Étymologie :
À propos du nucléaire
Dans l’énergie nucléaire et le noyau atomique, en anglais nuclear energy et atomic nucleus, en espagnol energía nuclear et núcleo atómico, en allemand Kernenergie et Atomkern, en néogrec purênikê energeia et atomiko purêna, en polonais energia jądrowa et jądro atomowe… le qualificatif de l’énergie dérive du nom du noyau, sauf en français, où nucléaire ne dérive pas de noyau. Ces deux mots ont tout de même une origine commune.
De la noix au noyau
Du latin nux, nucis « noix » dérive en bas latin l’adjectif nucalis « semblable à une noix », qui devient le nom d’un noyau de fruit en général. En effet, la noix écalée, munie de sa coque, est bien le noyau du fruit entier cueilli sur le noyer. Ensuite, du bas latin nucalis vient, avec la chute de la consonne [k], l’ancien français noiel, puis avec changement de suffixe, noyau, qui est donc d’abord celui d’un fruit, avant d’être aussi par analogie celui d’une cellule en biologie, puis d’un atome.
Le latin s’inspire ici du grec ancien, où karuon d’abord « noix » a signifié aussi « noyau », d’où l’élément caryo- en biologie dans les termes relatifs au noyau cellulaire (cf. caryotype).
De la noix au nucléaire
En latin, de nux dérive le diminutif nucleus, pour l’amande de la noix, c’est-à-dire la graine du noyer. De là nucleus désigne par analogie toute amande de noyau, puis toute partie centrale d’une chose, sa partie essentielle. Cela explique qu’en anglais, à côté de stone « pierre, noyau d’un fruit », le latin nucleus est emprunté tel quel pour désigner le noyau d’une cellule, ou d’un atome. De même dans les langues romanes, à côté d’un nom particulier pour le noyau de fruit (cf. en espagnol hueso (= « os »), en italien nocciolo…), le nom du noyau de cellule ou d’atome, núcleo, nucleo… dérive de nucleus, mais pas en français puisque noyau (de fruit) s’applique à la cellule et l’atome.
Enfin, en anglais et dans les langues romanes, y compris le français cette fois, de nucleus dérive l’adjectif (inexistant en latin) nucléaire, nuclear(e)… d’abord en botanique au début du XIXe siècle, puis en biologie et en physique.
Des graines et des pépins plutôt que des noyaux
En allemand, à côté de Stein « pierre, noyau de fruit », Kern désigne une graine, un pépin, ou parfois un petit noyau, puis par analogie le noyau cellulaire, Zellkern et le noyau atomique, Atomkern, d’où Kernenergie « énergie nucléaire ». Ce mot Kern se relie à la racine indo-européenne *gṝnom « graine », visible en latin, granum « graine, pépin », en anglais, corn « grain (de céréale) » ainsi que kernel « amande de noyau, grain », en polonais ziarno « grain ».
En néogrec, à côté de koukoutsi « noyau de fruit », le mot purêna « pépin, graine », du grec ancien puros « grain (de blé) », désigne aussi comme en allemand un noyau de cellule ou d’atome. Ainsi pour nommer le noyau cellulaire ou atomique, on s’inspire des fruits et des graines en grec ou dans les langues romanes et germaniques, mais pas dans les langues slaves.
Par exemple en polonais, sans rapport avec pestka « noyau de fruit » ou ziarno « grain », un noyau de cellule ou d’atome se nomme jądro (cf. jędrny « vigoureux »), de même origine indo-européenne que l’adjectif grec hadros « robuste, fortement développé ».
Épilogue
Enfin existe aussi le noyau d’une fonction mathématique f, nommé en général comme celui d’un atome, sauf en anglais, où il est nommé kernel, d’où sa notation internationale ker (f) dont l’unicité contraste avec la multiplicité des noms de noyaux dans les langues d’Europe.