AVENAS (X65)

Il suf­fit de ver­ser de l’acide sul­fu­rique sur de la limaille de fer pour obte­nir un déga­ge­ment d’hydrogène. Cela ne pou­vait pas échap­per aux alchi­mistes dès lors qu’ils ont dis­po­sé de cet acide décou­vert au Xe siècle, et nom­mé jadis huile de vitriol. Le gaz obte­nu est inflam­mable et se nom­mait alors air inflam­mable. Ain­si, le phy­si­cien et chi­miste anglais Caven­dish a iso­lé ce gaz et le qua­li­fiait en 1784 de « inflam­mable air from the metals », croyant à tort qu’il pro­ve­nait du métal.

Un autre gaz, d’abord nom­mé air vital, avait été extrait de l’air atmo­sphé­rique et nom­mé oxy­gène en 1777 par Lavoi­sier, qui a ensuite réus­si à décom­po­ser l’eau, ce qu’on pen­sait impos­sible, et en a déduit le mot hydro­gène.

L’hydrogène, un élément chimique historique de Lavoisier

Dans la seconde édi­tion (1778) de son Dic­tion­naire de chy­mie, Mac­quer écrit : « L’eau paroît une sub­stance inal­té­rable & indes­truc­tible ; du moins jusqu’à pré­sent il n’y a aucune expé­rience connue, de laquelle on puisse conclure que l’eau peut être décom­po­sée. » Donc en 1778 l’eau est encore l’un des quatre élé­ments de l’Antiquité, avec la terre, l’air et le feu, selon la doc­trine d’Aristote.

Plus pour long­temps, car en 1783 Lavoi­sier pré­sente à l’Académie un pre­mier rap­port sur la décom­po­si­tion de l’eau en air inflam­mable et air vital. Il a ensuite obte­nu l’eau en recom­bi­nant ces deux gaz.

Dans la Méthode de nomen­cla­ture chi­mique, pré­sen­tée par Lavoi­sier en 1787, on lit de l’air inflam­mable qu’« il est le seul qui pro­duise de l’eau par sa com­bi­nai­son avec l’oxigène. Voi­là le carac­tère que nous avons cru devoir sai­sir pour en tirer l’expression, non du gaz lui-même qui est déjà un com­po­sé, mais du prin­cipe plus fixe qui en fait la base, & nous l’avons appel­lé Hidro­gène, c’est-à-dire engen­drant l’eau », que Lavoi­sier écri­ra hydro­gène dès 1789. Ce pro­pos dis­tingue le futur élé­ment chi­mique hydro­gène (H) du gaz lui-même, le dihy­dro­gène (H2), ou hydro­gène en lan­gage courant.

Hydrogène… ou plutôt oxygène ?

La Nomen­cla­ture de 1787 éta­blit : « L’expression d’oxigène, en la tirant, comme M. Lavoi­sier l’a dès long­temps pro­po­sé, du grec οξυς acide & γέινομαι j’engendre, à cause de la pro­prié­té bien constante de ce prin­cipe, base de l’air vital, de por­ter un grand nombre de sub­stances avec les­quelles il s’unit à l’état d’acide, ou plu­tôt parce qu’il paroît être un prin­cipe néces­saire à l’acidité. » Ce pro­pos pose un pro­blème, car si l’oxygène est pré­sent dans les acides sul­fu­rique (H2SO4), nitrique (HNO3), car­bo­nique (H2CO3)… on com­pren­dra plus tard que c’est l’hydrogène qui donne l’acidité, par l’ion H+.

Il n’y a d’ailleurs pas d’oxygène dans les acides chlor­hy­drique (HCl), sulf­hy­drique (H2S)… C’est donc l’hydrogène qui aurait dû être nom­mé oxy­gène, et de sur­croît la masse d’oxygène dans l’eau est très supé­rieure à celle d’hydrogène. De là à inver­ser les deux noms, il n’y avait qu’un pas, que per­sonne n’a osé fran­chir puisque le choix de Lavoi­sier est sui­vi dans pra­ti­que­ment toutes les langues du monde, comme en alle­mand, Was­sers­toff « hydro­gène » et Sauers­toff « oxy­gène », mais pas en chi­nois, où l’hy­dro­gène se dit qīng (氢 « gaz léger ») et l’oxy­gène yǎng (氧 « gaz nourricier »).

Épilogue

Si l’on veut jus­ti­fier un peu mieux le nom hydro­gène, on peut noter qu’en fran­çais le sens de l’élément -gène est tan­tôt actif, comme dans fumi­gène « géné­rant une fumée », tan­tôt pas­sif comme dans exo­gène « géné­ré par l’extérieur ». Donc le mot hydro­gène peut aus­si signi­fier « géné­ré par l’eau » et c’est le cas par exemple de l’hydro­gène décar­bo­né obte­nu avec du cou­rant d’origine renou­ve­lable ou nucléaire par élec­tro­lyse de l’eau, qui devient alors un mine­rai d’hydrogène.


Lire aus­si : À pro­pos de gaz et tran­si­tion énergétique

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