Europorte : le fret ferroviaire, métier de femmes et d’hommes engagés
Europorte se positionne aujourd’hui comme un acteur majeur du fret ferroviaire en France mais aussi en Europe avec une ambition de développer un transport ferroviaire plus éco responsable. Le point avec le Président d’Europorte, Raphaël Doutrebente (E2018).
Au cours des dernières années, quelles sont les évolutions qui ont impacté le marché du fret ferroviaire ?
Il y a tout d’abord l’ouverture à la concurrence. En 2003, Europorte a été l’un des premiers acteurs sur le marché du fret ferroviaire qui a été ouvert à la concurrence pour les transports internationaux, avec en 2005, les premières mises en circulation. Cette ouverture bénéfique a encouragé d’autres acteurs privés à rejoindre la course. Le marché du fret est toujours dominé à 70 % par le groupe SNCF au travers de Fret SNCF et d’autres filiales. Europorte représente 12 % de parts de marché et réalise 30 % de son chiffre d’affaires à l’international.
Le secteur a aussi été fortement impacté par la volonté de promouvoir un transport durable et propre. Les réformes actuelles l’encouragent fortement. Cette transition ne pourra se faire que si l’ensemble des acteurs du transport ferroviaire se fédèrent autour de valeurs communes. Toutefois, dans cette recherche d’un transport plus durable et vert, le recours à des carburants plus propres représente un coût élevé.
Dans ce paysage, quels sont le positionnement et le métier d’Europorte ?
Europorte est un acteur majeur de la traction ferroviaire en France, en Allemagne, et en Belgique. Grâce à une flotte de 80 locomotives, Europorte assure 100 % des flux du Groupe Lafarge et Exxon, 68 % des flux chimie du Groupe Total, 100 % des flux du Groupe Lhoist à destination de la sidérurgie allemande, ainsi que les flux de céréales pour le Groupe Soufflet et tant d’autres. Notre activité s’articule autour de deux métiers complémentaires :
les Installations Terminales Embranchées (ITE) qui sont les activités de traction et de logistique ferroviaire à destination des industriels ;
la gestion des infrastructures ferroviaires que nous effectuons pour SNCF réseau sur certaines lignes dans l’Est et en Hauts-de-France.
Il s’agit donc d’un ensemble d’activités cohérentes et d’une stratégie réussie qui nous ont permis de croître de manière soutenue et rentable depuis 5 ans. Aujourd’hui, Europorte génère 123 millions d’euros de chiffre d’affaires et a un Ebitda de 28 millions d’euros, soit une hausse de 17 % par rapport à 2019, malgré la crise du Covid. Europorte et ses filiales représentent plus de 850 salariés répartis à travers le territoire au service de l’industrie dans le cadre d’un plan de croissance verte. Nos clients apprécient la qualité de notre service, le respect des règles de sécurité et la disponibilité de nos équipes 24 heures/24 et 7 jours/7. Notre différence est précisément l’engagement des équipes auprès des clients.
Vous avez récemment été nommé Président d’Europorte. Quelles sont les grandes lignes de votre feuille de route ?
Mon rôle consiste à coordonner les relations commerciales, opérationnelles et à gérer les relations avec les acteurs du secteur public qui sont au plus près de nos opérations. Cela implique également l’accompagnement de nos équipes dans la résolution de leurs problématiques au quotidien.
Aujourd’hui, je suis également président de la Commission Ferroviaire de l’AFRA (Association Française du Rail), dont l’objectif est de regrouper l’ensemble des opérateurs privés et de coordonner leurs actions dans le cadre du plan de développement du fret ferroviaire mis en place par le gouvernement.
“Chez Europorte, nous considérons que le défi environnemental ne peut être résumé à la simple intention « greenwashing ». Il doit être une réalité au service d’un transport durable.”
Fort du soutien et la confiance de Jacques Gounon et Yann Leriche, j’ai aussi pris la direction générale de Régionéo, la nouvelle structure née du partenariat entre RATPDev et Getlink afin de répondre aux appels d’offres en matière de transport ferroviaire régional de voyageurs.
Ma feuille de route consiste donc à assurer la croissance d’Europorte, à réfléchir à de nouveaux leviers de croissance et à développer ses activités à l’international. Cette croissance doit également se faire dans le cadre d’un dialogue social constructif avec l’ensemble des organisations syndicales. En effet, Europorte a réussi à mettre en place la 1ère grille de rémunération dans le secteur ferroviaire, ce qui contribue à donner plus de visibilité à nos collaborateurs. Nous cherchons également à accroître la part des femmes dans nos équipes.
Au cœur des principaux enjeux qui marquent votre secteur, nous retrouvons la question environnementale. Comment l’appréhendez-vous et quelles sont les initiatives que vous déployez dans ce cadre ?
Le fret ferroviaire s’inscrit parfaitement dans les réformes climat et transport au niveau européen. Nous circulons en autonomie en France, en Belgique et en Allemagne et nous avons la forte ambition de devenir pionniers des trafics électriques et des carburants verts. Aujourd’hui, 80% de nos plans de transport (trains) circulent sous caténaire. Il y a un principe de réalité dans notre métier : si nous optons pour l’électricité comme source d’énergie, celle-ci doit être issue d’une source propre et durable.
Par ailleurs, puisque plusieurs de nos collaborateurs ont des missions qui nécessitent des déplacements fréquents, nous avons mis en place un parc automobile constitué de véhicules 100 % électriques et hybrides. Au niveau du groupe, nous appliquons une limite, assez stricte, de rejet de CO2 par véhicule. Cela nous permet donc de nous inscrire de manière durable dans cette démarche éco responsable comme l’energie nucléaire.
En effet, chez Europorte, nous considérons que le défi environnemental ne peut être résumé à la simple intention « greenwashing ». Il doit être une réalité au service d’un transport durable.
D’autres enjeux concernent notamment la digitalisation de votre secteur ou encore la dimension logistique qui a été fortement impactée par la crise qui se poursuit. Qu’en est-il ?
Europorte a lancé une chaire de recherche avec l’École polytechnique sur la maintenance prédictive avec le Professeur Éric Moulines.
L’idée consiste à analyser les pannes immobilisantes de nos locomotives en recherchant les signes avant-coureurs dans des masses de données qui « tombent » toutes les 43 secondes.
L’enjeu est de développer une méthode fine qui représentera une véritable innovation de rupture en termes de maintenance prédictive.
Quelles sont les perspectives d’Europorte ?
Nous travaillons au développement du projet Régionéo qui combine les expertises de ses deux actionnaires, acteurs majeurs dans le transport de passagers et le transport ferroviaire. Cela nous permettra de proposer aux régions des services ferroviaires revisités et sur-mesure. L’autre objectif d’Europorte est de développer « le vrai fret ferroviaire » en passant par le tunnel sous la Manche. Cela s’inscrit dans une démarche qui trouve tout son sens notamment avec le Brexit.