Étymologie :
À propos de l’Europe
Le nom de l’Europe vient, par le latin Europa, du grec Eurôpê, lui-même d’origine obscure mais souvent associé au même nom, Europe, en grec Eurôpê, d’une héroïne de la mythologie, fille du roi de Tyr. Est-ce justifié ? Hérodote en doutait : « On est sans lumière sur l’origine [du nom de l’Europe…], à moins de dire que ce pays reçut ce nom de la Tyrienne Europe […]. Mais il est certain que cette Europe était originaire d’Asie et qu’elle ne vint jamais dans le pays que les Grecs appellent Europe actuellement », au Ve siècle avant J.-C. En effet, les textes relatifs au nom Europe sont loin d’être unanimes.
Europe, un nom de femme
La mythologie grecque met en scène plusieurs héroïnes du nom d’Europe, dont la plus célèbre, qui fut enlevée par Zeus, est citée dans le Chant XIV de l’Iliade, au IXe-VIIIe siècle avant J.-C. Fille du roi de Tyr, en Phénicie, elle jouait sur une plage lorsque Zeus lui est apparu sous la forme d’un taureau blanc, qui l’a entraînée à travers les flots jusqu’au rivage sud de la Crète. Elle donna naissance à plusieurs fils de Zeus : Sarpédon, Rhadamante et surtout Minos, roi de Crète et fondateur de la civilisation minoenne, marquée par la légende du Minotaure.
Certains dictionnaires relient Eurôpê à l’adjectif eurus « large » et à ôps « œil », une allusion hypothétique aux grands yeux de l’héroïne… Par ailleurs, un lexicographe grec se réfère à un autre adjectif, eurôpos « sombre, noir obscur », et voit dans Eurôpê une divinité préhellénique proche de Déméter, liée à la Terre et au Soleil couchant, ayant le taureau comme attribut, ce qui aurait inspiré la légende grecque.
Europe, un nom géographique
La première attestation du grec Eurôpê en géographie se trouve dans un Hymne homérique de la fin du VIe siècle avant J.-C., où sont évoqués tous les Grecs habitant « le riche Péloponnèse, et l’Europe, et les îles entourées des flots ».
Le terme Eurôpê désignait donc alors la Grèce continentale, située au nord du golfe de Corinthe, en face de la presqu’île du Péloponnèse. Ce mot Eurôpê, supposé dérivé aussi de eurus « large » et de ôps dans le sens cette fois de « ce qu’on voit, l’aspect », pouvait alors désigner un territoire plus large, en effet, que ceux des îles et du Péloponnèse. Ensuite, Eurôpê s’est appliqué à une zone du continent de plus en plus étendue et éloignée de la Grèce.
On se doit de mentionner aussi une autre hypothèse fondée sur les racines sémitiques ereb « le couchant » et assou « le levant », qui auraient influencé la formation des noms de l’Europe et de l’Asie… une hypothèse restée controversée.
Quel rapport entre l’Europe et la mythologie ?
Aucune certitude ne se dégage, ni pour le nom mythologique, ni pour le nom géographique, ni a fortiori pour un rapport entre les deux. Mais on est en droit de se poser une question : le poète, qui a nommé Eurôpê la Grèce continentale, pouvait-il ignorer le nom, plus ancien, de l’héroïne ? Sans doute pas. Il n’a pas cherché en tout cas à distinguer entre les deux noms, et de facto l’Europe géographique porte bel et bien le nom de l’héroïne Europe.
Épilogue
Le nom de l’Europe reste inexpliqué. Il est traditionnel de l’associer à l’héroïne Europe de la légende, même si, pour les Grecs anciens, l’Europe était une région étrangère, extérieure à leur civilisation. Plus tard, l’héritage de la Grèce antique sera une des sources d’inspiration de la civilisation européenne, et il paraît tout naturel aujourd’hui de relier à la mythologie le nom de l’Europe, incluant la Grèce.
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