Europe, ma grande patrie !
Un nouveau Parlement européen est élu. Il devrait se fixer une tâche essentielle : l’enfantement du patriotisme européen. Dans ce continent où les nations se sont entredéchirées, il est admirable que les élites de six pays, devenues vingt-sept par la force de l’exemple, aient pu bâtir ce qui l’a été et garantir ainsi la paix. Mais en 2005, un peu partout, ces élites se sont aperçues que les peuples ne les suivaient plus : l’Europe paraît être une machine, non un être vivant constitué d’hommes et de femmes solidaires. Bref l’Europe n’est pas la « grande patrie » des Européens. Cette situation est risquée car, si le ciment patriotique ne lie pas les peuples entre eux, la peur menacera un jour ou l’autre la pax europeanna.
Le Parlement, dont les pouvoirs ont crû et croîtront encore, devient un rouage essentiel à cet égard. Les parlementaires européens sont en effet les personnes les mieux placées pour faire émerger un sentiment fort d’appartenance au même destin, à la même histoire, à un territoire commun. La tâche me paraît relativement facile, malgré les barrières linguistiques et, pire, les drames historiques entre nos peuples, tant l’Europe est privilégiée par sa géographie et riche, depuis si longtemps, de ses hommes et de ses cultures, tant les moyens techniques ad hoc se sont développés.
Comment pousser nos tout nouveaux parlementaires, à être moins frileux que ne l’ont été leurs prédécesseurs sur ce terrain ? Personnellement je pense ceci : si les élites restent » affectivement défaillantes » à l’égard de l’Europe, les parlementaires éviteront, par peur de paraître naïfs, de parler de » patrie européenne » et les peuples continueront à confondre l’Union et ses institutions.
Or, beaucoup d’entre nous, de toutes générations, sont capables d’exprimer un réel patriotisme européen sur des bases différentes de celles qu’on attend spontanément de polytechniciens et de cadres supérieurs. Nous avons tous la chance, par des voyages professionnels et personnels, de rencontrer beaucoup d’Européens non français, de converser avec eux, d’évoquer ce qui nous unit et ce qui nous sépare. À nous de nous faire entendre et d’expliquer pourquoi notre attachement à l’Europe n’est pas issu de la seule raison raisonnante.
Que ce soit dans les colonnes ou sur le site de La Jaune et la Rouge, certes, mais aussi dans tous les médias auxquels nous pouvons accéder, n’hésitons donc pas à nous exprimer sur le patriotisme européen et les moyens de le faire émerger, fût-ce pour défendre une cause différente de celle que je plaide ici avec ma raison, mais aussi tout mon cœur.